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Watchmen: Les Gardiens - Critique

Un très bon film de super-héros, complexe et ambitieux. L’intelligence du récit, la subtilité des personnages, ainsi que la brillante mise en scène de Snyder, contrebalancent largement les quelques défauts constatés.
Publié le 1 Janvier 2008 par Ghislain Benhessa
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8
Adaptation de bande dessinée

Le nouveau film de Zack Snyder, réalisateur du très réussi L’armée des morts et du pathétique 300, est une adaptation du comic book culte d’Alan Moore et de Dave Gibbons. Après The dark knight, dernier épisode de la série des Batman, réalisé par Christopher Nolan et sorti sur les écrans l’an dernier, Snyder décide à son tour de s’attarder sur le côté « sombre » des super-héros américains. Les Watchmen, fidèles au comic book de Moore et Gibbons, ne sont pas des personnages sans peur et sans reproche, dépourvus de défauts et de doutes. Bien au contraire, les Watchmen, sorte de super-héros nihilistes et perfectibles, symbolisent idéalement le déclin des idéaux américains et occidentaux dans leur ensemble. Les Watchmen trouvent leur racine dans une Amérique perdue, rongée par la criminalité et le chaos, touchée de plein fouet par la prise de conscience de son propre déclin. Pour mettre en scène cette Amérique en perte de vitesse, minée par un régime autocratique et décadent, Alan Moore et Dave Gibbons ont imaginé une histoire parallèle, officiellement bien différente de celle que nous connaissons, et qui pourtant, par bien des égards, montre de réelles similitudes avec la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

Le postulat « fictif » sur lequel le récit s’articule est le suivant. Durant les années 1970, sous la présidence de Richard Nixon, les Etats-Unis se sont finalement sortis du bourbier de la guerre du Vietnam et ont gagné la guerre. A la suite de cette victoire, « Dick » Nixon a amendé la Constitution américaine afin d’obtenir le droit de se représenter à l’issue de son deuxième mandat. Le récit se situe dans les années 1980, alors que Nixon vient de gagner les élections présidentielles une cinquième fois d’affilée. Dans cette Amérique sombre et décadente (l’intégralité du film se passe d’ailleurs dans une grisaille oppressante), les super-héros ne sont plus vraiment en odeur de sainteté. En effet, alors que, depuis les années 1940, les différents gouvernements américains s’étaient appuyés sur les Watchmen pour changer la face du monde et agir en faveur du bien, Nixon décide de bannir les justiciers masqués. C’est pourquoi Rorschach, Miss Jupiter, Daniel, le Comédien et les autres ne sont plus du tout soudés : le temps a passé et la solidarité entre les différents Watchmen s’est érodée. Cependant, l’un des membres de équipe, le Comédien – une sorte de soudard ignoble et vulgaire, parfois héroïque mais souvent très lâche – est assassiné. Rorschach, l’un des Watchmen, homme taciturne, justicier violent et expéditif mais doté d’une certaine humanité, reprend contact avec les anciens membres de l’équipe : il est persuadé que quelqu’un cherche à nuire aux anciens héros désormais retraités. Personne ne le croit, mais, pourtant, alors que la Russie s’apprête à lancer ses missiles nucléaires sur les Etats-Unis, et que la guerre en Afghanistan est le sur le point d’éclater, certains indices semblent corroborer les théories de Rorschach. Celui-ci décide de poursuivre son enquête et tente de persuader le Docteur Manhattan, le plus puissant des Watchmen, un ancien physicien devenu une sorte de géant indestructible à la suite d’une erreur scientifique, du bien-fondé de ses arguments.

Le récit de Watchmen, et c’est là l’une des grandes différences avec les films de héros traditionnels, est très complexe et rempli de symboles. A la manière de Christopher Nolan dans The dark knight, Snyder s’attarde sur les aspects mythologiques des Watchmen, gardiens de la démocratie américaine. Ce sont eux qui font en sorte que l’ordre règne dans les grandes villes américaines, ce sont eux qui protègent les citoyens: ils sont les gardiens du temple prêts à se sacrifier pour l’idéal américain. Pourtant, ces gardiens, à l’image de l’Homme, sont imparfaits et souvent brutaux. Rorschach est adepte d’une justice expéditive, parfois incapable d’agir avec la réflexion et la mesure nécessaires. Miss Jupiter est une belle femme amoureuse (de Docteur Manhattan), plus romantique et frivole que ce qu’on pourrait atteindre d’un super-héros. Daniel est devenu un homme mesuré, peu prompt à prendre des risques, timide avec les femmes, parfois même impuissant. Docteur Manhattan, le Watchmen le plus puissant, incarnation du Bien, sombre dans le nihilisme jusqu’à douter du combat qu’il mène en faveur de l’espèce humaine. Le Comédien est quant à lui un être vil, brutal, adepte du viol.  En somme, les super-héros sont à l’image du monde qu’ils doivent sauver : imparfaits, violents, rongés par la brutalité du monde qui les entoure, parfois même à moitié fascistes, ils incarnent une humanité en perte de repères, incapable de s’unir pour faire face aux crises économiques ou militaires qui la menacent.

Et c’est là l’une des grandes réussites de film de Snyder. La complexité du récit, extrêmement ambitieux, vient soutenir l’idée principale développée par le réalisateur américain : dans un monde tel que le nôtre, l’héroïsme n’est plus véritablement possible. La paix est inenvisageable ; la seule solution réside dans le compromis, la balance des intérêts, l’analyse froide et méticuleuse. Loin de verser dans l’optimisme, la solution de Snyder, suivant à la lettre la bande dessinée de Moore et Gibbson, est très osée pour un film de cette ampleur, doté d’un tel budget : la politique n’est qu’affaire de sacrifice, elle n’est jamais affaire d’idéaux. Les idéalistes perdent et les réalistes l’emportent. Sale temps pour les super-héros.

La forme du film de Snyder soutient à merveille le scénario. Mettant en scène de superbes ralentis, alternant avec brio séquences spectaculaires et scènes plus intimistes, Snyder maintient le spectateur en haleine pendant l’intégralité du film, en dépit de sa longueur (2h40 tout de même). Le réalisateur parvient, ce qui est extrêmement rare dans les blockbusters américains, à allier densité matérielle et brio formelle : la mise en scène « maniérée » et tourmentée de Zack Snyder sert à merveille le propos.

On peut cependant regretter une bande originale par moment assez mal construite (une scène d’amour sur un remix de The sound of silence, de Simon et Garfunkel, fallait quand même oser !) qui dessert le propos et n’apporte souvent pas grand chose à l’atmosphère. De la même manière, les scènes sur Mars à la fin du film sont un peu bancales et rompent le rythme de l’intrigue principale. Cependant, la radicalité du propos parvient à faire oublier les quelques défauts constatés.

Portrait de Ghislain Benhessa

A propos de l'auteur : Ghislain Benhessa

J'adore le cinéma depuis très longtemps. Ma motivation a toujours été de voir quelles sont les questions que les films me posent, en quoi toute image, de par son utilisation, peut se révéler source d'évocations à destination du spectateur. Le cinéma d'horreur parvient précisément à utiliser ses codes pour suggérer des émotions et des idées.

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