Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg - Compte-rendu 2013

Dans la catégorie des films-concepts artificiels, In Fear se pose là. Tom prétexte un festival de musique pour inviter Lucie à passer une nuit dans un hôtel de charme isolé. La route est sinueuse, les chemins se ressemblent ; nos deux tourtereaux se perdent dans la forêt. Et quelqu’un, ou quelque chose, semble les observer. Le premier film du réalisateur britannique Jeremy Lovering tente un pari complexe : tenir le spectateur en haleine à l’aide d’un récit qui se contente de proposer une ballade en voiture. Pendant la première heure, le spectateur a l’extrême chance de contempler un couple scrutant des panneaux de signalisation – c’est évidemment d’un intérêt palpitant ! – sans même qu’il n’y ait de réelle montée de l’effroi. Ainsi, lorsque survient le twist central, supposé sortir le film de sa lenteur initial, il est trop tard pour sauver le spectateur de l’ennui dans lequel il est alors englué depuis si longtemps. La mise en scène, qui n’offre jamais de point de vue particulier, oscille également entre des passages en extérieur caméra à l’épaule et d’autres séquences à l’intérieur de la voiture où les dialogues en champ-contrechamp sont à la fois convenus et interminables. Bref, aucun réel point de vue ne permet de transcender la vacuité du récit principal. Présenté comme un Home Invasion dans une voiture, In Fear rappelle combien les idées ne sont rien tant qu’une mise en scène ne leur donne pas vie.

 

Bad Milo !, du cinéaste américain Jacob Vaughan, est une comédie directe et fun plutôt réussie. Duncan, quadragénaire stressé par sa vie professionnelle et sa vie de couple, souffre de maux d’estomac particulièrement douloureux. Il consulte un hypnothérapeute qui découvre que le corps de Duncan (son colon, pour être précis !) abrite en réalité un petit monstre qui, chaque nuit, s’échappe et massacre certaines personnes proches du héros. Monster movie vintage, Bad Milo ! est une comédie horrifique réjouissante et un hommage au fantastique des années 80 : on pense à E.T. de Spielberg (vu la tronche du monstre, c’est assez logique), à des œuvres comme Reanimator de Brian Yuzna ou même Shining  de Kubrick. De surcroît, il se dégage aussi du long-métrage une dimension humaine assez touchante, que ce soit par le biais du personnage de l’hypnothérapeute (incarné de façon génialement théâtrale par Peter Stormare) mais également par certaines scènes durant lesquelles une relation plutôt émouvante se noue entre le héros et son monstre.Bad Milo !, taillé pour des soirées pizza/bière entre potes, est une comédie décalée sincère et intègre, bien qu’elle n’atteigne pas certains sommets du genre. C’est d’ailleurs peut-être le problème essentiel du film, si l’on prend un peu de distance et de hauteur de vue. Dans les années 80, une œuvre de cette nature n’aurait certainement pas été accueilli avec autant de chaleur, à une époque où la production horrifique était beaucoup plus prolixe en projets barrés et irrévérencieux.

Marvin Kren, jeune réalisateur allemand, était déjà venu à Strasbourg il y a trois ans pour présenter Rammbock, première œuvre assez bluffante qui mélangeait film de zombie hommage au Fenêtre sur cour d’Hitchcock. Son film suivant, The Station, était présent cette année dans le cadre de la compétition officielle. Janeck, technicien dans une station d’observation des Alpes, découvre un glacier entièrement recouvert d’un liquide rougeâtre d’origine inconnue. Alors que le Ministre de l’Environnement est en route pour visiter la station, Janeck et ses collègues s’aperçoivent que ce liquide a des influences nocives sur les animaux qui le consomment et les transforme en monstre. The Station est une reprise un peu trop voyante du cultissime The Thing de John Carpenter : atmosphère enneigée, dissensions entre les membres de la station de montagne, jeu sur l’espace et la claustrophobie. Pire, le metteur en scène allemand reprend à l’identique certains ressorts narratifs de l’œuvre de Carpenter : le chien de la station est le premier touché par la contamination qui se développe peu à peu dans la station, de la même manière que dans le film de Carpenter. De plus, Marvin Kren ne parvient jamais à retrouver la puissance de la mise en scène de son premier long-métrage : lors des séquences d’action, la caméra tremble de façon épileptique, rendant par là même illisibles la plupart des assauts du monstre. Bref, si on a envie d’aimer le film en raison du cinéma auquel il rend hommage, il est clair que Marvin Kren ne confirme malheureusement tout le bien que l’on pensait de lui à la suite de son premier film.

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