Critiques spectateurs de Frank zito

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Giallo

Giallo

Dario Argento qui signe Giallo, c'était l'abandon de toute les réserves traditionnelles. Le maître qui renoue avec le genre qui l'a rendu célèbre, qu'il a su transcender, le seul genre grâce auquel il était arrivé, durant ces vingt dernière années, à tirer son épingle du jeu. L'annonce était d'ailleurs accompagnée d'un visuel marketing sublime, qui transpirait la grandeur passée, le retour au sources, la démesure d'antan. Et pourtant, c'est peu d'écrire que Giallo fait pschitt... De retour à Turin, on pressent immédiatement le malaise. La ville, très loin d'être sublimée, se révèle plate, incolore, sans saveur. Si la mise en place s'avère rigoureuse, elle ne soulève pas l'enthousiasme, bien que Seigner soit, une fois n'est pas coutume, convaincante. Mais très vite tout dérape. De mystère, il n'y aura point (l'assassin étant dévoilé dès le premier acte), d'emphase dans les meurtres itou (Argento s'abaissant à un jeunisme ridicule dans ses rares scènes de meurtres, son tueur s'amusant à torturer ses victimes dans un décors carrelé pisseux pompé dans Saw), et de scénario, encore moins (Cette absence n'étant compensé par aucun excès de mise en scène). L'enquête, dirigée depuis un bureau tristement décoré à l'américaine est confinée dans les sous sols de la judiciaire de Turin. "New York" (Adrian Brody, encore moins crédible que d'habitude) y traîne son regard neurasthénique sur des photos de cadavres à la Seven, se demandant bien se qu'il fout là (Ah si: il y règle un traumatisme originel…). La musique ronfle comme dans les scènes de tribunal de Parry Mason. Tout sonne toc, creux et terriblement convenu. Bien sûr, on cherche l'étincelle, une scène, ne serait-ce qu'une seule, qui sortira du lot, qui nous parlera pour imprimer durablement nos rétines. Mais elle ne vient jamais. Pire, on comprend en chemin que si le film s'appelle Giallo ce n’est que parce que l'assassin à la jaunisse. On se sent vaguement nauséeux après cette révélation. Peiné aussi, parce qu'une fois de plus (de trop?) on y a cru. Mais Argento n'a plus la foi. Il ne sait plus pourquoi il tourne. Il n'a plus rien à dire. On l'aime tellement qu'on voudrait ne plus assister à ces attrape gogo qui ne font que renvoyer le cinéphile à son histoire. Ici une troisième mère qui clôturait tristement une trilogie improbable. Là Hitchcock placé avantageusement dans un titre d'accroche. Et enfin Giallo à la tête d'un film qui n'en est même pas un. C'est sûrement ce qui fait le plus mal au cœur: de voir Argento utiliser sous sa signature les pires artifices pour nous attirer dans les salles, quitte à risquer de perdre ses plus fervent admirateurs sur la route.

5.125

Publié le 3 Novembre 2009

Morse

Morse

Dans la banlieue enneigée de Stockholm, un étrange couple, Eli et son père, emménage avec la volonté de se faire le plus discret possible. Pourtant, la jeune fille, visiblement différente, va rencontrer Oskar un soir qu’il déverse seul sa rancœur d’enfant maltraité dans la cour de leur immeuble. A la réalisation, Tomas Alferdson nous la joue classique. Planté dans une superbe reconstitution des années 80, avec pour décor une vraie banlieue, avec ses appartements sécurité sociale, son bar de proximité et son école communale, le tout éclairé avec élégance, il arrive à nous projeter vingt ans en arrière dans une histoire de vampire qui ne souhaite pas révolutionner le genre. Non, l’intérêt du métrage se trouve dans la caractérisation des deux jeunes interprètes principaux, archétypes des enjeux de la puberté sur l’enfance, tout en retenue et non-dit, alors que le film garde une trame brutale dans la forme. Les deux personnages (entouré d’une ribambelle de second couteaux qui désamorcent la dureté du propos en interprétant à la lisière de l’excès) aimantent l’œil de la caméra comme ça n’arrive que très rarement dans le cinéma. Le contraste visuel entre la blondeur immaculée d’Oskar et la noire et épaisse chevelure d’Eli, leurs visages si expressifs que les mots n’ont pas d’importance, et l’évidente alchimie entre les deux font basculer Morse dans un état quasi poétique. Loin d’être un handicap, cette grâce s’imbrique parfaitement au redoutable film de genre qu’il veut être, au scénario intelligemment mené, empreint de la radicalité et de la beauté des sentiments adolescents. Les effets spéciaux, superbes et un peu datés, contribuent largement à donner un cachet à un ensemble aussi confortable qu’élégant. Un film qui réussit le grand écart d’être classique et original à la fois, et qui, s’il accompagne Oskar et Eli, son duo iconique, dans une torpeur des grands froid, nous traverse à la vitesse d’une balle. Une tuerie…

9.02857

Publié le 19 Mars 2009

Prison

Prison

Ouverture: un long plan séquence nous fait vivre une ancienne électrocution administrative. Là, le hurlement du condamné à la chaise se mêle à celui, contemporain, d’Ethan Sharpe, sévère directeur de prison réveillé en pleine nuit par le téléphone afin d’organiser la réouverture d’un pénitencier fermé depuis 1968. Prison, c’est d’abord une affiche, sublime, qui dit tout sur le film, tout en en laissant augurer tellement plus… Tout ce passe dans donc dans ce vieux pénitencier râpé, parfaitement mis en valeur par un éclairage indirect de toute beauté. Renny Harlin y suit minutieusement un scénario cousu de fil blanc d’où ne sont absents aucun poncifs sur l’univers carcéral. Tour à tour on a donc droit: aux matons cruels, aux gangs de prisonniers, aux relations homosexuelles entre codétenus, tout comme aux sempiternelles tentative d’évasion et mutinerie. Tout est bien en place, déjà vu et revu, rabâché jusqu’à satiété, mais Harlin fait le métier consciencieusement, aidé en cela par une galerie de second couteaux charismatique (Lane Smith en tête, qui campe un très convainquant directeur aux nerfs visiblement fatigués). Coté fantastique, Prison souffre des mêmes défaut, et jouit des même qualités. L’histoire est bien ficelée, les effets spéciaux sont impeccables, l’esprit malin (le kana) sévit toutes les vingt minutes avec une régularité de métronome. Là encore la tradition de la maison hanté est respectée au pied à la lettre. Les robinets gouttent. Les lustres se balancent,. Les tuyaux, outils de jardinage, mitrailleuses et barbelés s’animent. Jusqu’aux cadavres qui sont régurgités en morceaux sanguinolents par le pénitencier. Professionnel jusqu‘au bout des ongles, Prison devient aujourd’hui le parfait témoin des productions horrifiques de son époque. Nous n’échapperont donc pas au couple-vedette-tellement-beau-que-personne-n’y-croit. Et là le bât blesse un peu, surtout du coté de la vedette masculine. Vigo Mortensen (aujourd’hui principal argument de vente du film) à des allures de James Dean du pauvre. Jamais vraisemblable dans son rôle de voleur de bagnole qui n’a peur de personne, il trimballe sa coupe en brosse dans ce pénitencier, qui sent pourtant fort la sueur et les cheveux gras, en donnant l’impression de sortir de chez le coiffeur à chaque plan. Et je ne vous parle pas de sa façon de se déplacer, aussi virile que celle d’un transformiste gay qui va imiter Dalida chez Michou… Superficiel et peu crédible, le duo de jeunes premiers avance donc de manière prévisible en direction de la happy end morale, programmée à leur mesure, sans que cela ne gâche vraiment notre plaisir; car c’est avec les années passées, devenu un écueil confortable. Prison à d’ailleurs la particularité d’être si soigné et attendu qu’il se revoit avec une satisfaction paisible. Celle d’un spectacle si bien balisé par notre prévoyant Harlin qu’il n’y aura pas à regretter d’avoir perdu le moindre spectateur en route. Chez les Castor Juniors, ça vaut toutes les récompenses de la terre…

6.53333

Publié le 13 Mars 2009

Gran Torino

Gran Torino

Walt Kowalski assiste écœuré aux obsèques de sa femme, avant de devoir supporter un repas d’enterrement peu réconfortant partagé avec une descendance dans laquelle il ne se reconnait guère. C’est à cette occasion qu’il se rend compte avec horreur qu’une famille Hmong emménage dans la villa d’à coté, dans « son » quartier devenu asiatique au rythme des décès ou des départs de ses anciens voisins. Eastwood, derrière, mais surtout devant la caméra, campe ce vétéran de la guerre de Corée, aigri et xénophobe, avec une jubilation rare. Tour à tour grimaçant, insultant jusqu’à l’ignoble, il fait dégouliner d’amertume son Walt Kowalski, et nous d’y voir le témoignage de sa propre nausée face à une industrie cinématographique contemporaine qu’il mépriserait depuis son classicisme passé. Rien n’est plus faux. Touché par la sincérité nature qui se dégage de Sue, sa jeune voisine, puis par la volonté insoupçonnée de Thao (qui a pourtant tenté de dérober sa sacrée Gran Torino, vestige immaculé d’une heure de gloire passée), il va finir par découvrir les coutumes de ces étrangers, et repartir pour un baroud d’honneur à leur cotés. Mise en abîme évidente, sur sa vie, son âge et le sens de son œuvre, avec ses renoncements, ses erreurs passées, ces gloires plus ou moins mérités, Gran Torino, film au scénario pourtant usé jusqu’à la niaiserie, devient un témoignage étonnant sur l‘acteur qu’il a été. Jusqu’à cette confrontation entre ce que tout le monde espérait de lui, cette folle descente dans un ghetto pour faire sa fête aux gangster. A la Leone ou Don Siegel, qu’il cite tout au long de son Gran Torino. Parce qu’il va la massacrer, cette bande de quartier ! Contre toute logique! Contre toute attente! Qu’ils soient dix ou cent! Clint seul face à tous, comme à la grande époque de l’inspecteur Harry ou du « Manchot »! Mais soudain le maître s’arrête, élégant comme jamais. Sans agressivité, aucune. Juste cet œil amusé lancé sur ces méchants archétypes si souvent croisé, et ce duel qu’il a déjà si souvent remporté. Le héros rend les armes avec une classe folle, et nous prouve avec un brio qui n’appartient qu’aux sages qu’on peut être et avoir été…

9.25

Publié le 10 Mars 2009

The Wrestler

The Wrestler

Randy « le bélier » Robinson, catcheur qui à connu son heure de gloire dans les années 80, vit sans se poser de question le crépuscule de sa carrière quand une crise cardiaque le met à terre à la suite d’un combat particulièrement intense et saignant (Combat dans lequel une agrafeuse tient le premier rôle!) Caméra à l’épaule, Aronofsky suit la carcasse de son Bélier sans recul, manières, ni complaisance. Un style direct et brut qui donne un ton d’une sincérité rare à The Wrestler, loin des habituelles machines à gagner des Oscars (Ce qu’il fera surement) traditionnellement lisses, impeccables, véhicules dorés au dispositif huilé pour conduire leur acteur/trice à la statuette chérie. Il faut écrire que Mickey Rourke, s’il gagne la statuette, s’y rendra tel qu’il est, phénomène de foire au visage cassé par les opérations et paralysé par le botox, aux muscles hypertrophié à la grâce d’une musculation chimique, bref, Mickey Rourke sera derrière le pupitre ce qu’il est à l’écran, ce Bélier qui avance sans plus savoir où il va, à cheval entre la brillance des paillettes et l’absurdité du quotidien. Celui d’un père qui a oublié qu’il avait une fille pour vivre sa carrière et qui se réveille papa sur le tard, sans vraiment pouvoir tenir ses engagement les plus élémentaires. Celui de l’amant occasionnel qui monnaye une strip-teaseuse pour se confier plutôt que prendre le risque d‘une liaison à assumer. Sa vie dans une caravane au loyer souvent impayé révèle aussi les coulisses d’un sport fascinant et méconnu. L’un des rares qui n’est pas fondé sur l’esprit de compétition. Sport aussi archaïque que notre Bélier resté figé dans les années 80, celles de la légèreté et du hard FM, et qui ne trouvera donc sa place ni dans la famille, ni dans le travail, mais seulement dans le catch où l’issue du combat est, elle, connue d‘avance. Seule sa vie de Super-Héro peroxydé, aussi factice que le Randy en plastique qui trône sur le tableau de bord de son Van pourri, trouve sens à ses yeux sans paupières. Incapable de s’adapter à un univers aussi cynique que mesquin, ce grand adolescent échouera à faire ce pas de coté, pour échapper aux feux de la rampe, pas que son alter-ego de stripteaseuse réussit, elle, à faire. Culte du corps, de l’argent et de la vulgarité, les années 80 sortes fracassée sous l’œil compatissant d’Aronofsky , broyées par une société grise, triste et sans avenir à proposer. Le rôle d’une vie pour Mickey Rourke. L’écho émouvant d’une époque révolue pour moi. Un déchirement…

8.76923

Publié le 8 Mars 2009

Surveillance

Surveillance

Suite à une série de meurtres d’apparence gratuits, deux flics du FBI débarquent dans un bled perdu pour diriger une enquête à priori trop difficile pour des flics locaux pourtant désœuvrés. Jennifer Chambers Lynch aura mis du temps à mettre ce projet en œuvre, au point qu’il lui aura fallu la caution paternelle pour réunir le budget nécessaire à sa réalisation. Diable! En voilà un film que l’on imaginait bien né! Les Lynch à la baguette! Un projet personnel à l’accouchement difficile! Des acteurs de genre triés sur le volet! Un pitch à tiroirs tellement nombreux que s’il c’était agit de votre commode, vous n’y retrouveriez pas vos slips! Bref: du lourd, rien que du lourd, salué comme de bien attendu par un Mad Movies dont la seule vocation semble être le blanchiment de superlatifs immérités pour le compte de Dieu sait qui! Et alors là, surprise. Filmé sans aucun talent ni conviction, le film de la fille Lynch sent la commande mal torché dès le premier quart d’heure passé. Doté d’un scénario qui peinerait à remplir le cahier des charges d’un court métrage, le parti prit des différents points de vue n’apporte rien, si ce n’est l’impression d’un gadget dans lequel le film s’enlise inexorablement. Et ce n’est pas la caractérisation aléatoire des personnages qui relève l’ensemble, pas plus qu’une direction d’acteur pathétique (On aura rarement vu un Bill Pullman visiblement livré à lui-même cabotiner aussi lamentablement que dans Surveillance). Tous les personnages sont ridicules, incohérents, leurs interactions improbables et leurs conversations stériles seulement vouées à articuler une histoire abracadabrantesque. Déjà daté avant même sa sortie, un film qui sonne faux (à l’image du ton voulu extrême d’un final en quête de modernité) que l’on aurait plutôt imaginé tourné par un réalisateur à bout de souffle radotant maladroitement les recettes d’un succès passé, que par une jeune femme qui aurait mis ses tripes sur la toile. Superficiel et con, un naufrage prétentieux.

6.91667

Publié le 26 Février 2009

Abandonnée

Abandonnée

Productrice américaine, Marie enquête vaguement sur ces racines, ce qui la mène en Russie, sa terre d’abandon. Là un héritage l‘attend: une maison isolée dans des montagnes reculées, depuis qu’un sombre fait divers y a eu lieu, en 1966. Nacho Cerda, auréolé de nombreux prix en festival pour une poignée de courts métrages lugubres, nous livre là son premier long, et nous de constater que ça ne lui a pas vraiment donner envie de rigoler. A l’évidence, c’est un auteur, qui possède un imaginaire morbide, qu’il arrive à restituer avec justesse à l’écran. Tout ici est hanté par la mort à venir. Même ces grands espaces verts, caressé avec de longs travelling mélancoliques, cachent le début d’un pourrissement. Ces ombres, ces frémissements, ces tremblements mêmes, la nature souffre d’un mal ancien, reflet de la solitude du réalisateur. Et c’est cette tristesse absolue qui donne au film le statut évident de poème macabre. Les effets y sont réduits à leur portion congrue, les décors, magnifiques et magnifiés, rendent parfaitement hommage à l’esthétique de décrépitude voulue par l’auteur. La notion de réel s’estompe dans un scénario pourtant très prévisible. Les mises en abîme, l’histoire qui boucle, les superpositions temporelles, tout concoure à nous mettre dans un état de profond abandon. Et le coup de génie de l’auteur est d’avoir su trouver dans Anastasia Hill l’incarnation même de cette déchéance. Femme superbe, qui a du construire sa réussite à la seule force de sa volonté, elle se retrouve au milieu du guet, à quarante et un ans, plus toute jeune, mais pas encore véritablement vieillie. Et l’actrice ne cache rien du temps qui passe. Sa beauté classique (A la Nicole Kidman) est touché par la douce érosion des années. Ces pattes d’oies apparentes, la commissure de ses lèvres qui s’affaisse, son front barrés de rides que l’on imagine être dues aux soucis font totalement écho à la poésie de Cerda. Jusqu’à cette sophistication qu’elle arbore et qui n’aura de cesse d’être détériorée durant toute la longueur du film, au point que lorsqu’elle se croise à nouveau, lors d’un nœud temporel, on a du mal de la reconnaître dans cette exécutive-woman à la blondeur éclatante et teintée. L’expression apeurée de son visage, jadis sublime, en proie à l’acharnement du temps qui passe, fascine. Et nous de comprendre que cette hantise, âpre, sèche et sans concession, que nous raconte Cerda, est tout simplement celle de la vie qui nous échappe inexorablement. Du cinéma fantastique raffiné, empreint d’une grande maturité et de beaucoup de mélancolie.

7.93103

Publié le 14 Février 2009

Walkyrie

Walkyrie

Ouverture: dans le désert nord-africain, le colonel Claus von Stauffenberg, dont la confiance dans la politique du Führer n’est pas le point fort, est mutilé lors d’un bombardement allié. Rapatrié à Berlin, il va rapidement être sollicité par un groupuscule qui souhaite organiser l’élimination d’Hitler afin de prendre le pouvoir et de négocier une armistice plus digne que la fuite en avant dans laquelle s’est engagée le Reich. Bryan Singer, maître es-mythologie contemporaines, se lance dans un épisode méconnu avec d’autant plus de délice qu’il est passionné par la seconde guerre mondiale, sujet récurent de son cinéma. Soucieux de rester (tant que faire ce peut) fidèle à une certaine exactitude historique, il filme d’une manière extrême classique ses protagonistes se lancer dans cette aventure dont chaque spectateur connaît déjà l’issue. Conscient de la force de son sujet, il adopte une ligne de conduite rectiligne, limitant les effets de mise en scène au maximum. Et c’est peut-être ce parti pris qui est le principal défaut de Valkyrie. Il ménage ces effets avec une telle volonté de ne pas en faire trop qu’il n’en fait pas assez durant plus d’une heure. A ne pas vouloir céder à l’émotion facile, le film avance proprement, l’encéphalogramme se fait plat… Et même si la reconstitution rappelle les plus haut faits hollywoodiens en matière de film de guerre, Tom Cruise joue un von Stauffenberg trop sobre et en mal d’aspérités, à la limite de la fadeur, à l’héroïsme jamais questionné (Ce qui est préjudiciable à la vérité d’un personnage dont la volonté naïve ne peut coller à la réalité de l’époque); Bref, son héros manque d’étoffe. Et pourtant, et alors que le doute s’installait, le choix de Brian Singer finit par payer. Son scénario, implacable, inéluctable, pathétique, sans fard ni paillettes, prend corps par lui-même et fait monter naturellement la tension alors que les enjeux narratifs se croisent. Sans jamais réussir vraiment à nous bouleverser, Valkyrie réussit quand même à emporter l’adhésion. Un film à contre courant, un peu trop linéaire et schématisé, dans lequel Singer est resté trop sage, mais qui gagne tout de même à être vu…

8.25

Publié le 9 Février 2009

Zombie king and the legion of doom

Zombie king and the legion of doom

Voilà un film qui s’annonçait terrible. Packaging démentiel et coloré, George Romero au générique, un titre dévastateur (« Zombie King and the Légion of Doom »: on fera jamais mieux) et une phrase d’accroche qui accroche (« Que le carnage commence »). Non, vous ne rêvez pas, Romero-Zombie-Catcheurs masqués- carnage-légion-musique garage de dingue, tout ça dans un même film! Sauf que dès les premières images, c’est la débandade. Pour faire vite, on peut écrire qu’ils s’amusent comme des fous, se bougent comme des attardés, sont laids comme des poux, sont fauchés comme les blés, s’activent comme des gastéropodes et se battent comme des clowns... En fait de carnage, le seul auquel on assiste est celui du scénario par Bill Marks lui-même. Farci de bonnes idées (Comme le quotidien très ordinaire de nos supers-catcheurs) Marks force encore plus le trait pour superposer les couches de parodie sur son script déjà barré. A cela une raison évidente: la prétention de créer à tout prix un film culte. Malheureusement il ne restera dans l’histoire qu’un film fauché, à base de cuisse grassouillettes et de catch bas de gamme. « Zombie King » est littéralement interminable. Un film qu’il est donc conseillé de voir bourré, sans quoi il vous laissera l’impression de vous être fait fourguer par Néo Publishing un beau produit, au fourreau magnifique, mais au contenu dont la date limite de consommation est dépassée depuis belle lurette. Tellement qu’il a prit un goût de chiottes, qu’il dégage une odeur de merde et qu’il a un aspect repoussant comme rarement. Quitte à l’acheter pour l’habillage, n’hésitez pas à ne mater que la bande annonce, elle est aussi nulle que le film, mais elle passe plus vite…

5.58333

Publié le 7 Février 2009

Nightmare Concert

Nightmare Concert

Lucio Fulci est en train de préparer le scénario d’un tournage à venir quand un chat lui dévore bruyamment la cervelle. Ces sens vont alors être perturbés, et les scènes gores qu’il a tourné durant sa carrière vont hanter son quotidien jusqu’à lui faire perdre la raison… Film compilation torchée à la vite-fait pour clore un contrat qui le liait à une compagnie mal intentionnée, Fulci met donc en scène un ersatz de scénario sensé relier des scènes tournées ou produites récemment par lui pour d‘autres films. Une première lecture, amusée et complaisante, pourrait trouver l’œuvrette particulièrement gore et s’en satisfaire. Le scénario, évidemment bancal, se tient quand même un peu malgré son cahier des charges singulier, le gore coule à flot, et Fulci cabotine gentiment. C'est pourtant un malaise qui m’a pris durant la vision de Nightmare Concert. Malaise suivit d'un second niveau de lecture, plus cruel, celui de la confirmation d’un réalisateur au crépuscule de sa carrière, en train de tourner un film d’exploitation à peine divertissant et d’y traîner sa carcasse désabusée pour en cautionner la sortie. Fulci livre un film juste dégueulasse, visuellement et dans le contenu, sans la patte qui lui avait valu, dix ans auparavant, le titre de poète du macabre. Ce qui semblait devoir être un testament prend vite une mauvaise tournure, du fait que Fulci, omniprésent à l’écran, n’a jamais semblé aussi absent derrière la caméra, comme si quelqu’un essayait vainement de le parodier, sans y réussir vraiment. Un film pathétique, empreint d’une grande tristesse, qui éloigne irrémédiablement Fulci de sa grandeur passée, cette époque où son nom était accolé au créatif Argento, pour le rapprocher sensiblement de sympathiques tâcherons comme Jean Rollin et Jess Franco.

7.4

Publié le 6 Février 2009

I Drink your Blood - Buveurs de Sang

I Drink your Blood - Buveurs de Sang

Une bande d’illuminés, autoproclamé la Satan-family, débarque dans une bourgade de quarante habitants dans laquelle il ne vont pas tarder à foutre le bordel. Mal leur en prend, car le petit frère grassouillet de la jeune femme qu’ils ont violé durant une séance satanique a de la ressource: avec une seringue, il va fourrer leurs gâteaux du sang d’un berger allemand enragé qu’il vient d’abattre à coup de fusil! L’épidémie peut enfin se développer… Diable, c’est peu d’écrire que ce métrage Grindhouse à l’image et la photographie dégueulasse ne se montre pas sous un jour très séduisant. Réalisation de téléfilm, enchaînements sans queue ni tête, montage aberrant, hippies sadiques auxquels les « village people » doivent tout, bref, rien de bien folichon. Sauf que Tarantino et Rodriguez sont passés par là, et que ce métrage prend une saveur toute différente dès lors qu’on le regarde avec les yeux des deux comparses. « I Drink Your Blood » devient donc ce qu’elle était à l’origine, une grande séance de déconnade, proprement marginale, uniquement montée pour être rentable, au charme dingue. Les excès, tous plus dégoûtants les uns que les autres, trouvent leur signification dans la seule volonté d’aller toujours plus loin, là où personne n’avait jamais été. Le tout étiqueté avec un titre absurde mais accrocheur et une affiche aussi fabuleuse que mensongère. On frappe des vieux, on mutile les ados, les gosses joufflus prennent les armes, les ouvriers sautent une hippie à la chaîne… Fun et totalement dénué de tabou, « I Drink Your Blood » devient une véritable pierre dans l’histoire du cinéma qu’il fait bon regarder avec l’œil d’un archéologue qui déterre délicatement son tesson d’argile comme s’il s’agissait d’une pépite d’or. Ces plans de coupes brutaux, ces enchaînement désordonnés, cette bande son aux synthétiseurs saturés d’échos, cette vulgarité dont le seul but est d’être calibré pour une niche d’exploitation, tout cela confère à « I Drink Your Blood » le statut de pépite d’un cinéma d’exploitation dont nous avons souvent entendu parlé, mais que peu d’entre nous n’avait eu l’occasion de découvrir. Du mauvais goût assumé qui sent bon une liberté perdue…

5.22222

Publié le 5 Février 2009

L'Abîme des Morts-Vivants

L'Abîme des Morts-Vivants

Ouvrons ensemble la bobine de Jess Franco pour voir ce qu’elle renferme: des zooms audacieux, des croix de guerre d’occasions, d’authentiques vestiges nazis Made in China, une soupe de langue sous le soleil brûlant, des éclairages au lampadaire, une scène de guerre très fauchée, des explosions aussi spectaculaires que des pétards de papillotes, le rythme effréné d’un concours de belotte en maison de retraite, Abdul, une bande-son aux synthétiseurs dissonants, un souk, des pantalons taille haute, un doublage français en mal de synchronisation, des chameaux, des morts-vivants de train fantôme maquillés à la truelle, une coupe au bol, des dunes de sables, des yeux exorbités en plastique, des acteurs pas Bankable, des dialogues de sourd-muet, un perfecto, une chasse au trésor, des rires niais, deux tétons qui pointent, une nuit américaine, les sentinelles du grand secret, des filles aux shorts aussi courts que leurs idées, une chronologie aléatoire, des jerricanes d’essence, le jour qui se lève quand la nuit tombe et vice-versa, une torche, des effets spéciaux très spéciaux, une paire de santiags et une fin. Alors si ce bric-à-brac ne faisait pas un bon film, ce serait à n’y rien comprendre!

3.76471

Publié le 2 Février 2009

Borat

Borat

Venu du Kazakhstan avec son producteur afin de fabriquer un documentaire traitant du mode de vie américain, Borat, journaliste de la télévision nationale, va rapidement tomber amoureux durant un tournage témoignant du choc des cultures. Et quel choc! Sacha Baron Cohen, méconnaissable, tout en poil, string et moustache, mélange les scènes scénarisées à d’autres, proches du documentaire, pour livrer un film hybride à la fragile alchimie. Et bien tout fonctionne dans Borat. De la confrontation de son personnage, aux mœurs arriérés et barbares, avec le Texas puritain de George Bush, dont il réussit formidablement à mettre en perspective l’ignorance et la bêtise. Il révèle comme une évidence la vanité puante qui est cachée, dans nos sociétés modernes, derrière une épaisse couche de convenances qui ne résiste pourtant pas longtemps aux coups de butoir et à la vulgarité de Borat. De même, la partie comique et mise en scène fonctionne parfaitement, où on le voit former avec son producteur graisseux un duo magnifique, pasticher les road-movies à la sauce fauchée, au volant d’une voiture de marchand de glaces qui traverse l'Amérique profonde. Sacha Baron Cohen arrive à allier la naïveté d’un personnage à la Charlot à la cruauté dénonciatrice d’un Michael Moore. Un équilibre rare, souvent touché par les frères Farelly, avec ce véritable plus, cette démonstration de la déliquescence d’une société engoncée dans sa suffisance, toujours prompte à donner des leçons, et qui en dit long sur notre histoire contemporaine. Toutes les parties du film s’emboîtent à merveille, pour rendre un produit aussi fendard que dérangeant, où Borat réussit le tour de force d’apparaître plus sympathique et moins vulgaire que la plupart des texans présentables qu’il aura croisés. Mémorable et instructif.

8

Publié le 29 Janvier 2009

Silent Hill

Silent Hill

Sharon, troublée par des rêves anxiogènes, est accompagnée par sa mère, Rose, dans la ville souveraine de ses nuits blanches à la recherche d’éclaircissements qui pourront (espèrent-elles) la remettre d’aplomb. Las, Silent Hill, berceau de ses terreurs, s’avère être plus inquiétante encore que ce que le sommeil perturbé de la jeune fille pouvait laisser entendre. A la tête de l’adaptation d’un célèbre jeux vidéo, Christophe Ganz s’attaque à cette descente aux enfer avec une déférence marquée pour le matériaux d’origine. Dévoué au jeu dans le moindre détail, autoproclamé fidèle parmi les fidèle, il emmène son film à la croisée des genres. Hybride jusqu’au bout des ongles, Silent Hill multiplie les plans merveilleux et oniriques, avec une débauche de moyens valorisée par l’élégance de la mise en scène de Ganz. Chaque plateau, chaque scène, chaque partie est travaillée pour que le « gamer » ne se sente pas trahi. Et en cela, Silent Hill est une évidente réussite. Seulement le cinéma et le jeu vidéo n’ont ni les même enjeux, ni la même dynamique. D’un coté une expérience unique dont vous êtes le héro, rendue crédible par un game play personnalisé basé sur une progression plateau par plateau. Ce concept, haché, saucissonné à l’extrême, ne trouve son sens que dans le déroulement du jeu. Misent bout à bout, dans l’idée d’en faire une histoire aménageable au cahier des charges cinématographique, les scènes s’enchaînent, comme autant de cinématiques de transition, sans âme (l’âme, dans le jeu Silent Hill, étant apportée par le joueur lui-même). Dès le début, l’empathie pour les personnages est totalement absente. On observe l’ensemble comme si l’on se trouvait derrière un ami (Ganz?) en train de jouer sur sa console, spectateur bien écarté de l’immersion promise. Rose court, descend, monte, tourne, frappe, encaisse, se remet en selle en un instant, comme si elle venait de passer à un check-point, s’ébroue dans des décors délirants contre des méchants plus impitoyable au fil que le film avance, jusqu’à affronter l’inévitable super-méchant, plus fort que jamais et dont elle aura bien du mal à se défaire. Le métrage sent la technique, les enchaînement laborieux, la mosaïque de niveaux mal assemblée. Reste des images fortes, souvent splendides, mais désertées par toute humanité, aussi froides que celles du jeux vidéo en mode démonstration. Ganz réussit donc son exercice de style, mais échoue à rendre son hybride convainquant tant il manque de la chair à son entreprise.

7.98529

Publié le 13 Décembre 2008

Le Crime est notre affaire

Le Crime est notre affaire

Suite du sympathique « mon petit doigt m’a dit », Le crime est notre affaire s’attache à retrouver l’essentiel de ce qui avait fait le succès de son prédécesseur, c'est-à-dire une enquête de début d’après midi sur France Télévision menée par un couple de sexagénaires décomplexés qui se refusent à vieillir lamentablement (A l’instar de ces retraités qui passent leurs débuts d’après-midi à somnoler devant les enquêtes de France Télévision…) C’est donc sur ce postulat particulièrement casse gueule que c’est relancé le sympathique Pascal Thomas, adaptant pour l’occasion une œuvre mineure d’Agatha Christie. Perspicace quand a la vétusté de son intrigue, il fonde tous ses efforts sur l’aspect attachant du couple Beresford, jouant à fond la corde de la comédie, plus proche de la bande dessinée -suggéré par l’affiche- que de l’univers de la maîtresse du polar. Grand bien lui a prit, tant le couple Dussolier/Frot fonctionne à plein régime dans le registre burlesque, l’empathie des spectateurs allant spontanément aux deux comédiens qui cabotinent gentiment dans des personnages qui semblent avoir été crées pour eux. Isolés dans le château d’un vieux radin magistralement interprété par Claude Rich, ils multiplient les scènes de comédies enlevées, au milieu de décors classieux et d’une foultitude d’acteurs grands luxe, de Chiara Mastroianni à la méconnaissable Annie Cordy. Durant toute la séance, qui paraît bien courte, on se retrouve déconnecté de la brutalité de notre quotidien pour nous retrouver transporté dans un univers coloré et joyeux où même la mort prête à sourire. Un film délicieux qui s’apparente au plaisir que procure une boîte de quality street. Coloré, agréable, d’une grande légèreté, mais aussi terriblement prudent, daté et prévisible, bref un film estampillé troisième âge que l’on apprécie toutefois d’un plaisir coupable.

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Publié le 21 Novembre 2008

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