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Shaft, Les Nuits Rouges de Harlem - Critique

La première aventure du célèbre héros de la blacxploitation...
Publié le 1 Janvier 2008 par GORE MANIAC
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John Shaft (Richard Roundtree), un détective noir américain, est engagé par un gangster pour retrouver sa fille, kidnappée par des hommes de main de la mafia, qui souhaite faire main basse sur Harlem.

Les années 70 voient au cinéma l'avénement de la blacxploitation, métrages à petit budget mettant en vedette des acteurs et des actrices blacks, en majorité pour un public noir américain. C'est Quentin Tarantino qui fera de nouveau émerger ce sous-genre cinématographique avec Jackie Brown, et son égérie Pam Grier, en 1997.  Mais, dans les seventies, la blacxploitation connaîtra aussi son heure de gloire avec la série des Shaft, initiée en 1971, qui connaîtra trois films et une série, avant d'avoir droit à un remake en 2000, avec Samuel Jackson, autre acteur fétiche de Tarantino.

Les années 70 marquent un tournant dans l'histoire noire américaine. Tout le monde se souvient, à l'heure de polémiques acerbes sur les futurs JO de Pékin, du point levé par le sprinteur Tommie Smith, à Mexico, en 1968, lors de la remise des médailles, pour le respect des droits de sa communauté aux Etats-Unis. En 1971, la tension est encore palpable sur les relations entre les communautés noires et blanches au pays de l'Oncle Sam et se retrouve dans le premier volet des aventures de Shaft, héros atypique comme on en connaîtra beaucoup durant cette décennie le cinéma américain (de Dirty Harry au Justicier en passant par d'autres polars âpres et radicaux).

Ce qui caractérise Shaft, c'est sa nonchalance travaillée face à ceux qui le dénigrent (cf la police locale, hormis Vic Androzzi) et ceux qui le haïssent (les Blacks Panthers). Planté au milieu de querelles éternelles entre deux clans, il fera de son mieux pour jouer les médiateurs, avec un sang-froid que retranscrit à merveille Richard Roundtree, acteur excellent, quelque peu oublié par rapport à un Sidney Poitier, mais pourtant très à l'aise dans son rôle fétiche de privé cool mais efficace.

D'emblée, la BO soul d'Isaac Hayes, oscarisée, nous met dans l'ambiance. Les rues de Harlem ont, certes, déjà été plus glauques, mais l'ambition de ce film est surtout de démontrer qu'il y a de l'espoir après des années de sinistre mémoire.

La mise en scène de Gordon Parks (qui réalisera aussi la suite, un an plus tard) est efficace et assidue, laissant la part belle au jeu des comédiens et à quelques répliques sarcastiques appréciables, la photographie, lumineuse et de qualité, apportant un plaisir indéniable à l'oeil exercé de tout amateur de série B qui se respecte.

L'intrigue principale (l'enlèvement de la fille d'un gangster par la mafia), ne s'insinue pas immédiatement, et ne sert en fait que de prétexte à une nouvelle plongée du héros dans un passé qu'il n'a jamais complètement quitté, et à des retrouvailles difficiles avec Ben, un ami d'enfance dirigeant un mouvement antiraciste radical, que Shaft désavoue quelque peu, self-made man habitué à la solitude du privé, version Marlowe.

Les galeries de personnages constituent un autre point fort dans ce métrage, d'une apparition remarquée d'Antonio Fargas (le fameux Huggy les bons tuyaux de la série Starsky et Hutch) à Charles Cioffi (le débonnaire flic), en passant par Christopher Saint John (un Ben un peu paumé mais courageux), sans oublier les mafieux et le méchant de service.

Entre deux scènes d'action vigoureuses (la scène finale est très soignée), Shaft manie avec brio humour, punch, ruse et charme, personnage à part dans une période où les films policiers mettaient surtout en valeur des êtres violents et sombres. Marginal et solitaire, Shaft est aussi assez secret, derrière son ironie, masquant tant bien que mal la rage contenue depuis une enfance difficile.

Contrairement à d'autres films du genre, Shaft aura droit à une belle reconnaissance, qui permettra ensuite aux Eddie Murphy (années 80) et autres Will Smith (depuis le milieu des années 90), de truster le haut de pavé hollywoodien, continuant, à leur manière, un combat initié depuis plusieurs décennies, pour obtenir une autre forme de reconnaissance, moins artistique, mais bien plus importante.

Polar de série B nerveux et cool, ce premier Shaft mérite incontestablement le détour, n'ayant pas pris la moindre ride à l'heure où les polars peinent quelque peu à trouver un second souffle (et surtout des héros forts et singuliers).

Portrait de GORE MANIAC

A propos de l'auteur : GORE MANIAC

J'essaie de partager ma passion pour un cinéma méconnu, mais qui mérite incontestablement qu'on s'y arrête !

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