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Le Magasin des suicides - Critique

Un film d'animation qui ne manque pas d'interpeller, mais moins corrosif que l'on pouvait escompter. Il demeure tout de même un métrage à l'histoire plaisante et à l'esthétique soignée qui peaufine l'atmosphère morose.

Publié le 1 Janvier 2008 par Dante_1984
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Adaptations de romans ou de nouvelles

Avant d'être un film d'animation, Le magasin des suicides est avant tout un (court) roman des plus délectables que l’'on doit à Jean Teulé. Nanti du savoir-faire de l'écrivain, d'une idée de départ génial et d'un humour noir corrosif, il en ressortait une lecture certes rapide, mais addictive au possible. Sept ans après sa parution, nous voilà en présence du long-métrage qui aura nécessité pas moins de quatre ans de développement. À la barre, un illustre inconnu des dessins animés, mais pas du cinéma francophone : Patrice Leconte. Le choix du metteur en scène a de quoi décontenancer, mais pourquoi pas ? Notre attente est-elle récompensée ? Retrouvons-nous ce qui a fait le succès du livre ou n'est-ce qu'une pâle adaptation sans âme ?


Avec la crise qui vous défrise...

« Vous avez raté votre vie, réussissez votre mort. » Le slogan est accrocheur et laisse à penser à une publicité bon marché du siècle dernier. Derrière cette brillante tournure se cache une réalité pour le moins incongrue. Comme le titre l'indique, nous suivons le quotidien d'un commerce peu banal en ces temps obscurs : un magasin où l'on trouve tout ce que l'on souhaite pour passer ad patres. Le concept est singulier, mais ne manque pas d'interpeller. D'ailleurs, Tim Burton ne renierait pas cette fable poético-macabre. Certes, l'influence de l'illustre cinéaste reste minime (voire inexistante), mais le fait de conjuguer comédie et drame face à la thématique brûlante de la mort, a fortiori le suicide, n'est pas sans rappeler son oeuvre.

Fort heureusement, l'on retrouve l'humour noir du roman. Les conseils de la famille Tuvache sont bien sentis, dans le ton, et l'on se plaît à constater ce côté cynique dans la commercialisation d'un sujet aussi grave. Au-delà de l'acte, l'on dénonce le pouvoir de l'argent tout en se questionnant sur les valeurs morales de notre époque. En dédramatisant la mort et la volonté de mettre fin à ses jours, on découvre paradoxalement un sens à l'existence. En gros, il faut toucher le fond pour comprendre que l'on peut remonter. Ce propos est sans doute le plus dommageable pour ceux qui aimeraient voir l'idée aboutir dans les ultimes retranchements de son potentiel (le suicide est une solution à tous vos problèmes).


Quoi de plus doux qu'une mort exquise ?

Loin de cette polémique, ledit film devient une ode à la vie. Ce point divisera les foules. Certains fustigeront le conformisme de l'histoire pour ne pas froisser les bonnes m½urs, mais qui aurait peut-être accentué la réflexion. D'autres se plieront à ce choix pour découvrir que, finalement, la vie n'est pas si morose qu'elle n'y paraît. En ce sens, le scénario demeure assez linéaire, voire simpliste à certains égards. L'on retrouve l'élément perturbateur qui va donner un sacré coup de pied dans le poulailler pour ébranler les certitudes et le quotidien. Le côté happy-end peut rebuter, surtout que certains moments du livre (nettement plus dérangeants) sont passés à la trappe. Par exemple les bonbons empoisonnés pour les enfants qui souhaitent mourir.

Pour cette première incursion dans le monde de l'animation, Patrice Leconte fait montre d'un dessin particulier. On accroche ou pas au style graphique, mais l'on ne peut rester indifférent. En tout cas, l'aspect maussade de notre société (on a droit à des clairs-obscurs et des contrastes tout aussi mornes que l'esprit de ces pauvres hères) s'avère réussi et accentue l'ambiance de désespoir qui s'en dégage. À cela s'ajoute une animation bien calibrée où les personnages se fondent à merveille dans des décors crasseux et froids. A contrario, le magasin des suicides apparaît comme une oasis salvatrice dans cet urbanisme déliquescent. En somme, la patte esthétique offre une approche visuelle pertinente du matériau de base.


Adieu la vie, ainsi soit-il !

En ce qui concerne les protagonistes, on reste assez fidèle au roman. La famille Tuvache n'est pas sans rappeler (dans un autre registre) la famille Addams. Leur goût immodéré pour le macabre et la mort, ainsi que leur activité professionnelle forme un panel de caractères déroutant et original. En comparaison, Alan (le petit dernier) fait office de trublion naïf qui gâche ce florissant business. Les suicidés de passage sont, quant à eux, assez anecdotiques compte tenu du peu de temps qui leur est alloué… dans leur triste vie. Dans l'ensemble, on a droit à des individus passablement drôles et suffisamment déjantés pour rendre ce magasin des suicides encore plus singuliers.

Au final, Le magasin des suicides est une adaptation honorable de l'excellent roman de Jean Teulé. Le style graphique est inspiré, le concept de départ original et la progression du récit ne génèrent aucun ennui. On regrettera simplement la linéarité du scénario qui ne fait montre d'aucune véritable surprise ou pire d'un certain conformisme dans les propos tenus. L'humour noir est bien présent, les conseils pour ne pas se louper également (avec moult façon de passer l'arme à gauche), mais l'on aurait aimé l'ensemble plus dérangeant et moins grand public en dépit d'une atmosphère qui reste travaillée et plaisante. À défaut d'être un trésor poético-macabre, un sympathique antidépresseur face à une réalité terriblement morose...

Portrait de Dante_1984

A propos de l'auteur : Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

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