Santa Clarita Diet
Après pléthore de productions horrifiques, innover avec un sujet aussi codifié que le mort-vivant relève de la gageure. Il n’y a qu’à contempler le désintérêt progressif qu’évoque The Walking Dead au fil des saisons et des innombrables spin-off pour constater une inspiration déclinante, voire redondante dans les enjeux avancés. La créature d’outre-tombe a eu droit au traitement traditionnel, à la figure contemporaine démocratisée par l’œuvre de George Romero, sans oublier les itérations délirantes de quelques comédies farfelues. On songe notamment à des incursions singulières, comme Fido, quand il s’agit d’intégrer le zombie dans un quotidien aux apparences idylliques.
Petit dîner romantique...
C’est précisément dans ce domaine que s’immisce Santa Clarita Diet. Sous l’angle de la sitcom avec son format réduit à 30 minutes par épisode, cette série propose un postulat sensiblement différent que ses homologues. En l’occurrence, le mort-vivant n’est pas assimilé à une bête de somme ou un monstre décérébré uniquement mû par ses instincts de prédation. Le « problème » évoque davantage une maladie dégénérative où la victime conserve toute sa lucidité. Il y a bien des symptômes, comme une libido débridée ou une agressivité croissante. Pour autant, la personne demeure pleinement consciente de son état. Par certains aspects, le postulat se rapproche de Moi, zombie : chronique de la douleur ; la tonalité dramatique en moins.
En effet, Santa Clarita Diet s’avance comme une comédie horrifique particulièrement subtile dans ses réparties humoristiques. Des échanges détournés avec habileté, des jeux de mots bien sentis, des situations cocasses qui lorgnent souvent vers des quiproquos… La production fait le choix d’un parti pris éloigné des blagues douteuses et éculées auxquelles il aurait été facile de succomber. Ici, le propos ne perd guère de son côté acerbe pour critiques les mœurs sociales de la bourgeoisie américaine, de ses quartiers stéréotypés et d’un quotidien aussi morne que prévisible. À bien des égards, l’humour noir n’est pas sans rappeler Dexter.
La déco intérieure laisse à désirer pour des agents immobiliers !
On songe à ce prétexte sincère de tuer des criminels ou des personnages antipathiques pour assouvir des besoins primaires. Il ne s’agit pas de s’illusionner sur la réalité des évènements, mais de conserver un semblant d’humanité face à une situation autant inédite qu’inextricable. Le couple phare de la série tient à préserver les apparences, ainsi que leur union à n’importe quel prix. Dans le crime, comme dans la légalité, à la vie, à la mort, ils traversent crises existentielles et dilemmes moraux pour maintenir un minimum de cohésion dans leur quotidien. Non seulement l’humour est permanent, bien dosé, mais ils dissimulent un discours sous-jacent bienvenu, sinon indispensable pour interpeller le public ; quel que soit le profil de ce dernier.
Santa Clarita Diet n’en oublie pas l’aspect gore de sa thématique. Les assauts sont brutaux, parfois saugrenus, mais ils s’exécutent toujours avec force démembrements et flots d’hémoglobines. Les repas demeurent non moins ragoûtants à contempler pour se sustenter, comme pour « dissimuler » un cadavre en urgence. En complément des protagonistes qui se montrent aussi attachants que pathétiques dans leurs maladroites exactions criminelles, on apprécie également le soin apporté à la caractérisation des personnages secondaires. Ceux-ci possèdent leurs propres motivations et états d’âme, s’éloignant le plus souvent des clichés de circonstances pour nuancer leur comportement et leurs réactions.
Comme un poisson dans l'eau !
Au final, Santa Clarita Diet s’avance comme une réussite indéniable en matière de comédie horrifique. En partant d’un postulat conventionnel et risqué, cette production Netflix interpelle par son humour noir délectable, ses échanges improbables et ses intervenants hauts en couleur. Si l’ensemble ne se prend pas au sérieux, il n’en demeure pas moins que le propos est pertinent et bien amené au fil de situations qui vont de mal en pis. Il n’est pas forcément question d’inverser le sens des valeurs morales, mais d’une indéfectible bonhomie à détourner ces mêmes codes avec légèreté. Il en ressort un résultat désopilant, intelligent dans son interprétation sociale (et sociétale) et généreux.
Un film de Ruben Fleischer
Avec : Drew Barrymore, Timothy Olyphant, Christina Ferraro, Terry Walters