Voir la fiche complète du film : Gretel & Hansel (Oz Perkins - 2020)
[[

Gretel & Hansel

Une nouvelle version du conte des frères Grimm qui se découvre sous le prisme horrifique. Servi par une mise en scène soignée, Gretel & Hansel s’impose par son atmosphère ténébreuse, un rien éthéré. Cette dernière vient soutenir une narration circonspecte et mesurée qui sous-tend de multiples pistes d’interprétation à travers ses symboles et ses allusions. Original et inattendu pour un résultat atypique.
Publié le 21 Juin 2020 par Dante_1984Voir la fiche de Gretel & Hansel
7
Forêt

On ne compte plus les adaptations de contes de fées dont les variations ont donné lieu à des interprétations des plus édulcorées aux plus brutales. Depuis sa publication voilà plus de 200 ans, Hansel & Gretel n’échappe pas à cette réappropriation pour la télévision et le cinéma. Sous forme de films indépendants ou de blockbusters, les différentes productions se sont montrées plus ou moins fidèles, et ce, quels que soient les moyens à disposition. À l’instar de la collection Les Contes Interdits des éditions Ada, ce type de récit se prête particulièrement bien à une itération horrifique ; qu’elle soit gore ou malsaine. Sans doute est-ce dû aux histoires originelles elles-mêmes qui sont bien éloignées de l’image fantasmée et romantisée des plus célèbres versions…

 

Aussi, Gretel & Hansel s’insinue dans ce registre en délaissant toute forme de féérie. Le cadre instauré impose d’emblée un contexte moyenâgeux dont la temporalité reste incertaine. On peut se baser sur le début du XVIIIe siècle, comme la date de parution du conte. Cependant, l’atmosphère générale évoque surtout le XIVe siècle où la famine et le mode de vie renvoient à une détresse qui n’est pas sans rappeler les ravages de la peste noire. D’ailleurs, la présentation se retrouve dans cette ambiance désenchantée où les liens filiaux constituent davantage un fardeau qu’une responsabilité. L’approche se veut réaliste et assez lourde de sens puisqu’elle vient justifier le périple des deux enfants.

Sans jamais vraiment sauter le pas, le spectateur se perd dans la forêt, comme on s’insinue progressivement vers des éléments fantastico-horrifiques oppressants. Les créatures monstrueuses côtoient des visions hallucinées. Il est difficile de déterminer où se situe la frontière entre le cauchemar perçu par les enfants, véritable allégorie matérialisée de l’hostilité du monde, et la réalité. Cette dernière s’avance dans des considérations délétères, voire nihilistes à certains égards. On retrouve également une symbolique forte telle que la porte dissimulée derrière la flétrissure du mur, semblable au passage d’Alice – De l’autre côté du miroir

 

L’approche est foncièrement déroutante, car elle suggère un sentiment pesant, souvent indéfinissable dans ce qu’elle suscite. Tant dans le principe que dans l’ambiance qui s’en dégage, il en ressort de nombreuses similarités avec The Witch jusque dans son rythme volontairement lent, à la limite de la contemplation ou, en l’occurrence, d’un somnambulisme infernal. En cela, la mise en scène retranscrit parfaitement le malaise latent. On a droit à des plans rapprochés, des arrière-plans floutés ou encore une perception des espaces inconstante, voire erronée. Pour ce dernier point, cela tient à des perspectives trompeuses qui s’appuient sur les reliefs et les contrastes savamment orchestrés par la photographie.

À croire que le cinéaste souhaite déstabiliser son public à travers une vision très personnelle et tout aussi sombre du conte des frères Grimm. Il est donc difficile de se baser sur le respect de l’histoire, mais les fondamentaux demeurent présents. Ils sont simplement triturés pour rendre l’ensemble plus inquiétant. D’ailleurs, l’inversion des prénoms dans le titre n’est pas anodine puisqu’elle sous-tend l’importance particulière de Gretel dans l’intrigue. Cela vaut surtout pour sa relation avec la sorcière, bien plus ambivalente qu’escomptée. Au-delà d’un lien parental qui se noue, il s’en dégage un récit initiatique pour la protagoniste. Le passage à l’âge adulte et les désillusions qui l’accompagnent sont alors des sujets particulièrement bien amenées et développées.

 

Au final, Gretel & Hansel demeure une incursion déroutante et singulière dans le domaine des contes de fées. Le film d’Oz Perkins propose une adaptation nuancée dont l’atmosphère morose alourdit les multiples dangers qui gravitent autour des deux enfants. Avec une évolution patiente et timorée, qui ne sera pas du goût de tous, l’intrigue sous-tend une interprétation purement subjective sur le paraître de ces séquences. La réalité est-elle un cauchemar éveillé ? À moins que le périple lui-même ne soit rien d’autre qu’une métaphore inavouée de la perception que portent les enfants à l’égard du monde ? Toujours est-il que le traitement ne fait guère de concessions sur la violence, davantage psychologique que physique, dont ils sont les premières victimes. Une œuvre sépulcrale qui suggère une subtilité sous-jacente inattendue.

 

A propos de l'auteur : Dante_1984
Portrait de Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

Autres critiques

Dredd
Le personnage de Judge Dredd, créé par John Wagner et Carlos Ezquerra, fait sa première apparition dans 2000 A.D, une revue britannique de science-fiction, en 1977. Mais ce n'est qu'en 1990 que le personnage possède sa propre série avec Judge Dredd Magazine. Ce personnage deviendra vite emblématique par sa représentation de la justice et par la violence du propos. L'univers dans lequel évolue le...
Ghost Game
Tiens, un film asiatique avec des fantômes. Un de plus... C'est que depuis le succès de Ring 1er du nom, on en bouffe jusqu'à plus soif ( The Grudge, Réincarnations, Dark Water , et j'en passe) et si les qualités sont souvent présentes, il devient franchement dur de s'exciter sur ces productions qui s'empilent à n'en plus finir. Toutefois le pitch de Ghost Game pouvait s'avérer excitant avec sa...
Blood Snow
Blood Snow ... Quel titre d'une banalité affligeante alors que le Necrosis originel a tout de même une autre gueule. Vous me direz que ça ne change rien au contenu du film (et vous aurez raison) mais il n'empêche que cette manie de remplacer les titres anglophones par d'autres également en Anglais afin d'assurer l'exploitation en France est agaçante. Bref, après ce petit coup de gueule salvateur...
Last of the Living
Quand on s’attaque à un thème aussi exploité que les morts-vivants ou la comédie de zombies en l’occurrence, il faut avoir un minimum d’idées et un scénario potable pour se lancer dans l’aventure. Faire un film sans imagination et surtout sans apporter un petit quelque chose au genre, c’est un peu comme suivre le troupeau de moutons qui saute de la falaise. Autrement...
Sphère
Le psychologue Norman Goodman (Dustin Hoffman) est conduit en hélicoptère au beau milieu de l’océan pacifique pour ce qu’il croit être un accident d’avion. Lorsqu’il arrive sur place, il constate qu’il n’y a non seulement aucune trace d’un accident d’avion quelconque mais que plusieurs navires de guerre sont présents sur le même site. Il est rapidement conduit auprès d’Harold C. Barnes (Peter...
Gretel & Hansel
Réalisateur:
Durée:
6.5
Moyenne : 6.5 (2 votes)

GRETEL & HANSEL Official Teaser Trailer (2020)

Thématiques