Voir la fiche complète du film : The Prodigies (Antoine Charreyron - 2011)
[[

The Prodigies

Clairement destiné à un public adulte, The prodigies est un long-métrage stupéfiant. Les graphismes sobres et épurés sont au service d'une intrigue froide, maîtrisée et sans concession. Aucune complaisance, juste la cruauté, la bêtise humaine et les conséquences implacables qui en découlent. Sombre et nihiliste au possible.
Publié le 8 Avril 2013 par Dante_1984Voir la fiche de The Prodigies
10

Dans un avenir incertain, Jimbo, un talentueux professeur, réunit un groupe de cinq enfants aux dons très particuliers. Raillés pour leurs différences, tourmentés et bientôt victimes d’une sauvage agression, les cinq vont fomenter une vengeance froide implacable contre la société. Seul Jimbo est capable de les raisonner, mais le veut-il vraiment ?

Adaptation du roman « La nuit des enfants rois » de Bernard Lenteric (il y a 30 ans), The prodigies est le premier métrage d'Antoine Charreyron, réalisateur en chef de divers jeux vidéo qui ne sont pas restés dans les mémoires des hardcore gamers (Godzilla - Save the earth, Terminator 3...). L'homme s'essaye donc à un autre art narratif et force et de constater que cela lui sied beaucoup mieux. Certes, il reste dans le domaine de l'animation, mais l'oeuvre qu'il nous présente se pétrit d'ambitions presque démesurées à tous les niveaux. Douce utopie ou démonstration magistrale d'un savoir-faire hors-norme ?


Les secrets ne devraient jamais restés enfouis dans les songes.

La séquence d'introduction met d'emblée le spectateur en condition et le prévient sans la moindre ambivalence : ce qui va suivre n'a rien d'un conte de fées ou d'un dessin animé pour un jeune public, bien au contraire. Le passé de Jimbo expose un cadre familial complètement absent et montre sans complaisance une violence quotidienne banalisée. D'ailleurs, ce sera le thème principal de l'histoire. Les parents démissionnaires, la famille comme valeur illusoire qui forcent l'enfant à survivre par ses propres moyens. On pourrait presque croire que les rôles sont inversés. Les adultes égocentriques éduqués dans l'éphémère et l'appât du gain face à une génération malmenée dans un monde qu'ils ne reconnaissent pas comme leur.

Sombre, The prodigies l'est à n'en pas douter. Le récit pervertit la notion d'innocence dans ses moindres recoins. Viol, refus de la différence, manipulations, névroses psychotiques (avérées ou non), maltraitances... On ne lésine pas sur les moyens pour écorcher les âmes et, d'une certaine manière, de justifier le recours à la violence pour endiguer un mal inhérent à l'espèce humaine. En somme, chaque acte mérite le châtiment qui lui est dû. The prodigies multiplie non seulement les sujets, mais les développe avec habilité. L'agencement se révèle fluide et cohérent en tout point. Rarement un anime aura été aussi abouti sur le plan de ses thématiques.


La question a le mérite d’être posée.

Non satisfait de disposer d'une profondeur peu commune, l'intrigue est également prenante et immersive au possible. Pas de notions de temps, l'on devine juste un avenir pas si lointain et surtout proche d'une dystopie. Ironie suprême, cette dernière est quasi-similaire à notre société tant par ses apparences que sur sa volonté à infantiliser et enfermer des êtres hagards et stupides dans une autosuffisance pathétique. Toujours est-il que le film ne souffre d'aucun ralentissement et alterne entre les scènes d'action (époustouflantes et parfaitement maîtrisées) avec des dialogues intelligents, bien menés et jamais pompeux ou prétentieux. The prodigies allie le divertissement à la réflexion de fort belle manière.

Autre aspect non négligeable du présent métrage : son visuel. Au premier abord, l'on serait tenté de prendre à la légère des traits simplistes, voire grossiers. L'on se dit que la technique est dépassée avant même que The prodigies n'eût été sorti. Paradoxalement, cela contribue à son charme. Non pas qu'il génère un sentiment attendrissant face à des images désuètes (qui ne le sont pas du tout), mais confère un design appuyé et assumé qui nous change des graphismes habituels. À mi-chemin entre la 3D et la 2D, l'épure visuelle accroche le regard et met tout en oeuvre pour créer un univers marquant.


Les enfants rois au crépuscule d'une nouvelle vie.

L'animation n'est pas forcément irréprochable (les gestes sont esquissés assez rapidement, les expressions faciales sommaires), mais l'on se retrouve tellement investi au coeur de l'histoire qu'il ne s'agit que de menus détails sans importance. Si la violence est bien présente, les giclées de sang ne sont pas légion (mais toujours percutante) et la réalisation préfère jouer sur l'appréhension psychologique. Les assassinats sont inventifs (la scène du train) et parfaitement millimétrés. Pour peu, on les croirait tout droit sortis d'un épisode de Destination finale (toute mesure gardée bien entendu).

Un dernier mot sur les personnages, point central de l'intrigue. On s'extasie un peu moins face à la similarité de leur caractère. Ils ont tous vécu les mêmes épreuves de rejets et de violences, mais à un degré différent et dans des contextes dissemblables. En ce qui concerne Jimbo, on essaye de multiplier les contradictions pour le faire osciller dans un camp ou dans l'autre. Néanmoins, certains indices trop flagrants ne laissent que peu de doutes sur sa place et ses décisions à venir. Intéressant dans l'élaboration progressive, c'est en s'attardant sur quelques détails que l'on se rend compte de petites maladresses, heureusement sans incidence sur l'excellence globale.


Contemplez, car ceci est votre oeuvre.

The prodigies est une énorme surprise. Là où la plupart des productions françaises se contentent du minimum syndical ou de surfer sur un sujet en vogue, cette adaptation (pas toujours fidèle au roman, il est vrai) se veut d'une originalité et d'une profondeur confondante. Au risque de se casser les dents, Antoine Charreyron fait montre d'une très grande audace en multipliant les tours de force tant sur le plan narratif qu'esthétique. L'on constate une maturité rare et une volonté de briser les codes pour mettre en avant des problématiques aussi incisives que sombres. Une oeuvre à part entière que l'on se doit de découvrir.

A propos de l'auteur : Dante_1984
Portrait de Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

Autres critiques

Dark Tide
Au fil des décennies, le survival animalier est devenu le porte-étendard de la bêtise de producteurs aussi avides de billets verts que de débilités en tout genre. Au vu de certaines sociétés qui se sont accaparé le genre pour le pire et seulement le pire, les films traités avec un minimum de sérieux se comptent sur les doigts d’une main; a fortiori depuis les années2010. Des noms comme...
Le Bazaar de l'épouvante
En novembre 2021 est sorti chez RIMINI EDITIONS le DVD/Blu-Ray d’un petit classique adapté de Stephen King : Le Bazaar de l’Epouvante. Outre une remasterisation HD du film (qui date tout de même de 1993), quelques bonus et un livret de 24 pages conçu par Marc Toullec, cette nouvelle édition a surtout le mérite de contenir ce qui, pour moi, justifie entièrement son achat : LA VERSION...
Incidents de Parcours
Suite à un accident, un sportif accompli devient tétraplégique. Un ami scientifique lui propose alors l'aide d'une guenon très intelligente, Ella. Mais cette dernière, sujet d'expérimentations sordides, va rapidement devenir incontrôlable. Décédé en 2017 alors qu'il venait tout juste d'annoncer la mise en chantier d'un septième film de zombies, George A. Romero est surtout...
Frightmare
Une jeune femme, Jackie, s'inquiète pour sa demi-soeur, jeune délinquante récemment sortie de l'orphelinat, et dont elle a désormais la garde depuis la mort de ses parents. En effet, celle-ci semble liée à une affaire de meurtre. En parallèle, Jackie cache à sa demi-soeur un terrible secret concernant leurs parents. En 1974, alors que la Hammer commence à décliner face à la concurrence de...
La Famille Addams : les Retrouvailles
Le problème d'un film comme La famille Addams : Les Retrouvailles c'est qu'en plus de passer après deux excellents films qui avaient eu droit aux honneurs des salles obscures, il se retrouve destiné directement à la télévision. Et même si un téléfilm n'est pas forcément plus mauvais qu'un film de cinéma, que du contraire, avoir à la réalisation un tâcheron comme Dave Payne (...
The Prodigies
Réalisateur:
Sortie France:
Durée:
87 min
8.42857
Moyenne : 8.4 (7 votes)

The Prodigies - Bande Annonce officielle - HD

Thématiques