Le Fantôme Vivant
Dans une sinistre demeure perdue au fin fond de la campagne anglaise, divers personnages se réunissent à l'occasion de la mort du propriétaire des lieux, l'étrange Henry Morlant.
Le succès des premiers films d'épouvante des studios Universal aux Etats-Unis inspirent les producteurs européens qui, à leur tour, se projettent dans plusieurs projets du même genre. Le Fantôme Vivant, qui fait partie de ces premiers essais, a longtemps figuré au tristepalmarès des oeuvres disparues. A ce titre, il est déjà remarquable de pouvoir le redécouvrir dans des conditions aussi bonnes que l'édition proposée par Elephant Films depuis près d'un mois (le combo incluant même une copie Blu-Ray).
L'intrigue du métrage, malgré sa traduction française plutôt basique, lorgne du côté de la Momie de Karl Freund, tandis que la demeure au centre de la seconde moitié du film évoque la Maison de la Mort de James Whale (également éditée le mois dernier en DVD chez le même éditeur). De ces deux films, le Fantôme Vivant partage une photographie très expressionniste, même si la lumière est ici davantage mise en avant que les jeux d'ombre, permettant d'offrir un relief inattendu aux faciès déments ou terrifiés de Karloff et de l'inquiétant Ernest Thesiger (la Fiancée de Frankenstein).
Déjà présents au générique de la Maison de la Mort, les deux comédiens s'offrent deux rôles bien plus intéressants. Thesiger, passionné par les rôles troubles, y trouve sans doute l'un de ses rôles les plus marquants. Avec une chevelure diabolique à la Brad Dourif, il hante la vieille demeure avec beaucoup de talent jusqu'au retour de son maître. Boris Karloff, aussi effrayant mort que vivant, balance des regards oppressants durant tout le film, prouvant, dans des rôles presque muets, une prestance effroyable sublimant le caractère fantastique du film.
Heureusement, car ce Fantôme Vivant oscille clairement vers le polar à la Edgar Wallace, la première moitié du métrage nous présentant les différents acteurs au centre d'une future tragédie. Sans livrer tous les rebondissements d'une intrigue à tiroir, avouons que ce long-métrage est riche en rebondissements, le thème principal du bijou égyptien louchant officieusement du côté d'une excellent nouvelle de Bram Stoker, adapté par la suite à quelques reprises sur le grand écran (le Joyau des Sept Etoiles).
Point fort souvent sous-estimé dans un film, sa photographie est ici à souligner, tant son travail a été soigné et optimisé par l'allemand Gunther Krampf. La séquence nocturne dans les rues de la ville, baignant dans un brouillard clair-obscur de toute beauté, est merveilleuse, et rendue avec beaucoup de fidélité par cette édition DVD & Blu-Ray. On appréciera aussi de dépaysants décors égyptiens, se mariant bien avec le cottage anglais, ainsi que le savoureux personnage de Dragore, dont le jeu de séduction avec l'une des héroïnes constitue les rares scènes humoristiques du métrage, qui ne nuisent en rien à l'ensemble du Fantôme Vivant. Ces divers éléments permettent d'attendre paisiblement le retour de Karloff, malheureusement absent un bon tiers du film.
Même si le caractère surnaturel de Morlant est remis en doute durant l'épilogue, ce polar fantastique, merveilleusement restauré, est un élégant long-métrage qui inspirera sans doute la future génération britannique (celle de la mythique Hammer). En prime, elle permet de revoir Karloff dans une fascinante composition, même si la réalisation de Hayes Hunter, cinéaste de commande américain à la carrière plutôt modeste, ne transcende pas toujours ce Fantôme Vivant à sa juste valeur.
Un film de T. Hayes Hunter
Avec : Boris Karloff, Cedric Hardwicke, Ernest Thesiger, Dorothy Hyson