L’expérience Philip (ou Philip Experiment dans la langue de Shakespeare) désigne une expérimentation ayant eu lieu au début des années 70 et menée par la Toronto Society for Psychical Research à l’initiative de deux de ses membres : le couple de britanniques George et Iris Owen. L’essai se déroula sur une période de cinq ans.
Favorables à l’existence des phénomènes paranormaux et rompus à la pratique du spiritisme, les membres de la TSPR cherchaient à déterminer si l’esprit humain pouvait créer de toute pièce un fantôme (ou un esprit désincarné) via la concentration et la visualisation, avant d’entrer en contact avec celui-ci.

George et Iris Owen
L’expérimentation proprement dite débute en 1972 à Toronto avec un groupe de huit participants, tous membres de la TSPR. La première étape consiste à imaginer un personnage et à lui donner une biographie détaillée afin de le rendre le plus "réel" possible.
C’est ainsi qu’est créé Philip Aylesford, un homme ayant vu le jour en Angleterre en 1624 dans le manoir de Diddington. Noble catholique devenu chevalier à l’âge de 16 ans, il a participé à la révolution anglaise, travaillant comme espion à la solde du roi Charles II, avec lequel il s’est ensuite lié d’amitié. Philip est marié à Dorothea, aristocrate comme lui, mais ce mariage semble voué à l’échec, si bien que Philip tombe un jour amoureux d’une gitane prénommée Margo. Par jalousie, Dorothea accuse sa rivale de sorcellerie, mais Philip n’ose pas se présenter au procès de cette dernière, afin de préserver sa réputation. Par conséquent, Margo finit sur le bûcher, un drame dont Philip ne se remettra jamais. Ne supportant plus de le poids de sa culpabilité, il se suicide à l’âge de 30 ans, en l’an 1654.
Bien que relié à des événements et personnages historiques réels, Philip demeure toutefois un personnage entièrement fictif dont la biographie contient moultes incohérences et erreurs historiques.

Dessin de Philip de son vivant, réalisé par un membre du groupe.
Une fois la vie de Philip correctement définie, le groupe commence à se retrouver chaque semaine pour discuter de leur personnage, méditer ensemble et réaliser des exercices mentaux. L’objectif est de donner vie à leur invention.
Au bout d’un an sans résultat, le groupe décide de changer de stratégie. Finie la méditation, place au spiritisme dit « à table tournante ». Le principe est simple : dans une pièce à l’atmosphère feutrée, entourés d’objets provenant de l’époque à laquelle Philip a vécu, les participants s’asseyent autour d’une table sur laquelle ils posent le bout de leurs doigts. Des questions sont ensuite formulées à voix haute, l’esprit pouvant y répondre par des bruits ou des déplacements de la table.

Extrait de l’une des vidéos disponibles
C’est à partir de ce moment que les membres du groupe commencent à rapporter divers phénomènes inexpliqués : sensations de présence ; courants d’air ; bruits de coups sur les murs ou la table ; déplacements de celle-ci...
Le groupe finit par entrer en communication avec une entité qui, lorsque la question lui est posée, affirme être l’esprit de… Philip Aylesford. Les conversations se déroulent sur un ton amical et détendu. Toutefois, face à une question à laquelle il ne souhaite pas ou ne peut pas répondre, Philip répond par un bruit de grattement ou un brusque mouvement de table. Certaines réponses de l’esprit s’avèrent anachroniques ou incorrectes d’un point de vue historique. De plus, Philip présente une fâcheuse tendance à donner la réponse que les participants attendent implicitement et ne peut jamais fournir d’informations dont les membres du groupe n’ont pas eux-mêmes connaissance au préalable.
Ceci n’empêche pas la table de s’incliner sur un seul pied et, à d’autres moments, de traverser la pièce sans contact humain. Bien que l’audio, la vidéo et les témoignages documentent ces phénomènes paranormaux, Philip n’est jamais apparu aux participants.
Une séance de communication fut réalisée en public devant une cinquantaine de personnes ; une autre fut filmée de façon à être diffusée à la télévision.
L’expérimentation ne donna lieu à aucun rapport ou article scientifique, mais Iris Owen et Margaret Sparrows en firent le récit, quelques années plus tard, dans le livre Conjuring up Philip : An Adventure in Psychokinesis.

Par la suite, la TSPR renouvela l’expérience. D’autres groupes aboutirent à la création, puis à la prise de contact avec plusieurs "esprits".
Des expériences similaires furent également réalisées par des organismes différents. L’une des plus célèbres est la Skippy experiment, menée au début des années 2000 par un groupe d’amateurs de paranormal de Sydney, en Australie. Les résultats obtenus auraient été similaires à ceux de l’expérience Philip.
Théories
Philip Aylesford ayant été imaginé de toute pièce par les membres du TSPR, le consensus est clair sur le fait qu’il ne peut pas être l’âme d’une personne défunte ayant réellement existé.
Selon le couple Owen, les manifestations de Philip seraient dues à un phénomène de télékinésie inconsciente provoqué par les membres du groupe. Leur explication se rapproche de la théorie qui veut que les poltergeists soient engendrés par les pouvoirs psychiques latents des personnes qui en sont victimes, selon un phénomène nommé RSPK (Recurrent Spontaneous PsychoKinesis, ou psychokinésie spontanée récurrente).

Le groupe au complet
Pour les détracteurs de l’expérimentation, les membres du groupe n’auraient jamais fait l’expérience d’un authentique phénomène paranormal, et de multiples hypothèses peuvent expliquer ce qu’ils ont vécu, comme une mauvaise interprétation de phénomènes anodins (comme de simples courants d’air ou des bruits quelconques), des micromouvements inconscients des participants suffisamment importants pour faire vibrer ou tourner une table et, bien entendu, la fraude.
Cependant, l’expérience est entrée dans l’histoire et l’imaginaire collectif, au point d’inspirer les films Les Âmes silencieuses et Apparition (respectivement 2014 et 2012).
