Compte-rendu du NIFFF 2013

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Le Festival du Film Fantastique de Neuchâtel (NIFFF) vient de s’achever. Le jury, placé sous la présidence de François Cognard, ancien critique à Starfix, a accordé le Narcisse du meilleur film (récompense suprême du festival) à Dark Touch, long-métrage réalisé par la cinéaste française Marina de Van. Tour d’horizon des films découverts à l’occasion de notre visite à Neuchâtel, lors du week-end de clôture du festival.

Rappelons d’emblée que certains des long-métrages présentés, tant dans le cadre de la compétition officielle que dans d’autres sections, avaient déjà été chroniqués par nos soins lors des derniers festivals de Gérardmer et de Strasbourg. The Crack, d’Alfonso Costa est un film social dont la dimension fantastique est quasi absente, plombé par des séquences de conflit familial d’un ennui mortel. The Complex, dernière œuvre du cinéaste japonais Hideo Nakata (Ring, Dark Water) film d’ouverture du dernier festival de Gérardmer, présenté à Neuchâtel hors compétition, est une histoire de fantômes formellement bien fichue mais plutôt déséquilibrée dans sa structure narrative. You’re next, en revanche, avait été l’un des films les plus cyniques du dernier festival de Gérardmer, slasher trop malin pour être intègre, miné par des séquences d'assaut illisibles tournées caméra à l'épaule et par un humour qui tire le récit vers la parodie, au détriment du premier degré sauvage qu’il revendique.

 

Un triste constat s’impose : le found footage continue à faire des émules. Renny Harlin, metteur en scène de Cliffhanger et de 58 minutes pour vivre notamment, est venu présenter son dernier opus The Dyatlov Pass Incident, conçu selon le même principe que la plupart des found footage sortis sur les écrans ces dernières années. Proposant le parcours de cinq étudiants désireux de comprendre les raisons de la disparition de cinq alpinistes dans une région montagneuse de Russie durant les années 50, le film de Renny Harlin ressemble à s’y méprendre à tous les derniers films conçus sur ce mode ces derniers temps, sans que rien ne vienne véritablement lui donner de personnalité. Dans la même veine que le récent et catastrophique Les chroniques de Tchernobyl ou The Bay, du vétéran Barry Levinson, le film de Harlin se contente de suivre les tribulations de nos cinq jeunes, caméra à l’épaule, sans que le scénario ne sorte une seconde le spectateur de l’ennui le plus profond. La première partie présente, de façon réellement soporifique, le récit de leurs maigres aventures dans la neige, et il faut attendre trois bons quarts d’heure pour qu’un événement surnaturel ne vienne quelque peu charpenter le récit. Le twist final ne relève malheureusement pas le niveau du long-métrage, concluant le récit par une histoire d’expérimentation scientifique improbable – le recours brutal au CGI crée d’ailleurs une césure quasi burlesque dans l’approche visuelle du film –, déconstruisant par ailleurs l’illusion de réalité véhiculée par le dispositif même du found footage. Au final, le débat en salle avec le réalisateur était bien plus intéressant que le film à proprement parler, Renny Harlin brossant avec moult détails les contours de son périple en Russie pour ce qui constitue, eu égard aux conditions climatiques, le tournage le plus complexe qu’il ait eu à gérer depuis Cliffhanger.

C’est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes ? Qu’à cela ne tienne, V/H/S 2 reprend intégralement la formule inventée à l’occasion du premier volet, sorte d’anthologie du found footage – comme si ce genre, fondamentalement inintéressant, méritait d’ailleurs quelque anthologie que ce soit. A l’image du premier opus, que nous avions chroniqué à l’occasion du dernier Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, V/H/S 2 est un film artificiel et horripilant. La mise en scène caméra à l’épaule rend l’action illisible ; le spectateur se trouve dans l’impossibilité constante d’identifier et de déchiffrer ce qui se passe à l’écran. Espérons que le found footage disparaisse purement et simplement et qu’il laisse la place à un cinéma de genre intègre et bien fabriqué. Parce qu’à côté des V/H/S et consorts, même le dernier DTV de Steven Seagal prend des allures de chef d'œuvre maudit.

Nous avons bien évidemment préféré la comédie espagnole Promocion Fantasma (Ghost Graduation) réalisée par Javier Ruiz Caldera. Narrant les péripéties de quatre adolescents morts dans un incendie survenu au lycée mais bloqués, à l’état de fantômes, dans les couloirs de l’établissement scolaire, Ghost Graduation, second long-métrage du cinéaste ibérique, est une sorte de croisement entre la teen comedy façon John Hughes (Breakfast Club) et le film de fantômes.  Le récit brosse le portrait de quatre ados (le bad boy, la fille légère, la première de la classe, le sportif) auxquels un professeur va venir en aide pour leur permettre de quitter leur état de fantômes et « d’accomplir » leur départ du monde des vivants. Cet argument n'est au final qu'un prétexte à une quête initiatique au cours de laquelle chacun des protagonistes devra découvrir la mission qu’il lui reste à accomplir pour pouvoir quitter sereinement notre univers. Nanti d’une atmosphère enjouée digne de certains bons films de campus, et ponctué de certaines séquences décapantes, Ghost Graduation est une comédie dont la dimension touchante et émotionnelle se révèle au fur et à mesure du développement de l’intrigue. Ainsi, si le film cherche quelque peu son rythme durant une première partie un peu lourde, les situations comiques s'enchaînant sans réel fil conducteur, il prend son envol au cours d’une dernière partie durant laquelle la relation entre les ados devient de plus en plus intense, accédant à une universalité touchante et bien amenée.

La cinéaste française Marina de Van, déjà célébrée pour son film Ne te retourne pas sorti sur les écrans en 2009, est repartie de Neuchâtel avec le grand prix pour son dernier long-métrage, Dark Touch. Réflexion sur l’enfance thématiquement proche du dernier film de Pascal Laugier, The Secret, Dark Touch est loin de nous avoir convaincu. Narrant le destin d’une jeune fille dotée de pouvoirs paranormaux, maltraitée par ses parents, le film de Marina de Van pêche par son ton sentencieux et son approche emphatique, un peu à l’image, là encore, du dernier opus de Laugier. La dimension tragique du film prend vite le pas sur le scénario à proprement parler comme s'il s'agissait d’asséner une « vérité » au spectateur, non par le canal des émotions et de la mise en scène, mais au contraire par le langage et le discours. Le concept central du récit – les enfants deviennent violents au contact de la cruauté parentale – prend le pas sur le scénario lui-même, parfois incohérent et surtout excessivement prétentieux. Le film se révèle poseur et artificiellement provocant, plombé par un discours propice à choquer le spectateur adepte d’un cinéma fantastique de salon.

Mars et avril, du canadien Martin Villeneuve, est une adaptation du roman graphique éponyme écrit par le réalisateur lui-même. Film de science-fiction mâtiné d’une dimension romantique superficielle, Mars et Avril est un long-métrage décousu, tout juste sauvé par la qualité de sa production-design. Le réalisateur, dont c'est le premier film, s’empêtre dans une mise en scène peu maîtrisée, comme s’il ne savait pas de quelle manière véhiculer le discours propre à son roman. Pour cette raison, Mars et Avril est davantage une compilation de saynètes sans rythme, et ce dès le générique. L’argument principal du récit (une intrigue prétendument métaphysique tournant autour de la théorie du physicien du XVIIème siècle Johannes Kepler, associant l’univers à des harmonies musicales) est ainsi asséné dès les premières minutes du film, donnant l’illusion d’une profondeur métaphysique propre aux grands films de science-fiction, 2001, l’Odyssée de l’espace en tête, pour, au final, ne proposer qu'une intrigue romantique sans grand intérêt. Quelques idées émergent pourtant du récit, sans qu’elles soient réellement approfondies ou développées par le cinéaste. Est-ce l’incapacité du réalisateur à traduire l’ambiance du roman graphique par le moyen du langage cinématographique ? Ou est-ce tout simplement le désintérêt provoqué par l’histoire elle-même ? Difficile à dire au sortir de la projection.

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