Voir la fiche complète du film : Rawhead Rex: Le Monstre de la Lande (George Pavlou - 1986)

Rawhead Rex: Le Monstre de la Lande - Critique

Rawhead Rex est un film frustrant, tiraillé entre son ambition initiale et ses limites évidentes. S’il possède un certain charme rétro et une atmosphère typique des années 1980, il reste loin de ce qu’il aurait pu être sous la direction d’un réalisateur plus audacieux et doté d'un budget plus conséquent.

Publié le 19 Novembre 2024 par Geoffrey
Voir la fiche de Rawhead Rex: Le Monstre de la Lande
6

En 1986, Rawhead Rex vient s'inscrire dans l’histoire du cinéma fantastique en tant qu'adaptation frustrante et mal-aimée, pourtant tirée de l’imagination fertile de Clive Barker. Connu pour ses Livres de sang et son penchant pour un fantastique mêlant horreur viscérale, sexualité et mythologie, Barker voit ainsi une deuxième de ses nouvelles portée à l’écran, après Transmutations en 1985.

Malheureusement, comme pour son prédécesseur, Rawhead Rex souffre de choix de production frileux, d’un cruel manque de moyens et d’une réalisation peu inspirée, ce qui l’empêche de pleinement exploiter son potentiel, mais pas d'être amusant.

George Pavlou, réalisateur peu expérimenté, se charge de la mise en scène, tandis que Barker adapte lui-même son récit pour le grand écran. Le film s’écarte toutefois rapidement des intentions de l’auteur britannique, notamment à cause de l’implication limitée de ce dernier lors des dernières étapes de production (il s'est en effet vu gentiment écarter du projet et a assisté impuissant aux nombreux changements, bien qu'il reste crédité comme scénariste).

Si Barker avait imaginé un monstre incarnant une sorte de virilité brutale et primitive, le design final de la créature trahit cette vision. À l’écran, le démon devient une créature massive et bestiale, dépourvue de la moindre subtilité symbolique capable d’enrichir le récit.

Le film suit Howard Hallenbeck, un historien américain en voyage en Irlande avec sa famille. Il s’intéresse à une église construite sur un ancien site sacré, où les légendes locales parlent de dieux anciens et de forces païennes.

Pendant ce temps, un fermier, en abattant un obélisque, libère Rawhead Rex, une entité monstrueuse emprisonnée depuis des millénaires. S’ensuit une série de meurtres brutaux dans la campagne environnante, alors que Hallenbeck tente de percer le mystère et de stopper cette menace…

Le choix de situer l’action dans les paysages brumeux de l’Irlande, plutôt que dans le Kent en pleine canicule comme dans la nouvelle, semble d’abord judicieux. La lande irlandaise, avec ses collines austères et son ciel gris, offre un décor parfaitement adapté à une histoire imprégnée de mythologie celtique. Mais, malgré ce potentiel, la mise en scène de Pavlou manque cruellement de caractère. Les références aux cultes anciens, aux déesses de fertilité et à la lutte entre magie noire et magie blanche se diluent dans une intrigue finalement assez banale.

Le fameux Rawhead Rex, censé être l’élément central du film, en devient malheureusement l’une de ses plus grandes faiblesses. Si sa silhouette imposante fonctionne lors de plans éloignés, les gros plans révèlent un masque rigide et un strabisme involontairement comique. Ce détail, combiné à des effets spéciaux datés (ces yeux lumineux !) et à un costume en latex peu flexible, réduit considérablement la menace qu’il devrait incarner. Là où Barker avait envisagé une créature chargée d’une symbolique sexuelle et agressive, le film propose un démon gesticulant et grognant, qui se contente principalement de casser des objets, de hurler dans la lande et, occasionnellement, de dévorer ses victimes.

Certes, quelques scènes marquent par leur violence, comme celle où un enfant se fait dévorer – un acte encore rare et audacieux dans le cinéma d’horreur – mais ces moments chocs sont trop isolés et trop mal montés pour véritablement créer une tension ou un climat oppressant. Nous touchons là au cœur du problème : la principale faiblesse de Rawhead Rex réside dans la mise en scène de George Pavlou. Avec un budget limité et un manque évident d’audace, le réalisateur échoue à créer une atmosphère qui aurait pu compenser les lacunes techniques.

Les décors naturels irlandais, pourtant si prometteurs, sont filmés de manière plate et sans imagination. La photographie manque de contraste, et les scènes de nuit, souvent mal éclairées, n’exploitent pas le potentiel horrifique du cadre.

Le rythme du film souffre également d’un déséquilibre flagrant. La première heure traîne un brin en longueur, alourdie par des dialogues parfois risibles et un jeu d’acteur inégal. Les personnages secondaires frisent la caricature, et même les protagonistes principaux peinent à convaincre.

Si Rawhead Rex reste une déception, il a toutefois eu un impact positif sur la carrière de Clive Barker, car dégoûté par le traitement réservé à ses récits, l’auteur décide de prendre le contrôle total de son prochain projet cinématographique. Le résultat sera Hellraiser. Ainsi, Rawhead Rex apparaît comme une étape transitoire, un échec nécessaire qui a poussé Barker à devenir son propre réalisateur.

Cela n’empêche pas le film de conserver une certaine aura nostalgique, notamment grâce à son statut culte parmi les amateurs de vidéoclubs des années 1980. En somme, Rawhead Rex est une curiosité sympathique pour les amateurs du genre et un nanar gentiment fun, mais un indéniable rendez-vous manqué pour ceux qui espéraient une œuvre digne des écrits de son créateur.

Malgré ses défauts, Rawhead Rex a bénéficié d’une restauration 4K de grande qualité et d’une sortie chez nous dans la collection Angoisse de chez Rimini Edition. Ce nouveau master offre une netteté et une profondeur inédites, tout en respectant l’aspect granuleux de la pellicule originale. Les couleurs, plus vives et mieux contrastées, permettent de redécouvrir certains détails des décors et des costumes.

Enfin, l’indispensable livret signé Marc Toullec intitulé « Sa majesté le monstre » revient en détail sur la genèse et les coulisses du film.

 

Portrait de Geoffrey

A propos de l'auteur : Geoffrey

Comme d'autres (notamment Max et Dante_1984), je venais régulièrement sur Horreur.net en tant que lecteur, et après avoir envoyé quelques critiques à Laurent, le webmaster, j'ai pu intégrer le staff début 2006. Depuis, mes fonctions ont peu à peu pris de l'ampleur.

Autres critiques

Meurtres à la Saint-Valentin 3D

Meurtres à la Saint-Valentin 3D

Pour certains, les remakes sont un fléau et on peut les comprendre. Très souvent inférieurs aux originaux, ils ont en plus tendance à dénaturer les mythes et à rabaisser nos boogeymen préférés au rang de fillettes bougonnes et inoffensives. Prenons l'exemple le plus flagrant avec le dernier Freddy et son lot d'acteurs imberbes face à un tueur qui pourrait jouer dans Plus belle la vie . De...
Dragonball : Evolution

Dragonball : Evolution

Dire que cette adaptation live du manga culte d’ Akira Toriyama s’est faite désirer est un doux euphémisme. En effet, cela faisait presque une dizaine d'années que des rumeurs couraient sur un possible long métrage et que des légions de fans s’excitaient à la moindre image "fake" débarquant sur le net. L’annonce officielle par la FOX de la mise en chantier du projet a donc logiquement attisé l’...
Hinamizawa: Le village maudit

Hinamizawa: Le village maudit

Tout comme les remakes et autres reboots, les films-live sont une manne providentielle pour les producteurs avides de bénéfices faciles en misant sur une histoire qui a déjà fait ses preuves dans un passé plus ou moins lointain. Le souci ? Comme trop souvent, le processus d'adaptation connaît quelques hauts et beaucoup de bas. Qu'il s'agisse de bandes dessinées, de jeux vidéo, de comics ou, en l...
Caché

Caché

Après plusieurs films tournés en France, La Pianiste (2000) ou Le Temps du loup (2002) pour ne citer qu’eux, le cinéaste autrichien Mikael Haneke renouvelle l’expérience sur le territoire hexagonal avec Caché , une sombre histoire mêlant voyeurisme et torture psychologique. L’action se déroule en région parisienne mais le regard étranger apposé par le réalisateur fait apparaître la société...
Man Thing

Man Thing

Dans une petite ville cernée par les marais, un nouveau shérif se penche sur une série de meurtres où les victimes sont atrocement mutilées. Menacé par le patron d'une industrie pétrolière, il va s'aventurer dans les recoins les plus sombres des marais pour découvrir la vérité sur les meurtres... En général, lorsque l'on parle de Marvel , l'on pense immédiatement super-héros...
Rawhead Rex: Le Monstre de la Lande
Réalisateur:
Durée:
89 min
4.88235
Moyenne : 4.9 (17 votes)

Rawhead Rex Trailer

Top 10

Les meilleurs films
de maisons hantées

À découvrir

Devinez le film par sa tagline :

La nuit la plus sombre avant l'aube
Score actuel : 0
1 pt par bonne réponse, sinon -1 !