Arachnophobie
L’araignée est sans doute l’animal qui caractérise le mieux une phobie, car elle demeure une peur universelle. Très tôt, le cinéma s’est approprié l’idée. Cependant, les métrages en question jouaient davantage la carte du catastrophisme, comme le démontraient Earth Vs The Spider ou Tarantula. Pour l’époque, le résultat s’avérait assez sensationnel tout en se basant sur des craintes bien plus tangibles, comme un conflit nucléaire et les dangers de l’atome sur le vivant. Arachnophobie est l’un des rares films sur le sujet où le traitement se veut plus réaliste. Cela tient également à préserver l’échelle véritable des arachnides et non à les affubler d’une taille grandiloquente.
Sacrée toile de fond pour un décor !
Et c’est bien sur ce réalisme que s’appuie la trame. Contrairement à bon nombre d’itérations similaires, le scénario demeure cohérent et soigne son entrée en matière avec une expédition en pleine Amazonie vénézuélienne. Le cadre est exotique et a le mérite de présenter les araignées dans leur environnement naturel tout en amenant le sujet vers le cœur du problème. Cette fois-ci au sein d’une petite bourgade des États unis. Bien que certains aspects soient convenus et rendent le tout linéaire, on a droit à une progression qui prend le temps de développer ses personnages, loin des poncifs éculés du genre, ainsi que son contexte à travers une modeste communauté.
La tension latente s’axe sur plusieurs niveaux. À commencer par une série de morts suspectes, du moins aux yeux du protagoniste et du spectateur. Les décès sont soudains et succèdent à une mise en scène qui emprunte le point de vue des arachnides. Il n’est pas question d’aborder une vue subjective, mais de poser la caméra où plus près des animaux pour suggérer l’angoisse désirée. Pour cela, leur intrusion exploite parfaitement l’environnement domestique. Sans susciter le moindre doute chez les victimes, les araignées s’insinuent dans des endroits aussi banals qu’anodins. On songe à la lampe de chevet, la pantoufle ou le casque de footballeur pour ne citer que les passages les plus marquants.
Quand l'araignée Gipsy est en plein conciliabule avec une poupée...
De même, certaines approches aiment à suggérer le pire tout en offrant un revirement de dernière minute. Les effets fonctionnent grâce à la bande-son et avec un usage réduit des trucages. De nombreux plans montrent de véritables araignées. Le procédé permet au film de bien vieillir. Pour les confrontations les plus violentes ou celles mettant en scène la mygale Goliath, il y a bien des animatroniques, mais leur présence n’altère en rien la qualité générale. Certaines victimes pâtissent néanmoins de doublures avec des visages de cire qui, eux, paraissent bien plus désuets que leur homologue à huit pattes.
Si le ton reste assez sérieux au fil de l’histoire, on note toutefois quelques aspects humoristiques. Cette légèreté se retrouve essentiellement en la personne de John Goodman qui dispose de sa propre musique d’entrée pour introduire son personnage, Delbert McClintok. Une manière de dédramatiser la gravité de la situation à travers un comportement et des réparties décalés. En ce sens, la dernière partie est bien plus expansive et s’oriente vers un traitement frontal pour rendre l’infestation spectaculaire. Une sorte de point d’orgue à une montée en tension qui se voulait, jusqu’alors, plus psychologique qu’explicite dans ses intentions.
A force de regarder des programmes décérébés, ça leur pendait au nez.
Au final, Arachnophobie demeure une référence en matière de survival animalier où les araignées ont le beau rôle. Sous couvert d’une approche réaliste, le film de Frank Marshall bénéficie d’un traitement soigné afin de crédibiliser ses propos. Entre une invasion latente, des morts suspectes et des investigations qui démarrent sur le tard, on a droit à un scénario cohérent, et ce, malgré certains éléments convenus. En l’occurrence, la peur des araignées est ici parfaitement retranscrite. Les séquences parviennent à représenter leur capacité de prédation, mais aussi leur manière de se propager dans un environnement donné. De fait, l’aspect irrationnel de la phobie des premiers instants débouche sur des considérations bien tangibles par la suite. La recette fonctionne toujours autant, et ce, en dépit des années.
Un film de Frank Marshall
Avec : Jeff Daniels, Harley Jane Kozak, John Goodman, Julian Sands