Primeval
Adapté d'une histoire vraie, Primeval se présente comme un film de terreur animalier. Toutefois, il ne déroge pas aux codes du film d'aventures, de par ses splendides décors naturels, et ose même évoquer le cas épineux du Burundi, même si le doigt pointé à ce sujet contre le manque d'action du reste du monde est trop peu appuyé pour être réellement efficace. Néanmoins, le travail des scénaristes est tout de même méritoire, à l'heure où les films de ce genre ont souvent tendance à être le plus rudimentaire possible en matière d'histoire.
La base du film repose donc sur le légendaire Gustave, auteur présumé de plus de 300 morts au Burundi. Le saurien des marais n'a jamais autant inspiré le cinéma que le Grand Blanc de Jaws. La faute a son espace vital, moins grand que l'océan, et à la réputation de mangeur d'homme qui colle depuis toujours au requin. Toutefois, dès 1977, Tobe Hooper en faisait son monstre vedette dans Le Crocodile de la Mort, le succès des Dents de la Mer (1975) aidant. Il faudra attendre plus de vingt ans pour que le crocodile ait droit à un nouveau métrage digne de ce nom. Bien qu'étant très second degré, Lake Placid offrait un joli festin à tout fan de film de terreur animal digne de ce nom, les effets spéciaux nouvelle génération offrant de nouvelles possibilités au seigneur des marais.
Les effets numériques sont en effet l'épine dorsale de Primeval. Contrairement à bien des produits actuels, il faut avouer que Gustave est vraiment impressionnant. Ses déplacements sonnent juste (sauf lorqu'il est très à l'aise sur la terre ferme, en fin de métrage, de manière trop exagérée), sa voracité est jubilatoire et ses victimes sont éventrées de belle manière. Les effets gore sont du même acabit, de sorte que la réussite du film en matières de FX est indéniable, et apporte déjà bon nombre de scènes intenses, surtout lors des attaques nocturnes du saurien géant.
L'interprétation est également agréable. Entre un méchant qui a de la gueule (le célèbre second couteau Jurgen Prochnow) et un trio de héros sympathiques (issus en grande partie de l'univers télévisuel), l'osmose est assez évidente. Assez éloignée des héroïnes belles mais sans saveurs, Brooke Langton est convaincante, évitant les cris hystériques et les remarques à deux sous, face à un Dominic Purcell moins creux que le sempiternel sauveur de série B. Orlando Jones, enfin, possède ce côté sympathique qui doit coller à l'image de ce genre de personnage, secondaire mais attachant.
L'originalité supplémentaire de ce métrage réside dans le lieu de tournage. Souvent disposé dans les bayous de la Louisianne, le jardin du crocodile s'étend ici dans les fleuves africains. La couleur de la photographie passe donc des brouillards humides des marais à quelque chose de plus lumineux et de plus vaste. On pense évidemment à l'Anaconda qui voulait faire de J.Lo son dessert de choix. Mais là où le serpent semblait à sa place, la remarque n'est pas forcément aussi évidente pour le crocodile. L'aspect poisseux des bayous apporte en effet une dimension trouble qui colle bien à la personnalité du crocodile, et que l'on perd de vue ici.
Cela, ajoutée à une mise en scène trop sobre de Michael Katleman (Life on Mars), fait que le frisson ne passe jamais le relais à la terreur. Ainsi, malgré certaines qualités, Primeval ne semble jamais en mesure de dépasser le cadre de la plaisante série B.
Il est difficile d'expliquer ce sentiment qui nous tiraille à l'issue du visionnage de ce film. En effet, à brûle-pourpoint, les points positifs dépassent largement les négatifs. D'ailleurs, hormis un rythme parfois languissant, on ne peut pas trouver grand chose à redire à ce film, qui assure son carnet de route avec efficacité. Toutefois, il sera aussi périlleux de conserver un souvenir impérissable de ce long-métrage, certes honnête, mais ne disposant pas de ce petit grain d'originalité nécessaire à tout film souhaitant se différencier du reste de la meute.
Car, à l'heure où les direct-to-video et téléfilms pullulent dans le registre de la terreur animalière (la saga des Crocodile, par exemple), le plus dur est de marquer son territoire de manière impérissable. Le second degré présent tout au long de Lake Placid apporte un plus non négligeable, que Primeval ne possède pas, malheureusement.
Sans être un échec ou un nanar, assez éloigné également de l'idée du banal film de commande à l'esprit purement commercial, Primeval se définira comme un bon petit film du genre, mais il peinera à exister dans le bestiaire du film fantastique animalier, la faute, sans doute, à ce manque de ce petit grain de sel qui sépare souvent un bon travail d'une franche réussite.
Divertissant et assez riche visuellement, Primeval mérite tout de même qu'on y fasse escale, au moins le temps d'une soirée estivale.
Un film de Michael Katleman
Avec : Dominic Purcell, Brooke Langton, Orlando Jones, Jürgen Prochnow