Dire que le Festival International du Film Fantastique de Gérardmer est un événement fondamental pour les amateurs de films de genre est un euphémisme.
Cette année, le jury de cette 17ème édition du festival était présidé par l’une des grandes figures du cinéma d’action des années 1980, John Mac Tiernan, metteur en scène de Predator et de Last action hero. De plus, Xavier Palud et David Moreau, réalisateurs du très estimable Ils, faisaient partie du jury, au même titre que Florent Emilio Siri, responsable de Nid de Guêpes et de L’ennemi intime.
Cette année, la programmation permettait de voir plusieurs films très attendus, que ce soit La Horde, premier opus des deux jeunes réalisateurs français Yannick Dahan et Benjamin Rocher, ou encore, hors compétition, Survival of the Dead, réalisé par l’initiateur et le maître du film de morts-vivants, Georges A. Romero. N’étant présent à Gérardmer que deux jours, il m’était impossible de voir l’ensemble des films présentés en compétition officielle ; je tenterai ainsi d’établir « mon » bilan personnel du Festival en mélangeant œuvres en compétition et œuvres hors compétition.

Naturellement, tout bon fan de film d’horreur se devait cette année de courir voir le premier film de Yannick Dahan, chroniqueur fantasque de l’émission Opération frisson (diffusée depuis quelques années déjà sur la chaîne Cinécinéma Frisson) et grand spécialiste du cinéma de genre. Disons-le d’emblée : pour un premier film, La Horde est une réussite. Après un prologue malheureusement convenu et stéréotypé, durant lequel les deux cinéastes mettent en place la structure du récit - quatre policiers désirent venger la mort de l’un de leurs amis, tué par un gang d’une cité HLM parisienne - Dahan et Rocher trouvent rapidement le rythme de croisière de leur film et nous livrent une œuvre frontale, sèche et sans concession, dont la noirceur du propos et contrebalancée par un sens de la réplique parfois (trop ?) lourd mais souvent jouissif. Dahan et Rocher n’ont certes pas fait dans la dentelle mais ont eu le mérite de fabriquer leur œuvre avec amour, rage, et détermination. Si quelques séquences sont parfois trop didactiques et peu fines (l’humour du personnage de René, vétéran de la guerre d’Indochine, devient vite pesant et systématique ; les codes du genre sont introduits de façon parfois trop prévisible), la qualité de la réalisation de certaines scènes d’action (la séquence de corps à corps entre José et deux morts-vivants), la performance des acteurs (Jean-Pierre Martins, Eriq Ebouaney et Jo Prestia en tête), la détermination affichée par les deux jeunes cinéastes, ainsi que l’amour dont ils font preuve pour le genre (l’influence des classiques se fait sentir durant tout le film, particulièrement Assaut de John Carpenter) permettent très largement d’oublier les quelques ratages. En résumé, La Horde est un film de genre sincère, dynamique et frontal, dont la générosité permet largement d’occulter les approximations et les mauvais choix.

Bien évidemment, le nom de Georges Romero était également sur toutes les lèvres. Si son dernier opus, Survival of the Dead, n’était pas présenté en compétition officielle, il n’en reste pas moins vrai qu’après l’immense réussite qu'avait été son Diary of the Dead, le sixième épisode de sa saga consacrée aux morts-vivants était attendu au tournant par tous les fans de l’œuvre de Romero. Et, il convient de le reconnaître tout de go, Romero, comme à l'accoutumée, a l’immense mérite de frapper là où l’on s’y attend le moins. Alors que Diary of the Dead était une œuvre entièrement centrée sur la question du point de vue et du rapport à l’image - questionnement doublé, sur le plan visuel, par l’utilisation volontaire de la caméra à l’épaule - Survival of the Dead brouille les pistes. Si Diary était un film volontairement sérieux et réflexif, d’une intelligence rare, Survival est une comédie, plus précisément une parodie sur le genre de la comédie de zombie apparue avec Shaun of the Dead. Le ton du film de Romero est curieux : s’éloignant du ton tragique propre à son Diary, le cinéaste américain verse dans le pur spectacle comique, orchestrant, dans une ambiance western très kitsch (les décors du film font penser à un parc d’attractions construit autour de la thématique du western), la rivalité entre deux clans sur une île déserte au large des Etats-Unis. Ceux-ci représentent deux manières antagonistes de concevoir le rapport humain/zombie. Faut-il détruire tous les zombies, comme le croit Patrick O’Flinn ? Au contraire, comme le fait savoir le clan Muldoon, faut-il les garder en vie au cas où, un jour, quelqu’un parviendrait à trouver un remède à leur « maladie » ? A partir de cette question un peu balourde, Romero tisse une toile complexe, une sorte de réflexion sur le concept de spectacle tel qu’il est à l’œuvre dans les films de zombies, et plus généralement au sein de notre société. Peut-on concevoir le monde comme un pur parc d’attractions, une zone de non-droit ? Bien que son film soit léger et volontairement parodique, Romero utilise le zombie comme le support d’une réflexion éminemment politique : comment concevoir une solidarité, une certaine idée du politique, si la politique ne relève que du spectacle ? A ce propos, le dernier plan de Survival est d’une extrême lucidité, montrant la vacuité des choix disponibles dans le paysage politique tel qu’il se présente actuellement. Le choix du western n’est certainement pas un hasard ; il permet à Romero de s’attaquer, indirectement, aux mythes fondateurs des Etats-Unis. Autant John Ford, dans L’homme qui tua Liberty Valance, critiquait avec respect ces mythes fondateurs, autant Romero, sur un ton comique et bouffon, fondamentalement second degré, compare l’espace politique américain à un parc d’attractions absurde et violent.

A côté de ces deux poids lourds, d’autres films méritent une attention particulière. Amer, présenté en sélection officielle, premier film d’Hélène Cattet et de Bruno Forzani, constitue sans nul doute l’une des trouvailles de cette 17ème édition du Festival. Amer est une expérience visuelle unique, film d’auteur plus que film de genre, à mi-chemin entre le giallo italien, les expérimentations d’Henri-Georges Cloutzot dans L’enfer, et la thématique du double féminin dans le cinéma d’Hitchcock ou de De Palma. Cette très étrange première œuvre constitue une sorte d’essai visuel et onirique à partir du concept de désir. Le récit est tout entier construit autour de la figure d’une femme, Ana, confrontée au désir à différentes périodes de sa vie. S’ensuit une plongée dans la psyché de ce personnage, plongée qui s’effectue au travers d’expérimentations visuelles singulières et intrigantes. Film d’auteur exigeant et complexe - le film est constitué comme une pure immersion sensitive et, à cet effet, contient très peu de dialogues - Amer mérite vraiment le détour, ne serait-ce que pour sa manière de filmer le corps humain. La photographie est souvent somptueuse ; l’audace dont font preuve les deux jeunes metteurs en scène est un régal. Si de nombreux défauts subsistent - certaines tentatives formelles ne sont pas du meilleur goût et reviennent de façon répétitive - Amer reste un premier film arty décomplexé et éminemment personnel. Une vraie découverte, qui mérite de rencontrer son public.

Rob Zombie est un cinéaste à part dans le paysage cinématographique actuel. Réalisateur de l’un des plus grands films de genre de ces dix dernières années, The Devil’s Rejects, l’ancien chanteur du groupe des White Zombies a décidé, il y trois ans, de s’attaquer à la franchise Halloween. Si son remake du premier opus de Carpenter a été correctement accueilli par la critique et le public, sa refonte du deuxième épisode a été un échec cinglant aux Etats-Unis. Ne sortant en France que sur support DVD, Fantastic’art nous a permis de découvrir, hors compétition, cette œuvre maudite qu'est Halloween 2. Et, il faut bien le reconnaître, la mauvaise réputation dont jouit ce film n’est pas totalement fondée. Le film de Zombie est inégal, parfois lumineux (Zombie a parfaitement compris comment parvenir à iconiser le personnage de Michael Myers), parfois raté (les séquences où la mère de Michael apparaît à Laurie accompagnée d’un cheval blanc sont trop nombreuses et franchement bancales). Il n’empêche que le cinéaste américain a le mérite de se réapproprier intégralement le mythe créé par Carpenter et de savoir filmer comme personne l'extrême violence. Extrêmement sauvage, doté d’une narration assez peu équilibrée, le film de Zombie est une œuvre curieuse et complexe, oscillant entre dégoût du genre humain, violence exacerbée et formellement exagérée, iconisation volontaire du mal (si, dans le premier volet, Zombie justifiait la violence de Michael par son origine sociale, il en fait, dans le deuxième épisode, une sorte d’abstraction nihiliste et anarchiquement sauvage), et tendance à la surenchère dans les scènes de pur déchaînement de brutalité. Bref, un film bancal, terriblement violent et nihiliste, bourré de défauts, mais qui a le mérite d’aller au bout de ses idées, de faire montre d’un grand soin dans la mise en scène du mal, et qui semble comme porté par une beauté macabre.

L’une des œuvres les plus inintéressantes du Festival est sans nul doute La porte, qui a pourtant obtenu le Grand prix cette année (un Grand prix beaucoup plus discutable que ces dernières éditions ; L’orphelinat, il y a deux ans, ainsi que Morse, projeté l’année dernière, étaient des films beaucoup plus riches). Le principal défaut de cette oeuvre est son scénario. En effet, La porte est un énième film basé sur la thématique du choix : aurais-je pu faire mieux si j’avais fait le bon choix ? En l’occurrence, qu’aurait-il pu se passer si j’avais pu sauver ma fille (en train de se noyer dans la piscine familiale) plutôt que tromper ma femme avec la voisine d’en face au même moment ? Qu’aurait été ma vie ? Et, surtout, peut-on avoir le droit à une seconde chance ? Bref, un film sur le rachat, le deuil, et la thématique de la responsabilité, qui n’offre pas beaucoup d’intérêt. Si La porte n’est pas un film médiocre, il manque cruellement d’originalité et de personnalité. Un film trop sage, trop respectueux des codes, trop didactique.

5150, rue des ormes, malgré de gros défauts, s’en sort avec les honneurs. Ce film, qui a obtenu le prix du public, met en scène le personnage de Jacques Beaulieu, père de famille chrétien et ultraconservateur, qui, menant une croisade contre tout individu non conforme à son dogme religieux, séquestre dans sa propre maison un jeune étudiant en cinéma. L’un des problèmes majeurs de 5150 est qu’il ne parvient jamais à se hisser au niveau du film référence dans ce domaine, Misery, de Rob Reiner. Le personnage de Beaulieu est certes interprété avec finesse par Normand d’Amour ; cependant, il ne parvient jamais à nous terrifier véritablement. Or, tout le problème est là ; trop tiède, parfois trop verbeux, un peu lent à se mettre en place, le récit de 5150 hésite à prendre une direction claire. La partie d’échecs finale entre l’étudiant séquestré et Beaulieu - Beaulieu accepte de le laisser partir s’il parvient à gagner une seule partie contre lui - ne fait pas frissonner et finit même par devenir agaçante. Si le film dans son ensemble est loin d’être mauvais, il aurait fallu en resserrer le récit. 5150 est un film chaotique, pas désagréable mais franchement trop long. De plus, sa critique de la religion est trop simpliste pour être convaincante.

Vincenzo Natali, réalisateur du célèbre Cube et de l’élégant mais un peu vain Cypher, est venu à Gérardmer présenter Splice, son dernier film, projeté hors compétition. Narrant l’histoire de deux scientifiques (interprétés par Adrien Brody et Sarah Polley) parvenant à fabriquer une créature dans le laboratoire d’une grande firme américaine, Splice est un film construit autour de la figure du mutant. Si le scénario est intéressant et le film assez bien joué, Splice est beaucoup trop sage pour satisfaire les amateurs du genre. Dans le genre « films de mutants », Vincenzo souffre de la comparaison avec David Cronenberg qui, dans des œuvres comme Chromosome 3 ou Frissons, a pris en son temps beaucoup plus de risques. Splice reste un film agréable, bien mené ; cependant, le traitement réservé au statut du mutant dans la famille - les deux scientifiques intègrent la créature au sein de leur couple comme si celle-ci était leur propre fille - est trop sage, trop mesuré pour combler les aficionados du genre. Trop réservé, un peu trop facile, Splice est une œuvre faite avec minutie mais malheureusement incomplète. Un film de genre un peu trop « grand public », qui pose certaines questions fondamentales mais ne les creuse pas suffisamment. Tout comme dans son précédent film, Cypher, réalisé en 2002, Vincenzo Natali reste trop superficiel, n’interroge pas suffisamment le matériel thématique qu’il a entre les mains. Par trop de simplifications, Splice n’est certainement pas le grand oeuvre qu’il aurait pu être.
En conclusion, cette 17ème édition du Festival, placée sous la thématique du silence dans le cinéma, fut intéressante, homogène, mais certainement moins brillante que l’an passé. Reste l’accueil toujours aussi chaleureux de la ville de Gérardmer, qui se met en quatre (plus de 600 bénévoles donnent de leur temps pour organiser le Festival !) pour que chacun puisse s’y sentir à l’aise.
PALMARES
Le jury longs métrages de la 17è édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer étaitprésidé par John McTiernan et composé de Valérie Benguigui, Douglas Buck, Stanislas Merhar, David Moreau, Xavier Palud, Anne Parillaud, Linh-Dan Pham et Florent Emilio Siri.
GRAND PRIX
THE DOOR (Die Tür) de Anno SAUL (Allemagne)
PRIX DU JURY
MOON de Duncan JONES (Royaume-Uni)
PRIX DE LA CRITIQUE
MOON de Duncan JONES (Royaume-Uni)
PRIX DU JURY JEUNES DE LA REGION LORRAINE
POSSESSED (Bulshin Jiok) de LEE Yong-ju (Corée du sud)
PRIX DU PUBLIC - L’EST REPUBLICAIN-VOSGES MATIN
5150 RUE DES ORMES (5150 Elm's way) de Eric TESSIER (Canada)
PRIX DU JURY SYFY UNIVERSAL - SYFY UNIVERSAL JURY PRIZE
LA HORDE de Yannick DAHAN & Benjamin ROCHER (France)
Le jury courts métrages de la 17è édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer était présidé par Xavier Gens et composé de Mélanie Bernier, Grégory Fitoussi et Reda Kateb.
GRAND PRIX DU COURT METRAGE
LA MORSURE de Joyce A. NASHAWATI (France)
PRIX DU MEILLEUR INEDIT VIDEO parrainé par Mad Movies
INSIDE (From Within) de Phedon PAPAMICHAEL (Etats-Unis)
























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