L'exorcisme de Hannah Grace
Que l’on parle d’exorcisme ou de possession, le sujet fait les beaux jours du cinéma de genre depuis les années1970. En marge de la saga de William Friedkin, les productions se sont essayées à de nombreuses itérations avec un résultat plus ou moins convaincant. Sous forme de found footage (The Devil Inside, Le dernier exorcisme...) ou de métrages classiques (Possédée, L’exorcisme d’Emily Rose...), les codes restent néanmoins similaires. On songe à une symbolique religieuse particulièrement prégnante, la sempiternelle confrontation entre le bien et le mal, mais également cette propension à introduire le paranormal dans les strates d’une réalité très rationaliste.
Avec un tel titre et une entame tout aussi évocatrice, L’exorcisme d’Hannah Grace semble s’inscrire dans cette droite lignée de films un rien traditionnel et conservateur dans leur appropriation du thème. Et les premiers instants mettent immédiatement dans l’ambiance avec une séquence d’exorcisme qui, en d’autres circonstances, serait le point d’orgue de l’histoire et non son commencement. De fait, on peut s’attendre à un retour en arrière ou un quelconque subterfuge temporel pour découvrir les tenants de l’affaire. Or, Diederik Van Rooijen se détourne sciemment de l’habituel schéma narratif pour attaquer son scénario sous un angle différent.
En cela, on ne peut que saluer ce choix risqué qui prend à contre-pieds les a priori des spectateurs. Pour accentuer le clivage, on situe l’action dans une morgue dont le décorum est aussi grandiloquent qu’écrasant. Le lieu est un personnage à part entière tant il joue un rôle prépondérant pour développer une atmosphère oppressante. La solitude du protagoniste, quelques éléments perturbateurs et presque autant de silences pesants contribuent à rendre le cadre assez glauque. Cela sans compter sa fonction première pour remiser des cadavres en plus ou moins bon état, comme l’atteste la curieuse dépouille d’Hannah Grace.
Seulement, on se heurte à plusieurs problèmes dans son traitement. À commencer par une gestion du rythme indolente qui se focalise uniquement sur l’attente de manifestations dérangeante. Là encore, les éclairages automatiques des larges corridors s’allument en détectant des mouvements. En lieu et place d’une utilisation parcimonieuse, l’astuce est ici surexploitée à tel point d’amalgamer présence matérielle et surnaturelle. Un choix sans doute volontaire, mais l’effet suggéré s’étiole à force de répétitions outrancières. Quant aux jumps-scares, ils ne sont pas forcément de circonstances et, au vu de leur prévisibilité, ce n’est pas un mal.
On notera également quelques approximations au niveau du scénario. Certains passages tendent sciemment à perdre le spectateur dans des considérations spatiales et temporelles impossibles. Pour autant, ceux-ci trouvent une justification plutôt originale et assez bien amenée pour présenter un cas de possession démoniaque. Néanmoins, il est à regretter l’absence d’attention portée sur des éléments clefs, comme l’apparente invulnérabilité de Megan face au démon. Il y a bien un indice, mais rien qui s’affirme par la suite. De même, les assassinats s’avèrent violents et «tendus», mais ils sont répétitifs; eu égard à la fâcheuse manie d’Hannah Grace d’écarteler ses victimes jusqu’à briser leurs os.
Au final, L’exorcisme d’Hannah Grace présente un avis partagé. Là où son titre et son entame sont trompeurs, on découvre une évidente originalité de proposer un métrage différent des habituels films de possession. Pour cela, l’environnement reste bien exploité et sa démesure presque théâtrale offre une scène inédite pour le sujet. Pour autant, l’histoire n’est pas aussi maîtrisée qu’elle le laisse paraître. Il est à déplorer des problèmes de rythme récurrents qui s’attardent trop sur des passages anecdotiques et manquent de répondant pour des séquences essentielles. Les propos sur l’exorcisme, un rien cathartique pour notre protagoniste, sont détournés par un ton très psychanalytique. Il n’en demeure pas moins un fond assez banal dans ce qui est avancé. Preuve en est avec un épilogue bâclé. Du potentiel, mais perfectible à certains égards.
Un film de Diederik Van Rooijen
Avec : Stana Katic, Shay Mitchell, Grey Damon