Killing Ground
« Et si on allait camper ? » Quelle drôle d’idée ! Presque aussi bonne que de se séparer pour aller voir d’où provient ce « bruit bizarre ». À ce sujet, Killing Ground, première réalisation de Damien Power, nous rappelle quelque chose que l’on savait déjà : à la maison, devant sa TV, on est bien.
Un jeune couple décide de passer la nuit du Nouvel An en tente. Inhabituel, on est d’accord, mais c’est vrai que l’endroit — une petite plage bordant un lac d’eau douce — a beaucoup de charme et surtout, les voisins ne sont pas bruyants. Car oui, il y a une autre tente non loin de là et toute la question va être de savoir ce qui est arrivé aux anciens occupants.
En témoigne le paysage horrifique actuel, le surnaturel séduit le public moderne en exploitant, la plupart du temps, notre peur de l’inconnu, de ce qui nous dépasse, de ce que l’on ne maîtrise pas. En revanche, Killing Ground se livre à un exercice plus délicat, à savoir foutre les miquettes, ou du moins créer le malaise, en révélant les facettes les plus noires de la personnalité humaine. On assiste donc à une violence glaciale et complètement désinvolte nous acculant au mur et nous poussant à nous questionner sur notre rapport à celle-ci. Alors qu’on félicite nos héros de blockbuster de massacrer leurs assaillants par centaines, d’autres œuvres nous font redescendre sur terre en nous secouant les tripes grâce aux actes immoraux capturés dans la bobine.
Finalement, a-t-on réellement peur ? On ne craint pas, bien sûr, la venue d’un croque-mitaine hors de la nuit, mais le frisson lié au réalisme des scènes est, quant à lui, bien réel, et ce, sans jamais tomber dans une distribution abusive d’hémoglobine. Le générique de fin arrive et, avec lui, le rappel qu’il ne s’agit là que de fiction, car Killing Ground a réussi à nous le faire oublier à l’instar d’autres productions du genre comme le Green Room de Jeremy Saulnier (Murder Party, Blue Ruin), La Dernière maison sur la gauche de Wes Craven (Le Sous-sol de la peur, Scream) ou évidemment le sublime Eden Lake de James Watkins (La Dame en noir). Avec une approche transgressive et la volonté louable de bousculer son spectateur, le film est, par contre, loin de faire du zèle en termes d’écriture. Si l’effet coup-de-poing ressenti s’avère efficace, il n’en reste pas moins un cache-misère d’un scénario un peu pauvre pour ne pas dire paresseux.
L’empathie envers les victimes est immédiate, car on parvient facilement à s’identifier à elles, de par leur simplicité et leurs réactions emplies d’humanité, avec leurs moments de bravoures comme de faiblesses. Inversement, les antagonistes manquent de profondeur et leurs motivations restent parfois obscures, en dehors du prestige de se comporter comme de bons gros enfoirés. Cette avarice en explications est peut-être aussi volontaire pour nous rappeler certaines raclures de ce monde qui, elles non plus, ne prennent pas souvent la peine de se justifier. La frontière entre le cinéma et la réalité est parfois mince.
Brutal, sans concessions envers ses personnages comme envers son public, ce petit budget mérite de l’intérêt et son visionnage est recommandé aux amateurs avertis. Il ne dépasse cependant pas le niveau de divertissement « sympathique, sans plus… » compte tenu de son scénario trop léger non compensé par son propos pourtant poignant. Le cinéphile endurci n’y verra rien de nouveau sous le soleil.
Un film de Damien Power
Avec : Harriet Dyer, Maya Stange, Tiarnie Coupland, Stephen Hunter