Festival de Gérardmer 2015 - Compte-Rendu

Hors compétition, Le Projet Atticus a particulièrement retenu notre attention. Mis en scène par Chris Spurling, scénariste de Buried, le long-métrage de Rodrigo Cortes, Le Projet Atticus est l’un des meilleurs found footage sorti ces dernières années, variation à partir d’un certain cinéma américain des années 1970. Jouant sur l’atmosphère paranoïaque des films de conspiration, le long-métrage suit les expériences du docteur Henry West dans le cadre d’un institut spécialisé dans la parapsychologie, durant la période de la Guerre froide. Lorsque le médecin reçoit une nouvelle patiente, dénommée Judith Winstead, il comprend instinctivement que cette dernière est un cas bien à part. Alors qu’elle semble comme possédée par une force obscure, Henry West fait appel au ministère de la Défense, qui fait subir des expériences douloureuses à la jeune femme et étouffe l’affaire. Ici, le dispositif du found footage (c’est-à-dire le fait de prendre pour vrai des rushes soi-disant retrouvés) est en adéquation totale avec le style du film. On a l’impression de se replonger dans une époque, les années 1970, où la question de l’image, la conspiration, les mensonges de la machine étatique, étaient des thèmes récurrents d’un certain cinéma de genre (notamment les œuvres d’Alan J. Pakula comme A cause d’un assassinat, Les trois jours du Condor de Sydney Pollackou encore Conversation secrète, de Francis Coppola, palme d’or au festival de Cannes en 1974). Le found footage vient ici soutenir le thème du film, accentuant la patine conspirationniste qui englobe l’entièreté du récit.

 

C’est exactement l’inverse qui se produit dans le found footage Exists, également présenté hors compétition, mis en scène par Eduardo Sanchez, coréalisateur du Projet Blair Witch il y a près de quinze ans. On suit les pérégrinations d’une bande de potes en vacances, quelque part au fin fond des Etats-Unis. L’un d’eux, youtuber par excellence, décide de filmer ces quelques jours de retraite pour poster ses vidéos sur Internet. Or, tous les cinq vont tomber nez-à-nez avec un Bigfoot, animal mythique supposé vivre dans la forêt états-unienne. La mise en scène est d’une pauvreté affligeante, rendant illisible la plupart des séquences. Bref, à réserver aux amateurs chevronnés de found footage ou ceux qui supportent une image tremblotante durant près d’une heure et demi. Pour les autres, passez votre chemin.

Si la nouvelle œuvre d’Hideo Nakata est évidemment mieux troussée, elle ne nous a pas terriblement emballé, c’est un euphémisme. Mais qu’est devenu le réalisateur de Ring ou Dark Water ? Si sa précédente tentative, sélectionnée à Gérardmer en 2012, The Complex, n’était déjà pas renversante, son dernier long-métrage risque de décevoir les fans les plus hardcore de son œuvre. Cette fois, dans Monsterz, Nakata reprend grosso modo la trame d’Incassable, de Michael Night Shyamalan, faisant s’affronter deux individus doués de pouvoirs paranormaux, dans les rues de Tokyo. Tour à tour comédie potache et film d’aventures, Monsterz ne choisit jamais réellement sa voie. Ce faisant, la drôlerie qui s’en échappe ne semble pas réellement construite par le réalisateur mais, au contraire, constitue la contrepartie de l’indigence du récit et de la mise en scène. Bref, un film par instant nanardesque, qui pourrait à la limite faire l’affaire pour une bonne vieille soirée pizza-bière.

Tout le contraire de Out of the Dark, beau film présenté hors compétition, écrit par les frères Pastor, metteur en scène des intéressants Infectés et Les derniers jours. Mis en scène par Lluis Quilez, chef de seconde équipe sur le tournage d’Insensibles de Juan Carlos Medina, Out of the Dark est typique du cinéma de genre espagnol, reliant une histoire familiale, intime, à une trame historique de plus grande ampleur. Paul et Sarah Harriman, un jeune couple, débarque en Colombie avec leur fille Hannah. Alors qu’ils viennent tout juste de s’installer dans leur grande demeure, située à l’écart de la ville, Hannah est attaquée par d’étranges forces, qui se déchaînent à l’occasion d’une fête nocturne locale. Manifestement influencé par Insensibles et L’orphelinat, quant à lui réalisé par Juan Carlos Bayona, Out of the Dark s’attache au parcours d’une famille qui découvre qu’une malédiction a touché certains enfants du village voisin et s’abat sur leur propre fille. Si l’on peut par instant regretter le caractère téléphoné de certains de ces arcs narratifs, le premier long-métrage de Lluis Quilez bénéficie de personnages habités, d’une mise en scène soignée et immersive. S’il ne rivalise peut-être pas avec ses modèles, Out of the Dark est une œuvre forte et réussie.

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