La créature des bermudes
Quand on s’appelle SyFy, on dispose d’une certaine notoriété dans la production de seconde zone. Digne concurrent et parfois collaborateur d’Asylum dans la démarche du «toujours plus nul, toujours plus absurde», la firme multiple la quantité au détriment de la qualité. Certes, l’on ne s’attend jamais à une surprise ou à un sursaut d’orgueil (environ moins de 5% de leur filmographie), mais ce genre d’inepties sur pellicules nous laisse toujours avec les sempiternelles questions: Comment est-ce possible? Où ont-ils trouvé le budget pour financer pareille chose? SyFy, c’est avant tout un mode de pensée; celui de l’opportunisme, de la fainéantise et du mercantilisme. Vite fait, mal fait? SyFy a encore récidivé!
Contrairement à son titre, Bermuda Tentacles ne dispose pas d’une intrigue tentaculaire. L’on pourrait même la qualifier de binaire de par sa linéarité. Pour autant, sa prévisibilité n’empêche pas de conférer à l’absurde durant la quasi-totalité du film. Il est vrai qu’on entre rapidement dans le vif du sujet avec une progression nerveuse et néanmoins décousue. Attrait modeste qui ne le sauve pas du naufrage, les séquences se suivent et se ressemblent sans posséder la moindre cohérence. À vrai dire, le scénario minable se révèle un calque bancal de blockbuster plus ou moins recommandable. Il s’en dégage trois grandes influences.
On commence par la plus évidente avec Battleship qui avait déjà eu droit à son mockbuster avec American warship. Loin d’être un modèle, on reprend des batailles navales sans panache (fautes de moyens et d’imagination), ainsi que le bon esprit patriotique américain qui balaye tous sur son passage. Et ce n’est pas cette force extraterrestre qui va oser les contredire! La seconde base pour ce plagiat éhonté est à chercher du côté d’un film de la fin des années1990: Un cri dans l’océan. On se souvient encore de ses vers monstrueux qui se régalaient des croisiéristes d’un paquebot. Là, le scénario joue sur la nature même des créatures, bien que cela reste très confus.
Enfin, on notera de nombreuses allusions à Prometheus. Outre le nom du sous-marin, l’exploration dans la cité abyssale forme une sorte d’amalgame douteux au film de Ridley Scott. Bermuda Tentacles est un joli pot-pourri (au sens premier du terme) qui masque une pauvreté d’esprit peu commune dans le domaine. Malgré un schéma rébarbatif sans la moindre fulgurance, le récit réussit tout de même l’exploit de se contredire ou de se perdre dans des raccourcis faciles pour le bon déroulement des événements à suivre. Le spectateur vaque donc d’incohérences en absurdité pour aboutir à un dénouement ridicule au possible.
N’espérons pas un regain d’intérêt au vu de la piètre performance du casting. Une brochette d’acteurs sur le déclin ou condamnés aux séries B et Z pour la grande majorité d’entre eux. C’est bien simple, ils sont toujours en total décalage avec leur «rôle» et ne trouve jamais le ton adéquat, à tout le moins une illusion pour les sentir impliqué. Entre une Linda Hamilton difficilement reconnaissable (autant son apparence que son interprétation), un John Savage aussi charismatique qu’un mollusque ou une escouade à l’expressivité sommaire, on tient là des individus d’une rare bêtise. Quelle que soit la situation, c’est une catastrophe de tous les instants qu’on nous inflige.
Et la créature ou les créatures? L’histoire joue constamment sur ce terme. Entre des vers tubicoles, des tentacules, des extraterrestres et autres idioties sorties d’un esprit anémié par trop de testostérones, l’intrigue multiplie les retournements capricieux afin de ne jamais se prononcer définitivement. Enfin, jusqu’au dénouement bâclé et débile au possible. Pour faire remuer tout ce beau monde, les effets spéciaux sont dans la moyenne de telles ignominies. À savoir, des animations tordues, ainsi qu’un design imbuvable doublé d’une incrustation bonne pour la fosse des Mariannes. Quand on fait du mauvais boulot chez SyFy, on ne le fait pas à moitié!
Au final, Bermuda tentacles est une immonde chose aquatique. Doté d’un scénario confus qui n’hésite pas à plagier des projets plus coûteux, le film de Nick Lyon (responsable de Zombie apocalypse, Hercules reborn) se montre aussi inutile et pénible que son lot d’acteurs au rabais. Malgré un rythme qui ne faiblit qu’en de rares instants (d’où le non-sens général), on ne retient rien de positif devant un déluge de fusillades mal pixellisées, de messages patriotiques nauséabonds ou de trucages encore plus superficiels et creux que la production. Une série Z bas de gamme dans toute sa splendeur qui ne ravira même pas les amateurs de tentacules voraces.
Un film de Nick Lyon
Avec : Linda Hamilton, Jamie Kennedy, Trevor Donovan, John Savage