Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg - Compte-rendu 2012

Dans la catégorie des films mineurs mais sympathiques, Grabbers arrive en tête de liste. Comédie horrifique anglaise, Grabbers est un film de monstre old school plutôt fun et bien fichu. Dans une île au large de l’Irlande, deux policiers locaux, assistés par un rat de laboratoire et un ivrogne, vont faire face à un monstre marin particulièrement imposant. Par la bonne humeur et la sincérité qui s’en dégagent, le long métrage est taillé pour faire rire, au moyen de séquences vraiment drôles et de blagues de potaches qui font souvent mouche. Pour toutes ces raisons, le Prix du Public qui lui a été décerné semble parfaitement justifié.

Eddie, the sleepwalking cannibal, s’inscrit dans la même vaine des comédies horrifiques. Narrant l’histoire d’un peintre de talent, Lars, qui s’exile dans une école d’art au fin fond du Canada et trouve l'inspiration en contemplant les massacres perpétrés par son colocataire somnambule et cannibale, Eddie est une comédie sympathique et attachante, mais un peu trop sage pour convaincre totalement. Ni vraiment drôle, ni vraiment terrifiant, Eddie souffre d’un manque de rythme et de radicalité. Le climax final se révèle d’une noirceur peu assumée, comme si le réalisateur ne savait pas véritablement quelle identité il souhaitait conférer à son film. A la fois critique gentillette de l’artiste égocentrique persuadé d’être un génie, et film d’horreur au cannibalisme sage et propret, Eddie est une comédie horrifique mineure mais attachante.

Certaines œuvres présentées dans le cadre de la compétition officielle se sont révélées particulièrement décevantes. Storage 24 fait malheureusement partie de cette catégorie. Réalisé par Johannes Roberts, qui, avant la projection, a présenté son film comme un hommage aux œuvres réalisées par John Carpenter dans les années 80, Storage 24 est un film de monstre dans la veine d’Alien. Le long métrage suit les péripéties d’un groupe d’amis bloqué dans un entrepôt assailli par un monstre extraterrestre échappé d’un avion militaire crashé non loin de là. Le problème fondamental, c’est que le film ressemble à un vulgaire direct-to-dvd. Verser dans l’hommage aux classiques du film de genre est toujours risqué, dans la mesure où le réalisateur doit être capable de transcender les clichés avec lesquels il compose, de manière à rendre crédibles son scénario et ses personnages. Malheureusement, la mise en scène ne donne ici aucune consistance aux archétypes et, de surcroît, la pauvreté des dialogues fait davantage penser à une série télé de seconde zone qu’à un long métrage de cinéma. Bref, un film qu’on sent pétri de bonnes intentions mais qui ne fait qu’empiler des poncifs sans parvenir à leur donner de vie.

 RESOLUTION

Resolution long métrage sans grand intérêt, rappelle combien les found footage movies sont très souvent d’un ennui mortel. Un jeune homme rend visite à son meilleur ami, tombé dans la drogue depuis un certain temps, qui squatte une maison située à la lisière d’une réserve indienne. Pour le sortir de sa dépendance, il décide de le menotter et de veiller sur lui pendant une semaine. Très rapidement, les deux amis se rendent compte que quelqu’un – ou quelque chose – les surveille et qu’ils ne sont manifestement pas seuls. Resolution est un film qui ne trouve jamais de rythme ni d’intérêt. Le spectateur n'a droit qu’au spectacle, extrêmement pauvre, de discussions aussi plates qu’interminables. Hormis une séquence prometteuse, qui contient certaines idées très intéressantes mais trop furtivement développées, le film est d’une vacuité à peu près totale.

Sound of my voice n’était pas non plus d’un intérêt palpitant. Sorte d’enquête menée par un couple sur le fonctionnement d’une secte dirigée par l’ensorceleuse Maggie, le film ne pose qu’une seule et véritable question : Maggie, qui prétend venir du futur, ne fait-elle que profiter de la crédulité de ses disciples ou est-elle véritablement née en 2054 ? Mise à part cette interrogation, qui constitue la seule véritable trame du film – exceptées les piètres scènes de ménage au sein du couple d’enquêteurs – Sound of my Voice est un film qui se cherche. Sans rythme, tributaire d’un scénario sans chute ni surprise - à part un pseudo twist final qui prend davantage la forme d’un pied-de-nez que d’une véritable résolution – le long métrage ne décolle jamais et reste bien terne.

Victimes était sans conteste le plus mauvais film de la compétition. Un homme seul, mal dans sa peau, consulte un psychiatre pour lui faire part de ses problèmes. Le médecin se rend vite compte de la dangerosité de son patient mais développe une sorte de fascination malsaine à son égard. Victimes est un long métrage superficiel qui n’offre pas beaucoup d’intérêt. Interrogation pseudo-psychanalytique lourdingue sur la brutalité des rapports sociaux, le film est à la fois maladroit et prétentieux. Un film profondément inintéressant, plombé par des séquences interminables, à la fois bavardes et sans rythme.

Hors compétition, plusieurs longs métrages ont marqué les esprits. Il faut tout d’abord mentionner Maniac, de Frank Khalfoun, produit par Alexandre Aja. Remake du film du même nom réalisé par William Lustig en 1980 (le fameux réalisateur de Maniac Cop et Vigilante), Maniac est un slasher gore et pervers. Proposant, en caméra subjective, une plongée vertigineuse dans l’esprit d’un déséquilibré qui tue (et scalpe) des femmes, le long métrage fonctionne bien. Jouant sur un côté vintage assumé (la bande originale le souligne d’ailleurs largement), Maniac est un film efficace, qui ne fait pas dans la dentelle. On peut d’ailleurs reprocher à Alexandre Aja et Grégory Levasseur, qui se sont chargés de la réécriture du scénario, de privilégier la sauvagerie au détriment de l’approche psychologique (alors que la caméra subjective devrait impliquer plus de finesse dans l’étude de caractère). De la même manière, le film devient au bout d’un moment quelque peu répétitif. Mais, quoi qu’il en soit, la facture globale du film est très honnête. En somme, les amateurs de slasher gore devraient en avoir pour leur argent.

Dans un tout autre style, Scalene, film américain indépendant, était une des belles découvertes présentées hors compétition. Drame social plus que film fantastique à proprement parler, Scalene raconte les déboires familiaux d’un jeune handicapé mental. Récit raconté à partir de trois points de vue différents (la mère de famille, le jeune homme, et l’auxiliaire de vie chargée de prendre soin de lui), le film est lent à se mettre en route mais monte peu à peu en intensité, jusqu’à un final à la fois complexe et déchirant.

En revanche, les films d’ouverture et de clôture n’ont pas particulièrement marqué les esprits. Robot & Frank était d’ailleurs taillé pour ouvrir le festival d’une façon calme et tranquille. Dans un futur proche, Frank, retraité grincheux, est contraint par son fils d’accepter l’aide d’un robot chargé de s’occuper des tâches ménagères. Une curieuse relation, faite de compréhension et de confiance, va peu à peu se tisser entre les deux personnages. Méditation sur le devenir de l’homme et son rapport à la machine, Robot & Frank est un film indépendant attachant mais superficiel. Il lui manque une réelle densité pour parvenir à convaincre. Le film de clôture, Safety not guaranteed, souffre d’ailleurs de défauts similaires. Film indépendant dont la trame fantastique (la construction d’une machine à remonter dans le temps) n’est qu’un prétexte à une énième réflexion sur le passage à l’âge adulte, Safety est un film attachant mais trop convenu. Proche de comédies indépendantes récentes telles que Juno ou Bliss, qui étaient quant à elles transcendées par la finesse du jeu d’Ellen Page, Safety not guaranteed, malgré ses défauts, clôturait plutôt agréablement un festival réussi.

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