Petits suicides entre amis
Zia, victime d’un chagrin d’amour, décide d’en finir avec la vie et de toutes ces désillusions qui l’accablent. Après sa mort, il apprend que les suicidés ont un endroit particulier qui leur est réservé. Dans ce lieu où il n’a rien oublié de ses déboires, il découvre un univers très proche de sa vie passée, peut-être pire…
Au bout du tunnel, il y a...
Après avoir officié çà et là sur quelques courts-métrages, le croate Goran Dukic réalise son premier long-métrage avec Petits suicides entre amis. Si le titre suscité peut évoquer nombre de productions ayant empruntées cette expression facile (on remplace « Suicides » par d’autres termes tels que Meurtres, Massacres ou Mensonges par exemple), le film qui nous intéresse ici est une œuvre atypique comme on aimerait en voir plus souvent. Point de violences, ni d’une quelconque forme d’agressivité à l’horizon. Non, Petits suicides entre amis prend le pari risqué et tellement savoureux de prendre à contre-pied l’écrasante marche des productions purement mercantiles et bien fades au vu des moyens employés. Mieux que cela, le cinéaste parvient à explorer une histoire tout aussi riche qu’attachante sur bon nombre d’aspects. Prêt pour un voyage au pays des suicidés ?
Serait-ce un taxi terroriste ?
Au vu du pitch de départ, la curiosité laissait poindre le bout de sa truffe. En effet, rares sont les synopsis qui parviennent à retenir notre attention à force de ressasser maintes et maintes fois les mêmes histoires avec des tenants et aboutissants tout aussi identique et sans intérêts réels. Curiosité il y a et satisfaite, elle le sera à n’en pas douter. En partant du postulat que le suicide n’est pas une réponse à nos problèmes, quel qu’il soit, le réalisateur parvient créer un univers tellement singulier qu’il en devient forcément unique et attachant. L’ensemble est renforcé par un travail sur la photographie exemplaire. Tout en s’attelant à mettre en exergue des paysages mornes et désertiques, elle reflète avec brio le teint cadavérique des personnages. Un contraste d’autant plus accentué par les subreptices flashbacks de la vie réelle avec un panel de couleurs nettement plus vives et chaleureuses.
Même les morts ont besoin de sommeil.
Ainsi, la solution de facilité que représente le suicide s’avère plus compliquait que prévu. Paradoxalement, c’est dans la mort que les protagonistes devront apprendre à vivre en surmontant leurs problèmes de manière responsable et réfléchie. Acculée devant leur acte, l’ironie mordante qui émane de cette histoire n’en est que plus jouissive étant donné le sort qui les attend. Si les premières minutes laissent penser à un côté dramatique non dissimulé, la suite s'avèrera un melting-pot des genres. Drame, comédie et bien sûr fantastique sont tour à tour de la partie afin de former un ensemble homogène et hétéroclite.
J’aurai jamais dû me suicider. C’est encore pire qu’avant !
Tout comme ce mélange des genres, le trio de protagonistes se révèle tout aussi étonnant et bigarré : un amoureux transi victime d’un chagrin d’amour, un rockeur russe raté et une non-suicidée qui vandalise tous les panneaux qu’elle peut trouver sur son passage ! Cette rencontre va s’accompagner d’une confrontation entre trois points de vue aux antipodes de leur conception de la vie… ou de la mort en l’occurrence ! L’odyssée d’une vie ratée qui doit être menée à son terme s’accompagne de propos qui ne manqueront pas de ponctuer le voyage de notre trio suicidés. Une quête du non-sens qu’ils empruntent avec fatalisme et bonhomie. Le film se transforme en un road-movie atypique. Un voyage aux confins de la pensée où les questions existentielles fusent à tout vent. Quoi de mieux pour cela qu’une longue traversée du désert, véritable métaphore des tourments qui les hantent. Une symbolique forte et omniprésente durant leur voyage.
Cet homme recherche un chien avec… un filet à papillon !
Chaque étape marquera un tournant dans leur périple. L’apprentissage de leur raison d’être et, à fortiori, leur présence dans ce lieu singulier. Durant ce parcours singulier, les rencontres avec des personnages incongrus ne manqueront pas de les interpeller (on remarquera la présence du chanteur et acteurs à ses heures perdues Tom Waits). Faiseur de miracles, chasseur de chiens armés d’un filet à papillons, les personnages hauts en couleur (pas comme leur teint hâve !) disposent de suffisamment de caractère pour susciter l’empathie chez le spectateur. Chacun apporte sa touche de bizarrerie qui enveloppe cet univers insolite et saugrenue.
Saurez-vous découvrir où se trouve l’emplacement de ce trou noir ?
Tout comme les petits miracles qui ne prennent guère d’importance pour ceux qui les exécutent, Petits suicides entre amis ne minimise pas la conséquence de l’acte suicidaire, mais il tente de lui apporter un sens en confrontant les suicidés à leur égoïsme par le biais d’une prise de conscience responsable. La mort n’est pas une chose anodine contrairement à ce que pourrait penser de prime abord les protagonistes au vu du dédain qu’ils portent à la vie au début du récit. Le véritable miracle à retenir – outre les allumettes qui s’envolent dans le ciel – est la magie de l’existence. Cette quête perpétuelle et insouciante du bonheur qui nous accompagne durant notre vie.
Un film de Goran Dukic
Avec : Goran Dukic, Abraham Benrubi, Shannyn Sossamon, Shea Whigham