BIFFF 2024 : Le compte-rendu

Pour la 42ème fois de son histoire, le Brussels International Fantastic Film Festival (BIFFF pour les intimes) a déployé ses ailes dans la capitale belge pour proposer à son public toujours plus friand de films de genre une sélection de haut niveau, et de happenings en tous genres, à l'image de la surprise réservée aux spectateurs pour l'avant-première d'Abigail.

Mais au-delà des spectacles et de l'ambiance fantastique qui règne dans les salles, si l'on vient au BIFFF, c'est avant tout pour voir des bon films.

Petit tour d'horizon (non exhaustif) de que nous avons pu apprécier cette année.

CIVIL WAR, d'Alex Garland (2024)

L’ouverture du 42ème BIFFF (pour Brussels International Fantastic Film Festival) s’est faite en fanfare avec la projection du nouveau film très attendu d’Alex Garland, le bien nommé Civil War, qui raconte comment se sont déchirés les Etats-Unis après l’élection d’un Président un brin radical.

Mais en fait pas vraiment, car des questions géopolitiques, vous n’en saurez que des miettes, le film préférant se concentrer sur le parcours de ses personnages. Une approche qui risque de provoquer de nombreuses frustrations, notamment chez l’auteur de ces lignes qui aurait souhaité en apprendre plus sur le contexte.

Est-ce que cela fait de Civil War un ratage ? Grand Dieu, non ! J’ai, pour ma part, particulièrement apprécié son visionnage et l’immersion qu’il propose au spectateur via son approche « reportage de guerre ». J’ai trouvé ça plutôt original. En lieu et place du film guerrier attendu, je me suis retrouvé embarqué dans un road trip saupoudré de scènes tantôt glaçantes, tantôt absurdes.

Le jeu des acteurs (et l’écriture des personnage) est pour beaucoup dans la réussite du film, ce qui mérite d’être signalé.

En bref, j’ai beaucoup apprécié Civil War même s’il n’est ni le pamphlet anti-Trump que l’on pouvait attendre, ni un film de guerre à grand spectacle (mis à part un final bien nerveux).

 

KRAZY HOUSE, de Steffen Haars et Flip Van der Kuil (2024)


Je ne vais pas vous mentir, ce film faisait partie de mes plus grosses attentes du festival. Pourquoi ? Parce que Nick Frost, que j'adore depuis Shaun of the Dead ; parce qu'Alicia Silverstone qui a fait partie de mes crush d'adolescent ; et parce que le duo de réalisateurs derrière les hilarants films "New Kids".

Et donc, que vaut ce home invasion filmé comme une sitcom des années 90 ? Sans surprise, c'est fun, et le film contient quelques scènes des plus jouissives qu'il m'ait étonné de voir ces dernières années, dont l'une impliquant une statuette de vierge Marie, mais je n'en dirai pas plus pour ne pas vous gâcher la surprise.

Si je voulais chipoter, je dirais que l'explosion de violence finale met peut-être un peu trop de temps à arriver, mais ce serait vraiment pour chipoter.

Bref, Krazy House, c'est du bon ! J'espère qu'il en aura doit à une sortie en bonne et dûe forme, au moins une édition Blu-ray/DVD.

 

ABIGAIL, De Matt Bettinelli-Olpin & Tyler Gillett (2024)



Ah ça, on l’attendait ce fameux ABIGAIL et sa vampire ballerine, aussi c’est dans une salle du BIFFF chauffée à bloc par un happening tout à fait plaisant à base de jeunes danseuses ensanglantées, suivies de messages vidéo de l’équipe du film que le nouveau métrage de Matt Bettinelli-Olpin & Tyler Gillett a été projeté.

Et on n’a pas été déçu ! En tout cas, moi je n’ai pas été déçu.

Méchant et sale, le film possède une vibe « à l’ancienne » tout à fait appréciable puisqu’il ne fait pas dans la fioriture et ne s’embarrasse pas de messages parasites. Vous êtes venus voir des vampires et du sang, on va vous en donner. Et pas qu’un peu, quitte à friser l’overdose, mais franchement, on ne va pas s’en plaindre.

Abigail m’a fait penser pêle-mêle à 30 Jours de Nuit, Une Nuit en Enfer et Fright Night, de belles références qu’il convoque pour un joyeux bordel qui devrait ravir les amateurs, même s’il ne révolutionne absolument pas le film de vampires. En même temps, ce n’était pas son intention.

Bref, Abigail reste dans la veine des précédents efforts du duo (et du collectif Radio Silence en général) et je le recommande si vous voulez passer un bon moment tartiné d’hémoglobine.

 

DEVILS, de Jae-Hoon Kim (2024)


Ce film, on me l'a vendu comme le Volte/Face coréen, et force est de constater que l'on ne m'a pas menti sur la marchandise puisque le concept rappelle sans conteste le chef-d'oeuvre de John Woo.
Toutefois, la comparaison s'arrête là, tant le film qui nous occupe s'avère bien plus méchant et graphique que son homologue US.

Dans Devils, la violence fait mal, on grince des dents et on reste en tension devant cette histoire tendue comme un string qui n'a comme défaut que de tomber un brin dans la facilité sur sa fin, ce qui n'entache qu'à peine sa réussite.

Le cinéma de genre coréen dans toute sa splendeur.

 

THE ANGRY BLACK GIRL AND HER MONSTER, de Bomani J. Story (2023)


Une relecture du Frankenstein de Mary Shelley en mode ghetto afro-americain, c'était la promesse du film, et c'est malheureusement tout ce qu'il a à offrir.

Pour être honnête, cet effort de Bomani J. Story m'a beaucoup déçu, car je l'ai trouvé brouillon avec des situations qui n'aboutissent à rien, et surtout assez peu clair par rapport au message ce qu'il souhaitait nous faire passer : par exemple, qu'est sensée symboliser la créature dans sa version ?

C'est bien sûr possible que je sois passé à côté du sens du film, mais pour couronner le tout, la réalisation m'a semble peu convaincante.

Bref, pour moi, THE ANGRY BLACK GIRL AND HER MONSTER constitue une déception, ce qui est d'autant plus rageant qu'une relecture du livre originel dans le contexte racial américain pouvait avoir du sens.

 

CANCELED, d'Oskar Mellander (2023)


Des chasseurs de fantômes se rendent dans une maison hantée pour y réaliser l'émission de leur vie...

Bon, la prémisse ne brille pas par son originalité, mais elle reste la promesse d'un joli moment de trouille si le tout s'avère bien réalisé. Las ! Si la photographie est très jolie, la réalisation se plante dans les grandes largeurs en faisant le choix d'essayer d'instaurer une atmosphère pesante à travers des plans-séquence qui durent, qui durent, qui durent..., mais ne réussissent qu'à provoquer l'ennui (et l'amusement des spectateurs du bifff pour ce qui restera comme l'une des séances les plus amusantes de cette édition 2024).

 

CONCRETE UTOPIA, de Tae-hwa Eom (2024)


Il y a 7 ans, j'avais vu (et adoré) au BIFFF un film coréen nommé "Vanishing Time: A Boy Who Returned", aussi quand j'ai appris que ce réalisateur (Tae-hwa Eom) revenait cette année avec un film d'anticipation mâtiné de critique sociale, je ne me suis dit que je ne pouvais pas rater ça, et Concrete Utopia ne m'a pas déçu.

Une catastrophe démolit l'ensemble des immeubles d'une vaste cité... tous, sauf un, qui va devenir l'enjeu de toutes les convoitises, ses habitants faisant en sorte d'en expulser les étrangers et d’en condamner l’accès via un mur d’enceinte.

Inutile d'en dire plus, je crois que vous avez compris la métaphore.

Concrete Utopia tape juste, avec subtilité la plupart du temps, et il est juste regrettable qu'une justification tardive vienne légèrement affaiblir l'ensemble avec une révélation manichéenne. À mon sens, ne pas faire du grand méchant un grand méchant (oui, je reste vague pour ne pas spoiler) aurait été plus judicieux, mais bon, nul n'est parfait, et en l'état Concrete Utopia n'en demeure pas moins excellent.
Et cerise sur le gâteau, il sort le 1er mai en DVD chez The Jokers.

Vivement le prochain film de Tae-hwa Eom !

 

IN A VIOLENT NATURE, de Chris Nash (2024)


Ouh, que voici un film difficile à chroniquer, tant il a divisé le public. Et pour être honnête, il me divise aussi intérieurement (j'ai une scission avec moi-même, auraient dit les inconnus, laisse un like si tu as la ref.)

Pourquoi ce déchirement ? Probablement parce que tout le monde attendait beaucoup de ce IN A VIOLENT NATURE qui nous arrivait précédé d'une excellente réputation de slasher atypique et violent, et atypique, c'est certain qu'il l'est. Violent aussi, d'ailleurs.

En revanche, il est bien moins jouissif qu'attendu puisque pour mériter les quelques meurtres graphiques, il faudra supporter de longues déambulations du tueur dans les bois, filmées en plan-séquence.

C'est un parti pris du réalisateur, et c'est certain que cette façon de faire pose une ambiance et qu'elle donne une identité au film comme A GHOST STORY en son temps, mais on frôle parfois l'ennui pur et simple.
Ce qui, au final, ne m'a pas empêché d'aimer le métrage dans son ensemble, d'ailleurs j'ai hâte de le revoir, tout en redoutant de me farcir à nouveau les promenades de ce clone de Jason Voorhees.

Assurément une expérience à tenter pour quiconque cherche des slashers sortant de l'ordinaire.

 

RIVER, de Junta Yamaguchi (2023)

Après le formidable BEYOND THE INFINITE TWO MINUTES, le réalisateur Junta Yamaguchi revient avec un nouveau concept : fini le décalage temporel et bienvenue à la boucle de 2 minutes.

Imaginez UN JOUR SANS FIN, et remplacez la journée interminable de Bill Murray par un loop de 120 secondes. Ça peut paraître fou de prime abord, mais ça fonctionne du tonnerre et RIVER réussit l'exploit de demeurer aussi passionnant que de drôle de bout en bout malgré son concept éminemment casse-gueule.

Je ne vais pas trop en dévoiler tant la surprise participe à la réussite de l'ensemble, mais on a déjà hâte de découvrir le futur 3ème film du réalisateur.

À noter que ce RIVER se nomme apparemment EN BOUCLE en français.

 

STEPPENWOLF, de Adilkhan Yerzhanov (2024)

Un film originaire du Kazakhstan, ce n'est pas tous les jours que l'on voit cela, et ce dépaysement participe déjà à donner un attrait au film, que ce soit sur la forme (paysages "exotiques") et sur le fond (contexte politique)

Ensuite, deuxième originalité, le duo de personnages principaux est à des années lumières de ce à quoi nous sommes habitués, puisque nous allons suivre ici une femme simple d'esprit qui, pour retrouver son fils enlevé, va convaincre un salopard fini de l'aider.

Et quel salopard ! Loin des anti-héros de pacotille façon Suicide Squad (version cinéma), notre protagoniste s'avère une crapule amorale qui n'hésite à mentir, à manipuler, voire à exécuter des innocents de façon sommaire tant que ça sert sa cause. Ajoutez à cela qu'il se comporte de façon totalement lunaire, allant jusqu'à esquisser des pas de danse lors de moments incongrus, et vous obtenez un personnage fascinant dont on ne se lasse pas.

Mixez le tout avec une réalisation de qualité et un scénario sans temps morts, et vous obtenez le film qui a raflé la plus grande distinction du bifff, à savoir le corbeau d’or. Rien de moins.

Un chef d’œuvre, je ne sais pas, mais un incontournable du BIFFF 2024, assurément.

 

PENALTY LOOP, de Shinji Araki (2024)

Projeté dans la foulée de RIVER et de sa boucle temporelle de 120 secondes (chroniqué plus bas sur cette page), PENALTY LOOP a forcément souffert de la comparaison avec celui-ci.

Pourtant, le long métrage de Shinji Araki a des arguments à faire valoir, à commencer par son concept ultra-excitant : un type doit sans cesse en tuer un autre, lequel ressuscite chaque jour.

Avec un pitch pareil, vous vous dites que le film ne peut qu’être génial, pas vrai ? Et il l'est assurément… par moments, surtout dans son segment central.

L’introduction et la conclusion sont, en revanche, un poil trop longuettes pour leur propre bien, mais il n’en demeure pas moins que PENALTY LOOP reste tout à fait agréable. Pas un chef-d’œuvre, pas même un incontournable de ce BIFFF cuvée 2024, mais un film plaisant, et c’est déjà très bien en soi.

 

ALIENOID : RETURN TO THE FUTURE, de Choi Dong-hoon (2024)

Projeté l'an dernier, Alienoid premier du nom avait pour lui des effets spéciaux très réussis au service d'une histoire originale, mais touffue au possible (certains diraient mal racontée, et ils auraient raison, je pense).

Cette suite directe se débarrasse de ce principal défaut pour nous proposer un spectacle plus réussi, peut-être moins riche en action déjantée que le premier opus, mais bien plus digeste grâce à sa linéarité, et donc plaisant.

Car là où le premier alternait sans cesse entre deux époques, celui-ci se concentre sur une seule temporalité à la fois. Alors, c’est certain qu’on y perd en folie et que l’humour omniprésent est remplacé par une gravité de (presque) tous les instants, mais pour ma part, j’ai passé un meilleur moment devant ce numéro 2 (même si j’avais déjà apprécié le premier volet, je tiens quand même à le préciser. Mais fallait pas cligner des yeux.)

 

THINGS WILL BE DIFFERENT, de Michael Felker (2024)

Les histoires de boucle temporelle, j'adore ça depuis que j'ai vu UN JOUR SANS FIN (comme c'est original). Pourtant, au-delà de leur concept, ces métrages sont rarement satisfaisant à 100% car ils finissent toujours par pêcher sur la longueur.

Cette année au BIFFF j'ai été gâté avec 3 films basés sur ce principe : RIVER (chroniqué plus haut dans ce dossier), PENALTY LOOP (également dans ce dossier) et, donc, ce THINGS WILL BE DIFFÉRENT qui s'avère malheureusement le plus faible des trois.

Pas qu'il soit mauvais, loin de là, mais on en sort avec un goût d'inachevé tant certaines questions cruciales restent en suspens. Lorsqu'arrive le générique de fin, c'est donc une belle frustration qui s’empare du spectateur, et c'est d'autant plus dommage que sans ces errements scénaristiques (volontaires ?), je pense que nous aurions tenu là une belle pépite.

À mon avis, je reverrai ce film de Michael Felker pour tenter d'assembler les pièces du puzzle, car je n'ose croire qu’il n'ait pas disséminé des éléments de réponse difficilement décelables au premier visionnage.

 

CUCKOO, de Tilman Singer (2024)

Ce titre... Je peux vous dire qu'il a fait délirer bon nombre de festivaliers au long des 10 jours du bifff (coucou !). Mais que vaut-il ? Et que raconte-t-il ?

Commençons par la première question : CUCKOO est bon, voire très bon, et bien réalisé/monté de surcroît. Ajoutez à cela des acteurs impeccables (j'apprécie de plus en plus Dan Stevens, vu également dans ABIGAIL cette année) soutenus par une bande son fantastique, et vous obtenez un film qui n'a pas volé ses récompenses (lesquelles ?)

Seul petit bémol, un dernier un rien plus faible que le reste. En vrai, à partir du moment où le mystère est dévoilé et que le climax commence, COUCOU !... CUCKOO, pardon, perd en intensité.

Mais bon, j'imagine que c'était inévitable au vu de l'excellence de la première heure.

 

WAKE UP, d’Anouk Whissell, François Simard & Yoann-Karl Whissell (2024)

Un groupe d'activistes s'introduit de nuit dans un grand magasin d'ameublement dans le but de dénoncer les pratiques écocides de l'entreprise. Mais face à eux se dresse un gardien de nuit adepte du survivalisme…

« La chasse est ouverte », proclame l’affiche, et quelle chasse ! Dans un décor digne d’un magasin IKEA (qui est d’ailleurs plus que clairement visé), nous allons assister à l’affrontement improbable d’un groupe de millénials activistes et d’un homme un peu simplet obsédé par la « chasse primitive ». Et j’aime autant vous dire que leur rencontre va faire des étincelles (et laisser des traces rouges sur les murs du supermarché d’ameublement).

Le trio déjà à l’œuvre derrière le fendard TURBO KID (et le moins réussi SUMMER OF 84 en attendant le prochain WE ARE ZOMBIES) nous livre avec WAKE UP un survival en huis-clos du plus bel effet. Honnêtement, j’ai beaucoup aimé le film, déjà parce qu’il est fun, mais aussi parce que son discours n’est pas aussi manichéen qu’on aurait pu le croire de prime abord et parce que les situations variées s’enchaînent sans discontinuer : un coup nous avons une course-poursuite, un coup on se retrouve avec une épreuve digne de SAW.

C’est bien rythmé, c’est bien joué et c’est bien pensé ; bref, WAKE UP, c’est du bon !

 

Un dossier de Geoffrey Claustriaux

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