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La Main du Diable - Critique

La Main du Diable est un des rares films qui furent tournés par la France sous l'occupation. C'est un film original dans le paysage cinématographique français de l'époque. A découvrir pour tous les amateurs de fantastique en noir et blanc!

Publié le 4 Février 2014 par Oeilsansvisage
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La Main du Diable fait parti des rares films à avoir été tournés par la France sous l'occupation. Il fut produit par Continental Films, la société de production mise en place par les allemands - Goebbels en tête, qui disparut à la fin de la guerre. Une question se pose alors : La Main du Diable est-il un film de collabos et un film de propagande ?

Au premier abord, tout semble indiquer que non. Un fait frappant qu'il faut mentionner à ce propos, est que le scénariste, Jean-Paul Le Chanois, était juif et communiste (on l'apprend dans le documentaire La Continental, le cinéma français dans la main du diable? de Pierre-Henri Gibert). Même dans les institutions sous contrôle de la France occupée, tout ne se passe pas exactement comme on pourrait l'imaginer, malgré qu’un aspect du film puisse être interprété comme la représentation métaphorique de certains idéaux nazis.

Le film est réalisé par Maurice Tourneur, revenu dans son pays natal après avoir fait ses preuves à Hollywood. Un an après que son fils Jacques ait tourné Cat People, reconnu comme un classique du fantastique, le père signe une ½uvre unique en son genre en comparaison de ce qui se faisait dans le cinéma français de l'époque.

La structure narrative est construite sur l’habile mélange de deux temporalités, la première englobant la seconde. Le film commence et se termine dans une auberge de montagne où le personnage principal se réfugie, visiblement poursuivi par une sombre menace. Sur place, il raconte ses péripéties aux résidants, jusqu’à ce que son destin le rattrape.

La main du diable

Roland Brissot est un peintre sans talent qui trime pour percer à Montmartre. Ses échecs l’amènent à désespérer de sa situation jusqu’à ce que le patron du restaurant où il vient de se faire larguer lui assure qu’il trouvera le bonheur s’il lui achète une main reposant dans un coffret. La trame reprend le motif des contes populaires dans lesquels un pauvre bougre vend son âme au diable afin de provoquer le succès qui lui échappe. Dans le film de Tourneur, le héros ne comprend pas qu’il vend son âme lorsqu’il achète la main, mais croit simplement obtenir des pouvoirs grâce à son acquisition. Hors celle-ci n’est autre que la main du diable et il faut se la faire racheter pour se débarrasser de la malédiction qui l’accompagne. Car, évidemment, les bienfaits de ce mystérieux talisman font rapidement place au malheur de son propriétaire.
Alors qu’il se trouve au sommet de la gloire, le peintre reçoit la visite inattendu d’un homme tout de noir vêtu, lui annonçant que la main est la sienne et que s’il ne la revend pas à un autre, il lui devra la somme pour laquelle il l’a acheté, somme qui doublera chaque jour jusqu’au paiement, autrement son âme sera damnée pour l’éternité. C’est le personnage du diable, qui par son rôle d’usurier machiavélique, peut être interprété comme une représentation du juif tel qu’il était alors dépeint par la propagande nazi. En effet, ce petit homme serrant scrupuleusement sa serviette contre sa poitrine et arborant un sourire malicieux en toute circonstance, illustre les clichés qui étaient mis en ½uvre pour diaboliser les juifs.


La diable se présente au peintre sous l'apparence d'un petit homme coiffé d'un chapeau melon

Aurait-ce été une condition imposée au film pour qu’il puisse se faire ? Il y a en tout cas une convergence des éléments représentés qui vont dans ce sens. A part cela, les questions relatives à la guerre ne sont jamais évoquées et l’action prend place dans un Paris paisible qui semble ignorer la situation.

Tous les éléments sont réunis pour offrir au spectateur un divertissement qui lui fasse oublier les tracas du quotidien de la guerre. La mise en scène est sobre et efficace et les acteurs sont impliqués dans leur rôle, en particulier Pierre Fresnay qui incarne le peintre maudit avec une grande force, souvent possédé par la folie du personnage. Une des principales qualités esthétiques du film réside dans le jeu de contraste obtenu par le traitement du noir et blanc de la photographie. Les éclairages créent une ambiance onirique, voir surréaliste dans certaines séquences, et viennent souligner la dimension fantastique qui imprègne le récit. La plus belle séquence se produit quand le héros rencontre les précédents propriétaires de la main et qu’ils lui racontent leurs histoires chacun leur tour, illustrées par des scénettes mises en scènes comme des pièces de théâtre.


La dimension fantastique du film est soulignée par des effets surréalistes.

Par son originalité narrative et esthétique, La Main du Diable apparaît comme un projet atypique, faisant une place peu commune aux codes du fantastique lorsqu’on le replace dans son contexte. S’il passât relativement inaperçu lors de sa sortie, le temps apporte un recul qui permet d’apprécier la valeur de cette ½uvre longtemps restée dans l’ombre de la production française.

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