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Balada triste

Drôle, poignant, incongru, mais surtout éblouissant de virtuosité, <b>Balada triste</b> est un chef d'oeuvre qui prouve allégrement que notre époque recèle encore quelques cinéastes visionnaires. Alex de la Iglesia vous convie à un tourbillon d'émotions dans une histoire forte et ensorcelante. Il émane de cette pellicule une froide beauté, semblable à une forêt glacée figée dans le temps. On s'extasie devant, mais on en ignore les dangers. L'un des cinq meilleurs films de l'année et certainement de la décennie. Osez le voyage, vous en resterez coi.
Publié le 19 Octobre 2011 par Dante_1984Voir la fiche de Balada triste
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Clown Parc d'attractions - Fête Foraine

Dès son plus jeune âge, Javier s'est vu confronté à la guerre civile qui a ravagé son pays et sa famille. Il en garde un souvenir amer et ne semble pas trouver le bonheur. Trente-cinq ans plus tard, il est embauché dans un cirque itinérant en tant que clown triste. Néanmoins, Sergio, le clown marrant, est un homme violent et impulsif qui tient sous son joug la troupe. C'était sans compter que Javier tombe amoureux de Natalia, la femme de Sergio.

Il est parfois des films qui, dans le paysage cinématographique, tranchent avec la bienséance et les attentes du public. Il est parfois des oeuvres qui, à peine sorties, font déjà parler d'elles. Les éloges pleuvent, les audaces sont récompensées. Balada triste fait partie de cette catégorie de productions anticonformistes où transparaît une richesse insoupçonnée à travers un récit profond et fascinant. Qu'on se le dise, Balada triste se révèle l'un des films les plus originaux de la décennie. Tant par ses qualités visuelles ou sonores, le film d'Alex Iglesia nous transporte dans un voyage où onirisme et cauchemar s'entremêlent pour le meilleur. Préparez-vous à une odyssée sans commune mesure.


La fête est finie.

L'introduction nous plonge dans la guerre civile d'Espagne (vers 1937) où nationalistes et républicains s'affrontent avec véhémence. Au lieu de nous servir une situation où l'on voit le conflit à travers les yeux des soldats, le cinéaste nous propose de suivre le destin des civils jusqu'à alors absorbés dans un numéro de clowns. Un exutoire qui permet d'oublier, l'espace d'un instant, la cruauté du conflit. Puis, vinrent les soldats, réquisitionnant les hommes aptes au combat. À ce moment, on nous offre une bataille où violence et réalisme s'associent pour nous fournir une séquence forte. Le clown muni de sa machette qui est contraint de devenir assassin pour sa propre survie.


Un clown qui tranche dans le vif du sujet !

Si je m'attarde sur cette introduction à couper le souffle, c'est pour souligner tout ce que représente Balada triste aussi bien dans le contexte historique que cinématographique. En moins de dix minutes, on est happé et secoué comme rarement un film sait le faire. L'audace et le talent transparaissent à chaque instant dans le récit. On a l'impression d'assister à un rêve éveillé, magnifié par une photographie absolument somptueuse. Teinte monochrome, palettes de contraste subtiles, le soin à l'image laisse pantois d'admiration. L'oeuvre d'un grand homme qui met en exergue tout son génie. À tous les niveaux, Alex de la Iglesia parvient à jongler entre romance et violence avec une rare maîtrise. Tout simplement grandiose.


Le clown rit jaune.

Cela nous amène au foisonnement d'idées qui jalonnent ce film. Guerre, drame, horreur, parfois comédie, Balada triste ne se catégorise pas dans un genre. Il les unifie tous afin d'en ressortir un objet insolite, étrange et savoureux. Tant le cinéaste que les interprètes excellent dans chaque registre imposé. Il est difficile d'imaginer pareille prouesse. Une telle ambition pourrait faire grincer des dents sur le papier puisqu'elle est, semble-t-il, irréalisable. Pourtant, le résultat est à la hauteur de nos plus folles espérances. À noter également, une profusion de lieux et de cadres qui finissent de nous conquérir. Les milieux sauvages et urbains se muent en une sorte d'indicateur émotionnel quant au devenir de nos protagonistes.


On sort l'artillerie lourde !

Car, avant tout, Balada triste reste une histoire de destins. Des personnages amers évoluant dans un univers désenchanté. Le cirque apparaît comme la dernière oasis où les rêves demeurent possibles. On oublie le monde extérieur et sa folie dévastatrice. On oublie une vie qui part à vau-l'eau. Le cirque est le refuge des enfants (grands ou petits). Pourtant, c'est cette conception rassurante qui vole en éclat dès les premières minutes. D'abord, la guerre et, trente-cinq ans plus tard, un homme avili par la violence et l'égoïsme. Paradoxalement, c'est ce même personnage qui joue le rôle du clown marrant, comme si chaque être était capable de se dissimuler sous un masque de gentillesse et d'affectivité. Une schizophrénie permanente qui se retrouve également chez les autres membres de la troupe.


La Balada triste de trompeta

Tantôt amicaux et bienveillants, tantôt pleutre et transi de peur. En cela, le petit monde du cirque s'accapare les traits de l'Espagne à cette époque tourmentée. Un microcosme soumis à la dictature d'un unique homme autour duquel tout lui est dû. Cette peur prégnante est omniprésente. La scène du restaurant en est l'exemple le plus flagrant. La convivialité précède à la brutalité et au silence. On détourne la tête, on ignore les coups comme si la violence était quotidienne. Un comportement banal, sans grande importance. La peur également de s'engager envers une personne chère ou de progresser dans la vie. Cette thématique est tellement ancrée dans Balada triste qu'il faudrait plusieurs dizaines de pages d'analyse pour en saisir toutes les subtilités. Aussi, nous nous en tiendrons là.


L'objet de tous les désirs.

On décèle des propos sur la déshumanisation latente de l'individu au bénéfice d'un régime dictatorial. Javier est esclave de ses sentiments. Ils le manipulent sans qu'ils parviennent à les maîtriser. Ce sont ces mêmes sentiments qui causeront sa déchéance. Sa folie n'est pas subite. Elle évolue en terrain hostile, se jouant des obstacles avec habileté et patience. Où l'on voit l'amour dérivait sur les pans acérés de la haine et où l'on renie sa propre humanité pour accomplir ses objectifs. Encore une fois, Balada triste se lit sur deux niveaux : le visuel et l'intellectuel. On jouit du spectacle, mais celui-ci n'est pas gratuit. Il possède un sens (si incongru soit-il de prime abord) qu'il faut devinait par soi-même.


Clown au volant, mort au tournant.

Chacun aura son avis sur la question étant donné que tous les points de vue sont sensiblement différents. On ne nous accompagne pas par la main en nous informant de ce qui est bon ou mauvais. Ces considérations purement manichéennes sont caduques dans le cas présent. Le mal et le bien absolus n'existent pas. Il demeure juste des nuances de gris plus ou moins clairs où l'on se situe à certains moments et parfois à d'autres. Balada triste mérite cette lecture. Au-delà du film, c'est à une réelle introspection qu'il nous convie. La perte de repères, le renoncement ou même l'espoir sont autant d'impressions qui demeurent pendant et après le film.


Une mine réjouissante.

Le cinéma hispanique nous avait déjà prouvé son audace et son talent à travers des oeuvres marquantes (L'orphelinat, Le labyrinthe de Pan...). Avec Balada triste, il parvient à hisser le septième art vers de nouvelles cimes. Melting-pot des genres, l'histoire se suit comme un numéro de cirque avec ses rebondissements, ses facéties, son goût prononcé pour le spectaculaire et sa chute (du Shakespeare en puissance). Balada triste résume l'existence humaine à une longue succession de contradictions. La folie face à la raison, la peur et le courage, l'amour et la haine. Le scénario foisonne de symboliques toutes plus variées et profondes les unes que les autres. Finalement, il découle une sombre ironie de ce récit. Si triste et cruelle qu'elle soit, la vie est une farce.

A propos de l'auteur : Dante_1984
Portrait de Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

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Balada triste
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Durée:
107 min
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