Le Dernier Maître de l'air
Il n'y a pas si longtemps, chaque nouveau film de M. Night Shyamalan déclenchait une vive attente chez les spectateurs et la plupart des critiques de cinéma. Ce temps semble désormais révolu puisque outre le désamour des critiques depuis Le Village, Shyamalan doit aussi faire face à la défection du public. Il faut dire que ledit Village, ainsi que le film suivant, La Jeune Fille de l'eau, étaient loin d'être des réussites.
En 2008, Phénomènes avait légérement réconcilité le réalisateur avec ses fans, mais ce n'était pas encore le retour du "grand" Shyamalan, celui du Sixième sens et d'Incassable.
Evidemment, ce n'était pas avec un film comme Le Dernier Maître de l'Air que le réalisateur allait reconquérir ses fans de la première heure mais il espérait certainement retrouver l'amour du grand public grâce à cette adaptation d'une série à succès. Las! Au lieu de recevoir des acclamations, Shyamalan doit aujourd'hui éviter les pots de fleurs et subit une véritable furia de la part des fans d'Avatar (la série).
Alors je dois vous préciser que je ne suis pas un fan de la série télévisée. Tout au plus ai-je vu quelques épisodes, ce qui peut expliquer que je ne comprends pas les réactions extrêmes que suscitent cette adaptation sur grand écran. Car ce que j'ai vu moi, c'est un film sympathique, narrativement bancal et parfois mal rythmé, mais doté d'un univers riche et d'effets spéciaux bien réalisés.
Les impressionnants bateaux de la nation du feu...
Aang, un jeune garçon de cent douze ans, est le successeur d'une longue lignée d'Avatars, capables d'apprendre à maîtriser les quatre éléments. Il a la responsabilité d'empêcher la Nation du feu de détruire la Tribu de l'eau, le Royaume de la Terre et les Nomades de l'air afin de rétablir l'équilibre entre les quatre nations…
Kaaaméééhaaamééé... Oups, pardon...
Commençons par les points négatifs. Le plus évident est le rythme chaotique de la narration. Shyamalan est peut-être un bon conteur quand il s'agit de narrer des films atmosphériques en jouant avec le montage, mais sur un film où l'action devrait être trépidante, il s'emmêle un peu les pinceaux. Le montage n'est clairement pas pensé pour donner un souffle épique à l'ensemble et c'est bien dommage. Les flash-backs et les visions avec l'esprit-dragon, en plus d'être moches visuellement, sont insérés un peu n'importe comment et surtout, n'importe quand. Il en va de même pour les sautes d'un personnage à l'autre. Tout cela manque de liant et les coupures incessantes peuvent agacer en plus de hâcher le rythme du film.
C'est d'autant plus dommage que Shyamalan est loin d'être un manche avec la caméra et que ses mises en scène sont superbes. Le bonhomme sait remplir son cadre et il nous le prouve une fois de plus, mais les erreurs de montage plombent régulièrement ses efforts pour offrir au spectateur un spectacle épique.
Signalons au passage une scène hommage (pompage?) à l'attaque du gouffre de Elm dans Le Seigneur des Anneaux: Les Deux Tours. Seulement, n'est pas Peter Jackson qui veut et Shyamalan, à l'instar de Tim Burton d'ailleurs, a du mal à filmer des scènes grandioses lorsqu'elles ne rentrent pas dans le cadre de ses réalisations habituelles.
Quand Zuko pas content, lui toujours faire ainsi...
Toujours au rayon des points négatifs, la performance de certains acteurs laisse à désirer. Si le héros incarné par Noah Ringer est irréprochable tout comme Dev Patel (Slumdog Millionaire) en prince Zuko, il n'en est pas de même pour Jackson Rathbone (l'inénarrable Jasper de la saga Twilight). L'acteur n'est clairement pas à sa place et promène son regard étrange d'un bout à l'autre du film sans jamais parvenir à insuffler la vie à son personnage.
Les méchants de la nation du feu personnifiés par Cliff Curtis et Aasif Mandvi sont également trop peu convaincants.
Du coté des filles, Nicola Peltz s'en sort beaucoup mieux dans le rôle de l'amie de l'avatar. Son joli minois est, de plus, agréable à regarder. Seychelle Gabriel en princesse Yue laissera une impression plus mitigée, en grande partie dûe à sa chevelure ratée ainsi qu'à un personnage très (trop) guimauve.
Pour en finir avec les points noirs, utilisez Biactol... euh... pour en finir avec les points noirs du Dernier Maître de l'Air disais-je, les chorégraphies des attaques pourront déplaire à certains. Personnellement j'ai plutôt apprécié de voir ces ballets bien chorégraphiés servir à maîtriser les éléments, mais nul doute que d'autres trouveront ça ridicule. Cela dépendra de la sensibilité de chacun.
Jackson Rathbone ou quand la passion transparaît dans un seul regard...
Le constat peut sembler catastrophique à la lecture des lignes ci-dessus, mais sur écran ce n'est pas tout à fait le cas. Certes, les défauts cités sont agaçants, voire pénibles, mais comme précisé plus haut Shyamalan n'est tout de même pas un vulgaire tâcheron. Sa réalisation est très soignée, de même que les effets spéciaux, et si sa caméra est quelques fois à coté de la plaque (rarement heureusement), l'ensemble du film est graphiquement excellent.
De plus, l'univers décrit est suffisamment intéressant pour que l'on reste scotché malgré les sautes de rythme et la narration hâchée.
Certains scènes restent impressionnantes et sont très bien mises en scène, à l'image de ce combat en plan-séquence alternant zooms, dézooms et ralentis. Des effets clippesques inhabituels dans le chef du réalisateur indien mais qui sont ici utilisés à bon escient.
Les jeunes gens en plein entrainement de danse moderne
Donc, au risque de me faire incendier par les fans de la série, je le dis haut et fort: Le Dernier Maître de l'Air est une honnête bobine de divertissement. Je peux imaginer que pour eux le film soit décevant par certains aspects mais c'est toujours le cas lors d'une adaptation. J'ai tout de même beaucoup de mal à comprendre l'acharnement et la campagne négative qui entourent le film de Shyamalan parce que quoiqu'on en dise, il reste nettement plus réussi que bon nombre d'adaptations sans âme et bâclées.
Un film de M. Night Shyamalan
Avec : Jackson Rathbone, Dev Patel, Nicola Peltz, Cliff Curtis