Voir la fiche complète du film : Evil Boy (Olga Gorodetskaya - 2019)
[[

Evil Boy

Un thriller horrifique qui présente une ambiance anxiogène assez soignée, ainsi qu’un fond psychologique correctement développé. Malgré un traitement tendu dans son ensemble, l’histoire perd cependant en crédibilité à cause d’une progression évasive et moins méticuleuse à l’approche de son dénouement. Cela sans compter de rares effets numériques ratés et dispensables au vu des (bons) choix de mise en scène entrepris par la réalisatrice.
Publié le 5 Février 2020 par Dante_1984Voir la fiche de Evil Boy
6

En considérant les productions qui parviennent à se frayer un chemin jusqu’à nos contrées, le cinéma russe est pour le moins démonstratif dans sa mise en scène. Qu’il s’agisse de films d’action,de fantastique ou même d’horreur, l’expansivité soviétique tient à un rythme frénétique et des effets visuels en pagaille qui confèrent presque à l’esbroufe. Outre la saga Night Watch, des métrages tels que L’Éclair noir, La Légende de Viy ou Guardians sont assez représentatifs de ce constat. En revanche, il est plus rare de pouvoir apprécier un film d’horreur qui prône avant tout l’aspect psychologique de son intrigue et non la connotation spectaculaire d’éventuels phénomènes paranormaux.

De la mauvaise graine sur quatre pattes ?

Et c’est précisément ce que propose Evil Boy. Comme son titre l’indique, le premier long-métrage d’Olga Gorodetskaya se penche sur un sujet éculé dans le domaine du thriller horrifique: les enfants diaboliques. Lorsqu’elle est bien amenée, cette thématique interpelle sur la notion de mal en tant que valeur innée ou acquise. Naît-on foncièrement mauvais ou le devient-on en fonction de son éducation ou d’un contexte social spécifique? On se souvient de références marquantes en la matière, comme Les Innocents, Le Village des damnés, La Malédiction ou, plus récemment, Eden Lake, The Children, sans oublier Le Cas39. Autant d’exemples qui traduisent la difficulté de s’insinuer dans un domaine si bien pourvu.

Sans doute est-ce l’une des raisons pour que la présente intrigue prenne le problème à rebours. L’approche est foncièrement différente des films précédemment évoqués, car le background, somme toute dense, privilégie un développement tragique. Afin de rendre le prétexte crédible, le scénario insiste sur la douleur que provoque la disparition de sa progéniture. La caractérisation explore donc les failles psychologiques des parents confrontés à ce drame. L’impossibilité de faire leur deuil, le refus de l’évidence, la volonté de nourrir un espoir, même ténu... Autant de mécaniques évoquées qui se mettent en place. Sur ce point, Evil Boy demeure remarquable de maîtrise.

L'échographie du bonheur !

De même, on peut saluer le fait de brouiller les pistes sur l’origine de cet enfant sauvage. On songe tour à tour à un garçon contraint de survivre en pleine forêt, à une forme d’autisme exacerbé, ainsi qu’à une nature démoniaque. Cela tient autant à son comportement qu’au bref clin d’œil de son patronyme, Damien. D’ailleurs, le prénom n’est guère anodin, car il accentue l’amalgame avec le fils disparu. On s’interroge alors sur le rôle de substitution et la part d’individualité de chacun. Le fait d’imiter une conduite similaire pour «plaire» va aussi en ce sens, jusqu’à semer le doute dans l’esprit des protagonistes et du spectateur. Et si leur fils présumé mort était revenu?

Il est d’autant plus regrettable que le film ne joue guère de constance. À force de multiplier les pistes et les hypothèses plausibles, la narration se perd dans quelques considérations évasives quant à l’origine de ce garçon. Cela se traduit par des invraisemblances comportementales où le rapport affectif avec la mère et le père s’inverse. On notera que le renversement des valeurs est à la fois implicite et explicite à travers la volonté de nuire de l’enfant, mais aussi du passage de l’amour inconditionnel à la crainte irrationnelle pour la mère. En ce qui concerne le père, on évoque cette évolution par un scepticisme clairement affiché, puis par une connivence plutôt inattendue et discutable.

Le passage à la salle de bains est toujours délicat pour les enfants en bas âge...

En cause, des évidences qui n’altèrent en rien le comportement de l’un ou de l’autre et des investigations qui mettent en avant la menace latente de conserver la garde du garçon. On peut également s’attarder sur un épilogue précipité qui, malgré une explication intéressante, bâcle sa portée à travers deux ou trois séquences beaucoup trop vite expédiées. Quant aux trucages et images de synthèse, ils se révèlent pathétiques et assez maladroits. Il aurait été préférable d’en faire l’économie pour préserver la qualité de cette atmosphère anxiogène; de l’orphelinat isolé à l’écrasante présence des tours de béton de Moscou. À noter quelques effets de mise en scène bien sentis qui jouent sur les perspectives des lieux et les contre-plongées pour mieux souligner la perte de repères.

Au final, Evil Boy est une production russe qui sort du lot dans le sens où l’aspect psychologique est privilégié. Il en émane une première moitié assez saisissante où les personnages, assez peu nombreux, sont bien campés, notamment dans la détresse émotionnelle qu’ils suggèrent. Le mystère qui gravite autour de l’enfant est également bien amené. Malheureusement, le film d’Olga Gorodetskaya souffre de maladresses que l’on incombe à un manque d’expérience. On songe essentiellement à la continuité de la narration qui tend à s’éparpiller aux quatre vents et à des interactions qui perdent en cohérence sur le rapport affectif de l’enfant. Dommage, car l’aspect maléfique de ce dernier, sciemment mis en retrait, présentait une approche assez singulière de son sujet.

A propos de l'auteur : Dante_1984
Portrait de Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

Autres critiques

Saint
Au Pays-bas, tout comme dans ma Belgique natale, Saint-Nicolas est une institution au moins aussi populaire que le Père Noël, si pas plus. Basée sur une personne ayant réellement existé, Nicolas de Myre, la légende veut qu'il aurait ressuscité trois enfants tués par un boucher. Ce faisant, il est devenu le protecteur des enfants, des veuves et des gens faibles. Bref, un personnage...
La Famille Addams : les Retrouvailles
Le problème d'un film comme La famille Addams : Les Retrouvailles c'est qu'en plus de passer après deux excellents films qui avaient eu droit aux honneurs des salles obscures, il se retrouve destiné directement à la télévision. Et même si un téléfilm n'est pas forcément plus mauvais qu'un film de cinéma, que du contraire, avoir à la réalisation un tâcheron comme Dave Payne (...
Les Chroniques d'Erzebeth
Au même titre que les créatures mystiques et mythologiques, les légendes urbaines et les légendes historiques avec une pointe de mysticisme et de surnaturel ont toujours plu et attiré les pires hypothèses. On pense invariablement au prince Vlad Tepes dit l'Empaleur et qui sera renommé Dracula par la suite et qui donnera naissance au mythe des vampires. L'Europe de l'Est est vraiment...
L'Etrange pouvoir de Norman
Norman, un garçon capable de parler aux morts, est contraint de sauver sa ville d'une malédiction séculaire qui a ressuscité des zombies. Premier long-métrage pour Chris Butler (Sam Fell ayant déjà réalisé Souris city) dont il signe également le scénario, L'étrange pouvoir de Norman s'offre les services de la société de production Laïka (Coraline). Un studio pas vraiment connut, mais...
Dark Hour, The
**Attention, cette critiques contient quelques spoilers.** Une poignée de survivants d'une guerre bactériologique considérable se terre dans des sous-terrains envahis par divers dangers. Le cinéma de genre ibérique se porte bien. Après quelques tentatives érotico-fantastiques assez fantaisistes durant les années 60-70 (cf les filmographies de Jesus Franco et de Jacinto Molina), le cinéma espagnol...
Evil Boy
Réalisateur:
Durée:
90 min.
6
Moyenne : 6 (1 vote)

EVIL BOY Bande Annonce VF (2020)

Thématiques