L'Emprise du mal
Dans les années 2000, l’Espagne nous avait offert des talents et des films qui font à présent partie des plus belles perles du cinéma de genre. Depuis, ce déferlement d’excellence semble s’être amoindri. La vague se retire et laisse dans son sillage des productions plus ou moins passables, voire carrément dispensables. Qu’il s’agisse de l’horreur, du fantastique, de l’épouvante ou même du thriller, les Hispaniques sont capables du meilleur, comme du pire. Avec le thriller psychologique L'emprise du mal, avons-nous droit à un DTV qui gagne à être connu ou un navet pédant qui ne suscite que la frustration et l’ennui ?
On va la jouer à la Shining.
Premier long-métrage dont la gestation aura nécessité six ans, L’emprise du mal choisit de se baser sur la vie d’un couple en perdition qui tente de se donner une seconde chance. Pour cela, partir en vacances semble être la seule solution. Première impression : pitch banal, mais facilement exploitable si l’on expose correctement les faits tout en maîtrisant sa progression. Bizarrement, l’entame évoque Shining : deux époux et leur enfant qui se retirent dans un lieu isolé dans les montagnes en plein hiver, les histoires de famille (sans secret honteux)… Pour tout dire, on est même persuadé que le mari est alcoolique et que l’on ne tardera pas à voir surgir quelques phénomènes paranormaux.
Mais non, on reste dans un domaine assez rationnel (du moins 95 % du temps) qui va vite se révéler ennuyeux et répétitif. De longs, trop longs, silences ponctuent l’intrigue rendant l’atmosphère lourde et pesante (dans le mauvais sens du terme). Des regards de bovins, des plans sans inventivité et une succession de séquences à l’intérêt minime. Il n’existe aucune tension, aucune angoisse dans un scénario mal maîtrisé et ronflant. D’ailleurs, l’intervention de l’élément « perturbateur » principal n’apporte rien étant donné que l’on devine rapidement sa place et qu’il ne communique aucune ambiguïté sur ses motivations.
Un petit chalet bien tranquille.
L’aspect psychologique est peut-être présent, mais reste abstrait, un peu comme les intentions du cinéaste qui multiplie les propos purement théoriques sur les messages véhiculés tout au long du récit. Au même titre que son histoire sans imagination, la réalisation ne recèle aucune fulgurance et se montre aussi plate qu’une limande. On retiendra une photographie aux teintes glaciales assez remarquables compte tenu de la médiocrité générale. L’exposition des images se veut parfaitement dans le ton et procure une excellente impression de froideur, notamment grâce à un cadre somptueux, mais finalement peu exploité.
Le huis clos qui s’annonçait comme tel n’en est pas un. L’environnement est relégué au second plan (au sens propre, comme au figuré) pour donner lieu à une belle scène de ménage où jalousie et manque de confiance sont les maîtres mots. Les personnages sont tellement peu loquaces et pas du tout attachants, avec une évolution quasi inexistante, qu’on les croit muets. Les acteurs se contentent du minimum syndical sans jamais communiquer la détresse, le doute, le dégoût ou l’empathie que suscitent leurs rôles. En somme, une interprétation sans relief à l’image des autres aspects du récit : pénible.
Ce n’est pas le seul à avoir perdu la tête...
Au final, L’emprise du mal est un thriller psychologique ennuyeux au possible. L’histoire se targue de dénoncer les problèmes familiaux en jouant sur la paranoïa et les apparences. Toutefois, le traitement lénifiant confère au métrage un rythme laborieux, plat et capricieux dans sa progression. Prévisible et doté d’une approche maladroite de son sujet, ce premier film ne véhicule aucune émotion tout en multipliant les silences rarement évocateurs de tension. À l’instar de sa très belle photographie (unique atout), il laisse froid et indifférent. L’on remarquera un final à double-tranchant, à la fois attendu et doté d’un élément pseudo fantastique totalement hors de propos et surtout ridicule dans ses implications. Long et prétentieux.
Un film de Miguel Ángel Toledo
Avec : Ariel Castro, Raquel Escribano, Javier Montó, Joan Prades