Festival de Gerardmer 2009

Depuis une quinzaine d’années, la charmante petite station vosgienne de Gérardmer organise le festival Fantastic'Arts, qui réunit tous les aficionados du cinéma d’horreur. Alors que la seizième édition du festival vient de s’achever et que le jury, présidé par Jaume Ballaguero (le réalisateur de REC), a choisi de donner le Grand prix au film Morse, il est temps de dresser un bilan quant à la qualité du spectacle qu’il nous a été donné de voir cette année. Petite précision : n'ayant eu l’occasion de voir Dead girl et Grace durant le Festival, je ne pourrai pas les intégrer dans ma chronique. N’ayant été présent à Gérardmer que durant deux jours (samedi et dimanche), je n’ai pu voir tous les films en compétition.


Manhunt

En premier lieu, il convient de mentionner la grande variété des films sélectionnés en compétition. Du film d’auteur russe Sauna, à la relecture coréenne du célèbre conte germanique Hansel et Gretel, en passant par le très attendu The midgnight meat train, les styles étaient très divers et témoignaient, avec une fraîcheur salutaire, de la grande vitalité du cinéma fantastique et du cinéma d’horreur. Toutefois, et c’est peut-être la limite de ce type de cinéma actuellement, les variations qui nous ont été présentées, si elles se sont révélées parfois brillantes du point de vue visuel, n’ont pas apporté grand chose au fond.

En second lieu, le palmarès du festival, notamment le Grand prix attribué à Morse, de Tomas Alfredson, s’est révélé un peu trop consensuel pour satisfaire complètement les festivaliers. En effet, avant même l’ouverture de la compétition, il semblait évident que Morse obtiendrait la récompense suprême : les rumeurs dont il faisait l’objet et les nombreux prix qu’il avait déjà raflés auparavant lui conféraient l’allure du « film de festival » typique qui était taillé pour recevoir la plus haute distinction. Il faut reconnaître que, s’il n’est pas un film raté, Morse ne constitue pas non plus le chef d’œuvre tant attendu. Film de vampire agrémenté d’un zeste d’humanité et de romantisme, Morse est réalisé de main de maître par Tomas Alfredson. Sa photographie et son sens du cadre accrochent directement le regard ; le film part sur les chapeaux de roue. Cependant, la deuxième partie du film - quelque peu mièvre et maniérée - est beaucoup moins réussie que l’introduction et nous laisse finalement sur un sentiment mitigé. Si le film est beau, bien conçu, maîtrisé, il n’en reste pas moins vrai que le récit n’est jamais profond et qu’il sombre parfois dans l’artifice et la vacuité. A force de vouloir construire un beau cadre pour symboliser la solitude des deux âmes qu’il met en scène (une petite vampire brune et un enfant à moitié autiste de douze ans), Tomas Alfredson sombre quelque peu dans le film horreur faussement réflexif. Bref, un semi-échec, ou une semi-réussite (c'est selon, à vous de juger).


Morse

Quoi qu’il en soit, cette année, l’horreur venait du froid, et même du grand froid. Deux autres films en compétition, Sauna et Manhunt, ont fait souffler un vent glacé sur la compétition officielle. Il est inutile de s’attarder bien longtemps sur Manhunt, efficace mais mineur. Reprenant les codes du survival classique (au milieu des années 1970, des jeunes gens sont traqués par une sorte de gang de chasseurs dans une forêt nordique vaste et oppressante), le réalisateur Patrick Syversen, s’il choisit une approche directe, efficace et sans concession, ne parvient jamais à dépasser la simple copie des modèles du genre. Loin du film espagnol Les proies (aussi intitulé Le roi de la montagne) présenté l’année dernière à Gérardmer, Manhunt reste un film aussi sympathique que vain, dont le manque de hauteur de vue, ainsi que certaines invraisemblances scénaristiques vraiment gênantes gâchent quelque peu le plaisir.

En revanche, Sauna, réalisé par Antti Jussi Annila, est une vraie réussite. A la fois reconstitution historique, film de genre, film d’auteur, ainsi qu’évocation philosophique et métaphysique, Sauna est certainement l’une des grandes trouvailles de cette seizième édition du festival Fantastic'Arts. Narrant l’histoire de soldats finlandais et russes chargés de fixer les nouvelles frontières entre ces deux pays à la suite d’une guerre à la fin du 16ème siècle, le film part sur des bases plutôt classiques et clairement identifiables (l’un des soldats se retrouve hanté par le fantôme d’une femme qu’il a enterré vivante dans une cave en pleine campagne) puis change totalement de ton. Les soldats arrivent dans un village perdu, lequel n’existe apparemment sur aucune carte, et doivent décider si celui-ci doit être rattaché à la Russie ou à la Finlande. S’ensuit une réflexion extrêmement profonde et poétique sur la culpabilité, le péché et la condition humaine. Une œuvre personnelle, radicale et intimiste qui tranchait, par sa gravité et sa complexité, avec le reste de la sélection officielle. A découvrir d’urgence.

Le film d’horreur populaire, efficace et sympathique s’appelait cette année The midgnight meat train, et a reçu, fort logiquement, le Prix du public. En effet, la réussite de ce film est incontestable ; s’il ne constitue pas un chef d'œuvre, il renoue avec le film d’horreur classique, sans effet gore artificiel, sans ironie second degré façon Wes Craven. Un vrai bon film d’horreur, frontal, bien mené, basé sur une nouvelle écrite par Clive Barker, qui avait déjà écrit le scénario du remarquable Candyman réalisé par Bernard Rose en 1992 et qui avait lui-même réalisé le célèbre Cabal. The midnight meat train narre l’histoire d’un photographe, Leon, qui cherche à effectuer le cliché parfait de la ville de New-York en tentant de cerner l’essence de « sa » ville, de prendre en photo l’âme de la mégalopole américaine. Témoin d’un meurtre commis dans le métro, Leon mène l’enquête afin de savoir qui a pu commettre ce terrible méfait. Il est rapidement sur la trace d’un sinistre boucher qui semble être à l’origine de nombreuses disparitions qui ont eu lieu dans le métro de New-York. Une vraie réussite.


The midnight meat train

La réussite de The midnight meat train tranche avec la vacuité du propos de Hansel et Gretel, film coréen réalisé par Yim Phil-Sung. Relecture du célèbre conte de fée allemand écrit par les frères Grimm, Hansel et Gretel est un film faussement poétique et intellectuel, qui n’apporte rien à l’histoire originelle et dont les ressorts scénaristiques et visuels n’offrent aucun intérêt véritable. Un film vide, inintéressant, artificiel, et surtout terriblement ennuyeux. A oublier donc.

En conclusion, la seizième édition du festival de Gérardmer aura fait la part belle au cinéma qui vient du nord. Après l’épisode espagnol de l’an dernier - L’orphelinat, REC, et Le roi de la montagne avaient été présentés en 2008 - le festival a donc pris un tournant plus nordique cette année, mettant en avant un film très réussi (Sauna), une œuvre dont tout le monde parle mais quelque peu prétentieuse et didactique (Morse), ainsi qu’un film frontal, efficace mais bancal (Manhunt). Toutefois, l’accueil de la ville de Gérardmer permet d’oublier les quelques déceptions et de passer un excellent moment. Vivement l’année prochaine !

Le Palmarès complet:

GRAND PRIX: MORSE (Let the right one in), de Tomas ALFREDSON (Suède) (Sortie nationale le 4 février 2009)

PRIX DU JURY: GRACE de Paul SOLET (Etats-Unis)

PRIX DE LA CRITIQUE: MORSE (Let the right one in), de Tomas ALFREDSON (Suède)

PRIX DU JURY JEUNES DE LA REGION LORRAINE: SAUNA de Antti Jussi ANNILA (Finlande)

PRIX DU PUBLIC - L’EST REPUBLICAIN / VOSGES MATIN: THE MIDNIGHT MEAT TRAIN de Ryuhei KITAMURA (Etats-Unis)

PRIX DU JURY SCI FI: THE MIDNIGHT MEAT TRAIN de Ryuhei KITAMURA (Etats-Unis)

GRAND PRIX DU COURT METRAGE: DIX de Bif (France)

PRIX DU MEILLEUR INEDIT VIDEO parrainé par Mad Movies : TIMECRIMES (Los Cronocrimenes) de Nacho VIGALONDO (Espagne)

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