Une porte vers l'enfer
Au même titre que la littérature, le cinéma scandinave est reconnu pour ses polars et ses intrigues très psychologiques. Le constat est facile, mais à la fin des années 1990, il n’était pas aussi évident. Malgré le peu de productions exportées à l’époque, certaines sont tout de même parvenues à se frayer un chemin jusqu’à nos frontières. De prime abord, Une porte vers l’enfer s’appuie sur un pitch et un cadre séduisant pour mettre en exergue une communauté satanique confortablement installée sur une île. En soi, l’idée n’a rien de bien original. Néanmoins, elle peut donner lieu à quelques incursions oppressantes dans un thriller horrifique. Est-ce le cas avec le film de Trygve Allister Diesen?
Ca commence dans la joie et la bonne humeur...
Dans les intentions, l’intrigue possède le potentiel pour instaurer une atmosphère singulière et angoissante. Le fait de jouer sur l’isolement et la promiscuité de la communauté va en ce sens. Pour autant, le réalisateur (et scénariste) ne parviendra jamais à susciter une quelconque émotion chez le spectateur. Malgré sa faible durée, la progression demeure poussive, pour ne pas dire apathique. On ne peut guère parler d’une mise en place laborieuse, car tout le film repose sur cette lénifiante évolution. Dès lors, on s’ennuie ferme, sans trouver le moindre aspect intéressant à un métrage qui joue la carte de l’horreur et de l’épouvante.
Les situations s’enchaînent et se révèlent aussi inutiles les unes que les autres. Là où l’on pourrait dénicher des prétextes pour appuyer tel ou tel fait inexplicable, il ne sert qu’à grossir des lignes de dialogue inconsistantes. Pires que cela, les échanges sont redondants et perclus d’incohérences qui ôtent le peu de crédibilité qu’on souhaitait leur apporter. On a l’impression que l’histoire part en roue libre, le cinéaste ne sachant trop quoi raconter, encore moins l’exposer dans un environnement pourtant doté d’un certain potentiel. La vacuité de l’ensemble devient une constante, si bien qu’il n’en faut guère plus pour considérer Une porte vers l’enfer pour ce qu’il est: un film qui ne tient aucune de ses promesses.
Aucun souci à se faire, les autorités sont à pied d'oeuvre
Pas même celle de s’enfoncer progressivement vers le surnaturel, l'extrémisme religieux ou le satanisme. Car oui, on nous convie à une prodigieuse descente. Non vers l’enfer, mais plutôt dans une médiocrité qui voile à peine ses intentions mensongères. Le peu d’éléments que laisse paraître le pitch de départ n’est en rien le reflet de la réalité. Quid d’une communauté aux prises avec un pouvoir diabolique? Rien, si ce n’est les exactions d’un pasteur trop poli pour être sincère ; ce qui ne floue personne, hormis la naïve Julie, cruche de service qui multiplie les contradictions. La teneur fantastico horrifique n’existe pas. Elle n’est d’ailleurs même pas évoquée entre deux escapades sur les routes étroites de l’île.
Quant à la bande-son, elle se veut en total décalage avec les images. Des morceaux pops ignobles qui achèvent d’enfoncer le film dans le ridicule. Au lieu de dépeindre avec patience le quotidien d’une pernicieuse communauté, on nous inflige ces incartades qui ne servent nullement les propos. Mais quels sont-ils? Nulle secte à l’horizon ou force démoniaque à l’œuvre. Seuls des portraits esquissés à la va-vite sont campés par un casting dénué de talent. Il ne suffit pas d’avoir une sale trogne et de sourire bêtement pour jouer les psychopathes illuminés de pacotille. Un constat qui vaut aussi pour les enfants. Toujours est-il que les frasques tendancieuses et gratuites de cette bande d’idiots finis ne relèvent guère le niveau.
Voilà ce qui arrive quand on claque la porte à un représentant énervé.
Là où Une porte vers l’enfer aurait pu s’imposer comme une modeste production à l’ambiance paranoïaque travaillée, on ne trouve qu’un métrage bâclé et vide de sens. Rythme statique, mise en scène et montage pour le moins discutables... La plupart des séquences sont dénuées d’intérêt. Elles ne cadrent même pas avec la finalité de la chose où l’épilogue se perd dans un trip à la Rosemary’s Baby hors contexte. Non satisfait de nous infliger une banalité consternante et omniprésente, Trygve Allister Diesen édulcore au possible le peu d’ambitions qu’il insuffle à sa réalisation. Il en ressort un thriller maladroit et terriblement ennuyeux.
Un film de Trygve Allister Diesen
Avec : Sofie Gråbøl, Paul-Ottar Haga, Sina Langfeldt, Martin Slaatto