The Grudge
Avec The Ring, la saga The Grudge a démocratisé le cinéma d’horreur asiatique à l’échelle internationale. Nantis d’une forte identité, les métrages en question se sont distingués par une approche de l’épouvante autant oppressante qu’immersive. Au fil des années, leurs qualités intrinsèques se sont progressivement délitées dans des incursions opportunistes et dénuées d’originalité. Le summum de l’occurrence inutile et stupide tenait au crossover improbable Sadako Vs Kayako. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le film de Nicolas Pesce n’est pas un reboot ou un énième remake, comme la production l’envisageait dès sa gestation en 2011.
De quoi donner des idées aux marques de shampoing...
Pour resituer le contexte, il s’agit vraisemblablement d’une suite à The Grudge 3, la trilogie américaine qui se « concluait » d’une bien piètre manière avec le film de Toby Wilkins. Or, le présent métrage s’insinue entre le premier et le second opus et propose d’exporter la malédiction de Kayako en Pennsylvanie. En considérant la trame temporelle et la présentation de nouveaux protagonistes, on peut donc penser que l’on découvre le quatrième volet, une sorte de « midquel » qui se sert d’inserts narratifs pour tenter de justifier son existence. Or, le constat n’est pas du tout clair sur ce point au vu de ce qui est avancé.
Bien que l’on appréhende un scénario « original », il s’appuie sur le premier remake américain et, par extension le métrage initié par Takashi Shimizu. La trame décousue suit le même schéma structurel et alterne entre différents points de vue entre 2004 et 2006. Dès lors, le montage chaotique rend la narration extrêmement confuse où les tenants s’entremêlent avec les aboutissants, tentant d’offrir un fil directeur qui relève de l’improvisation. À croire que l’écriture s’est faite au fil des séquences tournées ! Preuve en est avec des rappels qui considèrent le spectateur pour un imbécile. A cette occasion, le scénariste prend conscience de l’embrouillamini dans lequel il le plonge.
The Ghost Centipede !
Mais ce sont surtout les circonstances qui exposent les phénomènes surnaturels qui démontrent une fainéantise évidente. C’est bien simple, tout est plagié sur les modèles de référence. Il n’y a aucune prise de risque, pas la moindre surprise en termes d’effrois ou de mise en condition. Incapable de générer une atmosphère angoissante, le réalisateur multiplie les jump-scares à tour de bras. De la séquence d’introduction ridicule aux fréquents assauts des spectres, il n’y a aucune suggestion ni appréhension dans la présentation des scènes. Même les subterfuges grossiers censés faire sursauter ne fonctionnent jamais. On arpente le film avec une froide indifférence et un agacement certain.
On déplore aussi des incohérences en pagaille par rapport à l’intrigue elle-même, ainsi qu’aux précédentes productions. En gardant à l’esprit la genèse de la franchise, on demeure perplexe face au don d’ubiquité du fantôme en question. De même, le transfert de malédiction d’une bâtisse à l’autre se justifie par des faits divers identiques, mais qui ne trouvent aucune continuité entre la maison domiciliée au Japon et la propriété de Pennsylvanie. Quant à la « contamination », elle ne se résume pas à un simple attachement, mais à un trépas qui précède à de nouveaux spectres errants. On a même droit à une parenthèse bucolique qui augure de retrouver ses proches défunts au sein de la demeure ! L’allusion est d’ailleurs coupée cahin-caha sans autre forme de procès pour revenir à une ambiance plus lourde.
Un fantôme qui trempe un peu trop dans son jus
Au final, la version 2020 de The Grudge constitue l’une des pires occurrences de la saga, surexploitant un concept éculé sans jamais rien apporter. À mi-chemin entre le reboot/remake non assumé et le stand-alone, le film de Nicolas Pesce se montre brouillon, pénible et maladroit à plus d’un titre. Les spectateurs coutumiers de la franchise distingueront d’emblée la teneur des enjeux, et ce, malgré la multiplicité des arcs narratifs qui cassent le rythme et le semblant d’ambiance instillé par la bande-son ; le seul effort notable de l’entreprise. Mal inspirée, la mise en scène se révèle incapable de suggérer la peur. Cadrage empoté, montage catastrophique, photographie qui privilégie les teintes « jaune pisse » à des contrastes gris/bleu pour développer une atmosphère froide et délétère… Un ratage complet sur toute la ligne.
Un film de Nicolas Pesce
Avec : Betty Gilpin, John Cho, Demián Bichir, Andrea Riseborough