Voir la fiche complète du film : Ailes grises (Itsuki Imazaki, Jun Takada, Kenichiro Watanabe - 2002)
[[

Ailes grises

Parabole intelligente sur l'existence et la raison d'être, Ailes grises propose un voyage envoûtant où violence et action n'ont pas lieu d'être. Une esthétique sans faille, un panel de personnages travaillés, un quotidien décrit avec pudeur et nonchalance, sans oublier des dialogues accessibles à tous sans sombrer dans des échanges abscons, cet anime trouvera une place de choix dans toute dvdthèque qui se respecte. Une oeuvre lyrique, tantôt merveilleuse, tantôt mystérieuse à savourer sans modération.
Publié le 12 Novembre 2012 par Dante_1984Voir la fiche de Ailes grises
10
Après un rêve pour le moins étrange, Rakka naît dans un endroit dont elle ne connaît rien. Ses nouveaux amis l'informent qu'elle est devenue un Haibane (une Aile grise). Elle découvre alors le quotidien de ces êtres ailés pourvus d'une auréole. Mais l'apprentissage est difficile et les questions sur la raison de son existence même lui pèsent sur la conscience. Parviendra-t-elle à surmonter les épreuves pour progresser ?

Yoshitoshi Abe est le character designer derrière le très sombre et inoubliable Serial Experiments Lain, anime incontournable de par son atmosphère éthérée et son histoire complexe. Après s'être essayé à un style beaucoup plus léger dans la trame narrative (NieA 7), monsieur Abe s'attelle à Ailes grises. Pour ce manga, il officie non seulement au graphisme, mais aussi au scénario et touche un peu à tous les autres domaines. Une implication qui montre ô combien ce nouveau projet lui tient à coeur. Jugeons plutôt de quoi il en retourne.


Portrait de famille.

L'entame expose une chute vertigineuse, celle de Rakka. Cela marque la symbolique de la naissance, mais également le choix de venir au monde et non de subir la vie. Puis l'on apprend par la suite qu'il s'agissait d'un songe. En fonction de ce rêve découlera son prénom qui reflète la personnalité et les envies de l'intéressé, sans oublier un indice capital pour découvrir le sens de son existence. C'est comme si notre vie était régie avant même qu'elle ne commence par une insaisissable destinée. D'emblée, on constate qu'Ailes grises aborde moult questions introspectives sans faire étalage de proses verbeuses ou prétentieuses.

Hautement contemplative, l'histoire ne recèle ni action, ni suspense et encore moins de violence. En soi, l'anime se démarque et démontre une réelle volonté de mettre à l'écart ce qui compose notre époque (y compris les velléités entre humains) pour mieux s'attarder sur l'essentiel : les relations amicales et sociales, l'entraide et savourer l'ingénuité du moment qui confère un bonheur presque insolent à la ville de Guri. À certains égards, cela peut paraître utopique, voire naïf et pourtant les villageois (humains et Haibane) semblent n’avoir jamais rien connu d'autre. Tout découle naturellement et nous renvoie à une simplicité déconcertante. Comme quoi certains artistes sont encore capables de proposer des récits fascinants sans la moindre brutalité.


Petite excursion en forêt.

Le scénario n'est donc pas propice à une débauche spectaculaire de péripéties ou à des retournements de situations incongrus. Ailes grises se veut avant tout porteur d'une profonde réflexion sur le sens de la vie. Pourquoi naissons-nous ? Que devons-nous accomplir ? D'où viens-je et où vais-je ? Des interrogations souvent insolubles auxquelles se reflètent des réponses difficiles, voire énigmatiques. Le quotidien de Guri et du pensionnat focalise l'intrigue sur ces errements qui hantent tout un chacun. Là où certains constateraient longueurs et rythme lénifiant, il faut y voir un déroulement proche des protagonistes pour mieux les comprendre.

À ce titre, les relations entrecroisées permettent d'exploiter des pistes intéressantes en fonction de leur personnalité. Rakka découvre cette vie à la fois merveilleuse et déstabilisante. Elle apporte son lot de doutes et de contradictions par ses réactions altruistes et la volonté d'en apprendre plus sur elle-même. Ensuite Reki qui montre ô combien les apparences cachent de nombreuses souffrances. Son caractère complexe est décrit progressivement de telle manière à la rendre encore plus attachante qu'aux premiers abords. Le travail psychologique sur les personnages secondaires n'est pas en reste également, même si l'identification est moins évidente.


Un pont vers une autre vie (pas évident à traverser).

Pour ce qui est de l'animation et du graphisme, la patte de Yoshitoshi Abe est facilement reconnaissable. Le visuel se veut inspirer et chatoyant avec une palette de couleurs qui force le respect. Le cadre original met grandement en valeur le pensionnat, la ville, le pensionnat ou la forêt. À noter que cet univers rappelle fortement le travail de Fumito Ueda sur Ico (jeu vidéo sorti en 2001). On y décèle des influences similaires tant au niveau du décor (assez dépouillé et néanmoins recherché) que sur les personnages (les Toga ou le Washi avec leur faciès caché par des masques) ou la présence du mur qui enclave les Haibane et une poignée d'humains dans un microcosme idyllique, un peu comme si l'on se retrouvait dans un rêve éveillé (ce qui n'est pas loin de la vérité).

L'on ne trépignera pas d'impatience sur son fauteuil dans l'attente d'un suspense à couper le souffle ou d'une trame tendue. Non, on préférera s'attarder sur les interactions entre les protagonistes, le visuel marqué et sublime ou un scénario prompt à évoquer moult réflexions sur notre existence. Tant par sa beauté que par sa candeur, Ailes grises convie à une introspection profonde sur la quête de soi. Notre (ou nos) raison(s) de vivre, le souvenir qu'on laissera derrière nous, ce que l'on a accompli (ou pas) et notre comportement face à l'appréhension de la mort (symbolisé ici par le jour de l'envol) sont autant de points fondamentaux qui nous interpelle tout au long de ces treize épisodes qui sont décidément passés beaucoup trop vite.

A propos de l'auteur : Dante_1984
Portrait de Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

Autres critiques

Grizzly Park
Le premier contact avec Grizzly Park n'est pas désagréable. Le visuel de couverture est classique mais sympathique et la jaquette clame fièrement "Grizzly Park s'impose comme la référence des films de Grizzly". Un slogan sans âme et qui ne convaincra personne mais puisqu'il est là, quelqu'un a bien dû l'écrire. Alors maintenant il y a deux possibilités: soit cette...
Arac Attack
Que l’on envisage de faire un film « sérieux » sur la thématique des araignées, comme Arachnophobie , ou que l’on souhaite proposer un spectacle débridé, la frontière est bien mince pour éviter le navet. Des itérations telles qu’ Arachnid (Jack Sholder) ou Spiders (Gary Jones) sont là pour nous le rappeler. Déjà responsable du sympathique Éclosion , téléfilm où des...
Killer Shark
Après un Lake Placid 3 de sinistre mémoire, Griff Furst, grand spécialiste des productions de seconde zone, s’est attelé à démonter un autre mythe du survival animalier: le requin. Certes, il n’est pas le seul et encore moins le premier à s’évertuer dans un sous-genre où l’absurdité des faits rivalise de bêtises et de médiocrité. Il ne se décourage pas pour autant pour...
Blood on the Highway
Faisant route vers un concert réputé trash, trois jeunes gens, Carrie, Bone et Sam, se perdent et échouent à Fate, un patelin à première vue sans histoires, mais infesté de vampires. Depuis l'épatant Shaun of the Dead (2003), les parodies de films d'horreur retrouvent un second souffle. Ici, le duo de cinéastes Epstein-Rowan s'attaque donc au mythe vampirique. Revenu à la lumière par le biais de...
Demonic
Nombreuses sont les productions outre-Atlantique dont la distribution reste incertaine dans nos contrées. La perle horrifique Grave Encounters – qui a mis plusieurs années à sortir en DVD chez nous – est d’ailleurs un exemple frappant de ce phénomène regrettable. Sachant qu’il vaut mieux prévenir que guérir, abordons le Demonic de Will Canon qui, malgré des faiblesses et...

Thématiques