Voir la fiche complète du film : Texhnolyze (Rondo Robe, Yasuyuki Ueda, Hirotsugu Hamasaki - 2003)

Texhnolyze - Critique

Le character designer derrière Serial experiments Lain signe et persiste dans un visuel très prononcé et pleinement assumé. De par une atmosphère à couper au couteau, Texhnolyze parvient à nous happer dans son univers délétère et son pessimisme omnipotent. Malgré des protagonistes peu attachants et un scénario pas vraiment maîtrisé tant la multiplication des points de vue est brinquebalante, le dernier projet en date de Yoshitoshi Abe satisfera ses fans et intriguera les novices. Un anime qui tend à multiplier les impressions contradictoires pour se conclure dans une apocalypse désespérée où la résilience se conjugue à l'agonie de la civilisation. Déstabilisant et néanmoins plaisant à plus d'un titre...

Publié le 17 Octobre 2012 par Dante_1984
Voir la fiche de Texhnolyze
8

Au coeoeur même de la Terre, la ville de Lux est gangrénée par le crime et la violence. Ichise, jeune boxeur mutilé, erre dans ce dédale en quête d'une vengeance dont il ne connaît pas les conséquences. C'est alors qu'il rencontre Ran, une fille capable de voir l'avenir. Mais la révolte gronde au sein de Lux, sans compter les luttes entre gangs rivaux qui menacent de briser une trêve fragile.

Après le très contemplatif Ailes grises, Yoshitoshi Abe renoue avec une histoire alambiquée et sombre au possible. Univers cyberpunk situé dans un futur plus ou moins lointain (on n'en saura pas plus sur le sujet). Texhnolyze pose son intrigue dans un contexte où l'homme parvient à substituer ses membres amputés ou dysfonctionnels contre des prothèses ultra-perfectionnées. L'anime se penche donc sur les conséquences plus ou moins bénéfiques sur la population, ainsi que les velléités intestines entre les différents organismes qui régissent la ville de Lux.


Derrière le masque...

Les dix premières minutes nous font découvrir une succession d'images décousues dont on peine à saisir la signification. Des sensations biaisées, un malaise pesant qui monte crescendo face à des scènes de violence et de sexe. Tout cela est servi par une bande-son lourde et méphitique qui entretient ce sentiment malsain qui nous étreint dès l'entame. Particularité de cette introduction : aucun dialogue. Des cris, des rires, des gémissements qui ôtent toute humanité aux séquences. Comme si, sous la surface de la Terre, l'on assistait à la résurgence des bas instincts de l'homme. C'est brut de décoffrage et émotionnellement fort. Texhnolyze parvient avec maestria à capter l'attention de son public.

Un euphémisme s'il en est, mais sur la durée le résultat s'en trouve quelque peu amoindrie. Ne nous y trompons pas, Texhnolyze demeure un anime de premier ordre. Seulement, certains défauts (plus ou moins importants) empêchent de le hisser au rang des plus grands. Le scénario est certes intrigant, voire énigmatique dans son contexte (on ne situe pas bien l'époque, ni ce qui a pu arriver pour que les humains se réfugient sous terre), mais les rivalités entre les gangs et la mafia semble occuper une part prépondérante. Un peu trop malgré quelques histoires secondaires non dénuées d'intérêts qui auront tendance à se perdre dans des complications inutiles.


Un poisson rouge volant !

En effet, l'on peut diviser l'anime en deux parties. Du premier au dixième épisode où l'on suit principalement l'errance d'Ichise et Yoshii, un curieux individu qui vient de la surface et s'amuse à entretenir les tensions entre les gangs pour on ne sait quelles obscures raisons. À partir du onzième épisode, le tournant de l'histoire semble peu crédible dans les choix d'Ichise. On découvre le fonctionnement de l'Organo et son rôle au sein de Lux. En contrepartie, on perd en intérêt sur certains points. Par exemple, l'Alliance reléguée bizarrement au second plan et la présence de la Classe (une sorte d'élite qui vit au sommet de la colline surplombant Lux). C'est assez brinquebalant et déstabilisant de jongler entre tous ses aspects sans léser les autres. À noter que les derniers épisodes sont davantage portés vers les questions philosophiques sur l'avenir de l'humanité, l'appréhension de la mort et la recherche de la perfection. Des points qui auraient gagné à être développée plus tôt.

En dehors d'une complexité de façade (finalement, il ne s'agit que d'une quête de pouvoir teintée de vengeance) durant la majeure partie de l'intrigue, Texhnolyze profite d'une atmosphère unique magnifiée par une réalisation absolument somptueuse. Caméra nerveuse, angles approximatifs, cadrage excentré et mise en abîme d'un environnement désolé sont autant d'atouts qui oppressent le spectateur devant les images. Ajoutons à cela, des symphonies malsaines (trompettes lancinantes, guitares éraillées…) et l'on se retrouve face à climat nébuleux et angoissant digne de Twin Peaks (ce constat valait déjà à l'époque pour Lain, même si l'on dénotera quelques différences dans leur agencement).


Images floues, contours incertains, les effets de style ne manquent pas et sont saisissants.

Le nom de Yoshitoshi Abe étant en tête de procession, le visuel est au-dessus de toute critique. L'image granuleuse, les contours flous alimentent des couleurs saturées (il s'agit d'un éclairage artificiel pour donner l'illusion du jour) qui imprègnent littéralement chaque recoin de Lux. C'est beau, rectification sublime, tant les détails apportés à chaque plan, chaque situation entretiennent l'aura de l'anime. Il réside néanmoins un bémol de taille : les quelques images de synthèse. Notamment, ces intermèdes avec les rails d'un chemin de fer qui font vraiment tache au milieu de cette effervescence artistique ou les différentes interventions des libellules qui auraient gagné à se fondre en 2D dans le paysage.

Pour ce qui est des personnages, la caractérisation tend à se perdre dans un mystère trop prégnant. Rendre les protagonistes énigmatiques n'est pas un défaut, mais sur la longueur, cela les déshumanise considérablement. Ichise, jeune homme torturé, qui parle peu et préfère les beuglements ou les oeillades de bovidés. On a du mal à le trouver attachant et cela se confirme avec les seconds rôles. Certes, cela peut aider à faire le parallèle avec la texhnolyzation (le rapport de l'homme à la machine, où commence l'un quand s'arrête l'autre ?), mais ce côté froid et impassible ne contribue pas à nous sentir concernés par les événements.


Texhnolysation !

Bref, Texhnolyze n'est pas exempt de reproches. L'on pourrait arguer un récit pas si compliqué que cela, une caractérisation en dents de scie des plus approximatives. Qui plus est, certains aspects de l'intrigue sont trop vite expédiés ou relégués au second plan. Cela peut paraître maladroit, voire handicapant et pourtant, le visuel léché proche de la perfection et cette ambiance digne de David Lynch rattrape sans difficulté ces errances. On se retrouve littéralement transporté dans cet univers indéterminé à l'époque tout aussi énigmatique. Il en ressort un anime réussi qui aurait pu prétendre au statut de chef d'oeuvre sans les quelques défauts suscités.

Portrait de Dante_1984

A propos de l'auteur : Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

Autres critiques

A Girl Walks Home Alone at Night

A Girl Walks Home Alone at Night

Récompensée du Prix Kiehl's de la Révélation au Festival du cinéma américain de Deauville de 2014, Ana Lily Amirpour ( The Bad Batch ) tentait pourtant un pari risqué en donnant à son métrage des aires de film d’auteur sur fond de romance vampirique. Combinaison alléchante ou rebutante, au choix. Qu’importe, car la réalisation inspirée et le bon goût de sa narration méritent que l...
Poltergeist

Poltergeist

Quatrième long-métrage tourné par Tobe Hooper pour le cinéma, Poltergeist représente un sommet dans la carrière du réalisateur de Massacre à la tronçonneuse . Produit et scénarisé par Steven Spielberg, Poltergeist marque une certaine rupture de ton avec les précédents films de son réalisateur, tout en restant dans le registre de l’horreur et de l’épouvante. L’action se déroule dans une banlieue...
Mr. Brooks

Mr. Brooks

Homme d'affaires reconnu, mari et père de famille apprécié, Earl Brooks cache en fait un sombre passé. Un soir, il sort et tue un couple, renouant avec ses démons. Peu évoqués au cinéma par le passé (même si Norman Bates avait jeté les bases de cet être moderne monstrueux dans la sage culte des Psychose (1960), avant que Thomas Hewitt, alias Leatherface, lui offre un visage moins humain que...
The Fury

The Fury

*** Attention spoilers *** Deux ans après Carrie au bal du diable , Brian De Palma poursuit sa lancée dans le fantastique en traitant à nouveau de jeunes gens dépassés par leurs pouvoirs surnaturels. Tout commence dans une station balnéaire en Israël où deux vieux amis, Peter Sandza et Ben Childress, respectivement campés par Kirk Douglas et John Cassavetes, discutent du départ en retraite du...
Night Monster

Night Monster

Encore auréolées du succès des films de monstres au début des années 1940, les productions hollywoodiennes s’essayent à de nouvelles pistes d’exploration en matière de frissons cinématographiques. À l’époque, le thème de la maison hantée est généralement tourné en dérision avec des comédies pseudo-horrifiques. Idée reçue que l’on entretient ou délaisse à travers des huis...

Devinez le film par sa tagline :

Les Frères Frog sont de retour pour le sang.
Score actuel : 0
1 pt par bonne réponse, sinon -1 !