Gerardmer 2014 : 2ème jour

21ème Film Fantastique de Gérardmer

2ème jour

Une deuxième journée plus mitigée. Les films découverts n’étaient pas du même calibre qu’hier.

Across the River, de l’italien Lorenzo Bianchini, est l’exemple type du sous-Cannibal Holocaust, qui narre l’équipée scientifique d’un spécialiste de la faune sauvage. Marco Contrada, dont la mission est  de recenser les espèces animales dans  cette forêt italo-slovène, découvre que les bêtes sont attaquées par une bien curieuse créature. L’origine du fléau semble prendre naissance dans un village en ruines, aux confins du monde. Entre balade forestière, séquences en caméra subjective incompréhensibles, et musique lyrique façon giallo, le long-métrage s’essouffle avant même d’avoir commencé. Le metteur en scène enchaîne les scènes répétitives, entre gros plans sur les essuies-glace du véhicule, plans larges pour insister sur l’immensité de la forêt et commentaires techniques sur les espèces. Le problème principal réside dans l’absence de point de vue. Le spectateur n’est ni mis à la place du scientifique, ni intégré émotionnellement dans la découverte du mystère. On a l’impression d'assister à l’ébauche d’un found footage par le recours épisodique à la caméra subjective, trop fréquente pour distancier le spectateur, mais trop rare pour lui permettre de vivre, de l’intérieur, les pérégrinations de l’explorateur. S’ensuit un rythme chaotique, rapidement soporifique, qui ressemble davantage à un film ethnographique qu’à un long-métrage de festival.

Les films à sketches sont rarement réussis, entre échec cuisant (ABC of Death, dont le segment réalisé par Xavier Gens est certainement le plus abouti) et réussite déséquilibrée (Théâtre bizarre, avec le lumineux court-métrage de Douglas Buck et la belle curiosité, Vision Stains de Karim Hussain). Tales from the Dark n’échappe pas à la règle. Réalisé par Simon Yam, acteur fétiche de Johnnie To et découvert dans Une balle dans la tête de John Woo, Stolen Goods, premier segment, est une histoire de fantômes autour du vol d’urnes funéraires par un homme sans ressource, confronté à la misère de Hong Kong. Ce film social à dimension fantastique a tous les défauts d’un première réalisation : l’influence de Johnnie To est palpable, entre humour burlesque et couleurs léchées, et Simon Yam peine à trouver son style dans cette mise en scène ultra-énergique : plans subjectifs, décadrages, raccords brutaux. Il lui reste à trouver sa voie pour convaincre totalement.

Le deuxième court-métrage, A Word in the Palm de Lee Chi-Ngai, est nimbé d’une atmosphère volontairement artificielle pour souligner la coloration grotesque de sa veine fantastique. Le fantôme est associé à deux personnages caricaturaux, un medium de pacotille, sur le point de tirer sa révérence, et une obscure vendeuse de pierres en toc. Leur ridicule confère au récit un caractère publicitaire qui mine la part fantastique. Le réalisateur oscille entre une peinture mélancolique des croyances ancestrales (ces prophètes de seconde zone se substituent aux taoïstes) et une évocation humoristique d’un drame intime (le suicide d’une jeune femme abandonnée par son amant). L’hétérogénéité des tons empêche l’identification du spectateur.  La dernière partie, de Fruit Chan, est la plus convaincante.

A l’instar de son traitement ambigu du cannibalisme dans Nouvelle Cuisine, le cinéaste hongkongais traite de la pauvreté sociale, dans Jing Zhe, par le biais d’une histoire de fantôme surprenante. Il rejette l’opposition binaire entre les pauvres et les riches, et par là-même l’héroïsation de la medium désargentée. Il construit ainsi un revenge movie pur et simple, au bout duquel le fantôme assassiné par les défavorisés fait justice pour quitter avec dignité le monde. La dernière séquence est emblématique, plaçant en son c½ur ce personnage violent, réconcilié avec lui-même, à la fois fragile et impitoyable. Sans jugement à l’égard de ses personnages, dans une mise en scène volontairement distanciée et déjouant les archétypes invoqués, le récit est émaillé de fausses pistes pour mieux glorifier le fantôme, exclu d’un monde social corrompu à tous les niveaux.

La deuxième vision de We are what we are n’a pas changé grand-chose au schmilblick. Mélodrame crypto-christique sur fond de misère justifiée socialement, le dernier film de Jim Mickle, remake d’un film mexicain de meilleure facture, déçoit toujours autant, après l’avoir découvert au Festival de Strasbourg.

Dernier film de la journée, Super 8 Madness, de Fabrice Blin, est un documentaire de fans, largement sponsorisé par Mad Movies, qui revient sur le développement du format « super 8 » dans les années 80. Officiellement vendu comme une enquête sur le cinéma gore typique de cette période (la naissance des Steven Spielberg, Sam Raimi ou Peter Jackson), le documentaire est en réalité une ode à la gloire du festival du super 8 fantastique de Paris, avec les commentaires des membres de l’équipe de l'époque à l’appui, Jean-Pierre Putters (producteur), Jean-Marie Toussaint (monteur du film) ou encore Fabrice Blin lui-même (le réalisateur). Si la période bénie est sympathique, on aurait aimé plus de détails et de hauteur de vue quant à l’ampleur du format, et ses conséquences, sur l’industrie cinématographique dans sa généralité. Restent des anecdotes amusantes, quoique largement dispensables. Bref, un film de potes pour les potes.

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