Voir la fiche complète du film : Death Tube (Yôhei Fukuda - 2010)
[[

Death Tube

Malgré une entame brute de décoffrage et les messages véhiculés sur les dérives du web, Death Tube reste un torture-porn mineur. La faute à une surenchère en constante déclivité et des passages plus soft qu’attendu. Les mises à mort sont plus radicales que travaillées, tandis que le jeu des acteurs décrédibilise les efforts consentis sur le fond.
Publié le 13 Janvier 2020 par Dante_1984Voir la fiche de Death Tube
5
Voyeurisme Internet

Mettre en corrélation le rapport à l’image et les déviances de l’esprit humain est une préoccupation particulièrement présente depuis les années 1970. Le sujet malsain s’est notamment distingué en s’attardant sur les snuff movies, puis sur les faux documentaire ou found-footage. Avec l’essor d’internet au XXIe siècle, le voyeurisme prend une autre dimension, plus pernicieuse, car il n’est plus nécessaire de se rendre dans des marchés noirs ou des milieux undergrounds. Il suffit d’un écran et d’une connexion pour avoir accès à des mises en scène d’assassinats gores. Derrière un titre qui détourne la célèbre chaîne de vidéos, Death Tube semble être une œuvre aussi sarcastique que dérangeante.

 

Ça commence bien !

Et les premiers instants laissent augurer d’une atmosphère glauque au possible. Le rendu pictural poisseux et aléatoire, une victime en gros plan que l’on décapite progressivement. D’emblée, on s’attarde sur la véracité des images et le rapport qu’elles suggèrent avec le spectateur. On instaure le doute pour savoir si le trucage est avéré ou inexistant. Indirectement, on renvoie ainsi au mythe du snuff movie où la réalisation est épurée pour qu’il ne subsiste qu’un aspect brut. L’entame est assez judicieuse pour avancer le voyeurisme sous l’angle confortable de l’écran d’ordinateur. Le sentiment d’impunité et l’anonymat tout relatif qu’offre le web sont mis en avant.

Par la suite, on apprécie également le fait d’imposer des défis où l’absurde et le grotesque sont de circonstances. Tour à tour enfantins ou d’une difficulté improbable (rédaction du préambule de la constitution japonaise), ces « jeux » sont assimilés à des épreuves où l’échec est synonyme de mort. Là encore, la dénonciation avec cynisme de la débilité latente sur le web est aussi présente. La progression s’apparente à Saw, Cube ou, pour rester dans le domaine des œuvres nippones, au manga Doubt. Pour autant, l’intrigue n’est pas tant travaillée que cela. Bien que certaines pistes essayent de justifier l’implication des protagonistes dans pareille situation, les explications avancées demeurent sporadiques, voire incohérentes.

 

Quand on parle de bestiole jaune nipponne, il n'y a pas que Pikachu

Si le fond est foncièrement intéressant, on regrette néanmoins que la forme n’emprunte pas le même chemin. Le côté glauque est vite remisé à deux séquences aussi explicites que violentes, puis le film n’a plus rien à offrir en matière d’hémoglobine ou de brutalité. Certes, il y a bien une mort par empoisonnement, une pendaison (mal fichue) ou encore une victime exécutée à l’aide d’une arme à feu. Mais cela reste trop conventionnel et surtout trop en retrait par rapport à ce que laissait augurer l’introduction. Est-ce dû à la polémique liée à Grotesque ? Toujours est-il que l’enrobage déviant est beaucoup moins subversif qu’escompté.

L’on note également de gros problèmes de rythme qui étirent plus que de rigueur la trame entre les épreuves et les instants de répit entre chaque réussite (ou défaite, pour certains d’entre eux). De fait, on se retrouve souvent dans l’attente et pas assez dans l’appréhension. Au lieu de rendre le calvaire plus éprouvant, ce procédé l’atténue. De même, l’aspect paranoïaque et compétitif envers les différents « candidats » n’est pas assez développé pour créer un climat de tension. À cela s’ajoute une interprétation calamiteuse où les situations extrêmes tiennent du ridicule et non d’un état émotionnel stressant, appuyant l’urgence du contexte.

 

Encore un fan de cosplay qui s'implique trop dans son rôle... ou pas assez

Au final, Death Tube propose un résultat en demi-teinte. Dans ce qu’il souhaite véhiculer et dénoncer, le film de Yohei Fukuda reste intéressant. On songe notamment au voyeurisme, à l’impact des NTIC et surtout au meurtre et à la torture par procuration. En l’occurrence, cette dernière se révèle plus psychologique que physique. Ce qui paraît hors contexte pour traiter du torture-porn d’une manière perturbante. On regrette également de trop nombreuses errances narratives, une impasse faite sur les causes (la violence n’est pas si gratuite que cela) et l’ambiance tendue d’un tel cadre. Cela sans compter sur un casting proche de l’amateurisme. De bonnes idées, mais une mise en œuvre laborieuse et maladroite qui convainc à moitié.

A propos de l'auteur : Dante_1984
Portrait de Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

Autres critiques

Intracable
Rattachée à une section spéciale pistant les dérives du net, l'agent Jennifer Marsh (Diane Lane) met la main sur un site filmant la mort d'un chaton. Ce site internet, Kill With Me , propose ensuite la mise à mort d'un être humain. Plus les connexions sur le site sont nombreuses, et plus vite meurt la victime. Les thèmes du snuff et du cybercrime sont à la mode depuis quelques années...
Meurtres
Le premier contact avec Meurtres est des plus agréable. En effet, la superbe jaquette peinte n'est pas sans rappeler les grands classiques d'antan et n'hésite pas à proclamer fièrement "L'un des meilleurs slashers de ces dernières années". Honnêtement, après les tonnes de slashers tous plus banals les uns que les autres qui ont fleuri durant la vague de Néo-slashers...
Scary Movie 4
On prend les mêmes que le 3 et on recommence (encore!). Alors que le premier épisode parodiait intelligemment des classiques du slasher, la série des Scary movie s'est depuis enfoncée dans le détournement frénétique des blockbusters ayant récemment bien fonctionnés au box-office. Et la seule chose qui la différencie encore de navets comme Big Movie , Spartatouille ou autre ânerie du genre, ce...
Children of the Corn: Genesis
Je sais ce que vous pensez, ou avez pensé, en voyant débarquer cette énème aventure des sales gosses adorateurs du maïs : Encore ?! Mais quand vont-ils s'arrêter ?! Comme je vous comprends, car cette interminable saga à la qualité discutable n'en finit plus de (re)venir hanter nos écrans. Huit films et un remake, c'est l'incroyable descendance engendrée par la nouvelle de Stephen king . Qui l'eut...
Poltergeist
Quatrième long-métrage tourné par Tobe Hooper pour le cinéma, Poltergeist représente un sommet dans la carrière du réalisateur de Massacre à la tronçonneuse . Produit et scénarisé par Steven Spielberg, Poltergeist marque une certaine rupture de ton avec les précédents films de son réalisateur, tout en restant dans le registre de l’horreur et de l’épouvante. L’action se déroule dans une banlieue...
Death Tube
Réalisateur:
Durée:
117 min
3.25
Moyenne : 3.3 (8 votes)

Death Tube - Trailer

Thématiques