Amityville : La maison du diable
Aux yeux d’un public non averti, comme des amateurs de phénomènes paranormaux, Amityville est l’un des plus célèbres cas de maisons hantées au monde. Partant d’un fait divers sordide, puis de l’emménagement de la famille Lutz, la « maison du diable » a défrayé la chronique et continue de partager les partisans de l’arnaque et ceux de la hantise avérée. D’un point de vue pragmatique, les arguments se valent d’un côté, comme de l’autre, et ne permettent pas de faire la lumière sur le mystère qui entoure le 112 Ocean Avenue. Après la publication et le succès du livre de Jay Anson, le premier métrage de la saga posait les bases d’un mythe populaire. Le film de Stuart Rosenberg préserve-t-il son statut de classique ?
La maison aux fenêtres qui rient ?
Pour le cinéma de genre, la fin des années 1970 a été marquée par L’Exorciste, véritable révolution dans le paysage cinématographique de l’époque. Or, si le présent film traite du diable également, son approche sera beaucoup plus psychologique, car moins explicite dans ses manifestations. Ici, il ne se sera pas question de possession à proprement parler, même si l’altération de la personnalité de George Lutz est perceptible. De même, l’ambiance insidieuse est comparable à la vision du mal tel que dépeinte dans La Malédiction. L’atmosphère anxiogène tient surtout au fait que le « démon » ne craint pas Dieu et encore moins ses représentants.
Loin de plier sous le signe de la croix ou de l’aspersion d’eau bénite, l’entité dégage non seulement une influence néfaste sur le cadre familial, mais est en mesure d’interagir avec la réalité. Hallucinations, malaises, accidents de la route fortuite et autres manifestations tendent à rendre la menace plus tangible qu’aux premiers abords. Il n’est donc pas uniquement question d’esprits frappeurs ou de poltergeists, mais d’une hantise beaucoup plus pernicieuse, car celle-ci touche à des croyances religieuses et à la symbolique christique afférente. Pourtant, le propos dépeint ne sera pas aussi clairement établi au fil de la trame narrative.
Le seigneur des mouches !
Fort des différentes influences et des témoignages contradictoires sur l’affaire d’Amityville, l’histoire tend à s’éparpiller vers de nombreuses directions. Preuve en est avec l’évocation de John Ketcham, figure emblématique du folklore local, d’un cimetière indien ou encore de rituels occultes. On peut également s’attarder sur les investigations avortées de l’inspecteur Gionfriddo qui n’ont pas de véritables impacts sur la suite des événements. Après une relecture des faits, le film de Stuart Rosenberg préfère condenser les plus folles rumeurs sur la maison plutôt que de se contenter d’une seule et unique hypothèse. Avec le temps, il en ressort un sentiment d’inachevé en l’absence d’un parti pris autre que les phénomènes paranormaux au sens large du terme.
Cela est d’autant plus préjudiciable que les différentes manifestations relatées par les Lutz ont fait l’objet d’une retranscription méticuleuse. La période temporelle est respectée et permet de graduer la montée en puissance des événements surnaturels. On songe au réveil soudain à 3 h 15, heure du crime des DeFeo, à la présence qui tourne autour de la petite Amy, à la venue inopportune du père Delaney ou encore à l’infestation de mouches. Échelonnés sur près de deux heures, ces éléments demeurent assez fluctuants dans le sens où certains justifient plus un départ ou une prise de conscience que d’autres. Ce n’est pas tant leur accumulation que leur violence et leur persistance qui amènent les Lutz à fuir.
Finalement, ce n'est pas la maison qui est coupable, mais Annabelle (la vraie) !
S’il reste un film d’épouvante de qualité à bien des égards, Amityville – La maison du diable a quelque peu perdu de sa superbe avec le temps. La faute à un scénario inconstant dont les faiblesses sont plus évidentes que par le passé. On regrette notamment cet atermoiement agaçant sur les différentes rumeurs colportées, et par conséquent retranscrites, sur l’affaire Amityville. Le traitement est volontairement lent et privilégie des manifestations paranormales progressives dans leur récurrence, chaotiques dans leur ordre d’importance. La qualité d’interprétation et l’ambiance oppressante qui touche au cadre domestique (et aux valeurs familiales) persistent néanmoins. Le film se révèle donc plus mystérieux que réaliste, et ce, en dépit de son point de vue subjectif d’une histoire vraie.
Un film de Stuart Rosenberg
Avec : James Brolin, Margot Kidder, Rod Steiger, Don Stroud