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Fido - Critique

Si la comparaison avec Shaun of the dead semble de prime abord inévitable, Fido parvient à créer son propre chemin en changeant le cadre, l'époque et la manière dont la dérision est avancée. Certes, le chef d'oeuvre d'Edgar Wright est inégalable, mais Fido propose une alternative intéressante, originale et distrayante. Il en ressort un moment délectable.

Publié le 12 Juillet 2012 par Dante_1984
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Zombie

À la suite d'un nuage radioactif cosmique, les morts sont revenus à la vie ! Terrible nouvelle que voici, mais c'était sans compter la merveilleuse société Zomcon et ses scientifiques de génie qui ont eu la fantastique idée de domestiquer nos chers défunts. Vous en avez assez de faire le jardin, les tâches ménagères ou de promener le chien ? Prenez un zombie Zomcon !

Après avoir réalisé çà et là quelques téléfilms pour la télévision canadienne, Andrew Currie s'essaye à la comédie horrifique, plus précisément à la comédie de zombies. Shaun of the dead ayant marqué au fer rouge les mémoires, il semblait inévitable de voir surgir dans son sillage pléthore d'amateurs des gaucheries mortes-vivantes. Pourtant, Fido se distingue de son illustre modèle en nous plongeant dans un lieu et une époque complètement différents.


De charmants voisins toujours prêts à rendre service.

On devine un contexte postérieur à un conflit planétaire. Nous nous situons dans les années 1950 et la Seconde Guerre mondiale est remplacée par le jour Z. Dès lors, l'intrigue débute sur un court film en noir et blanc relatant cette terrible journée où tout a basculé, mais également le rôle prépondérant de la Zomcon dans la victoire. Le ton est donné. Utilisation des médias à des fins de propagande sur fond de paysage idyllique. Cette vidéo est un habile condensé de ce que vous réservera la suite des réjouissances : cynisme et sarcasme au service d'une dénonciation du conformisme et du paraître. Les lumières se rallument. On ouvre les rideaux sur la classe. Alors, qu'avez-vous retenu de la leçon mes chers enfants ?

Fido interpelle tant par son incongruité temporelle que par sa manière à s'attaquer aux problèmes de notre société. Pour cela, quoi de mieux qu'une époque où l'on voit s’éloigner le spectre nazi de l'horizon et surgir celui du communisme dans le sillage des ennemis à éradiquer ? Les années 1950 sont assez particulières dans le sens où il suinte une véritable insouciance dans les moeurs américaines alors que le monde vient d'essuyer le plus grand conflit qu'il n'ait jamais connu. Est-ce une manière de faire fi du passé et de refuser de considérer un avenir trop incertain ? Fido retranscrit cette légèreté presque désinvolte dans un microcosme que rien ne semble atteindre.


Va chercher la baballe !

Des pelouses parfaitement tondues, des maisons à l'architecture identique et aux couleurs vives, des voitures éclatantes, des voisins souriants (parfois un peu trop curieux), on a l'impression d'évoluer dans une utopie où violence et convoitise ne sont qu'un mauvais rêve. Pourtant, il ne s'agit que d'une vision fantasmée et néanmoins biaisée des codes moraux et sociaux inculqués par la société. En d'autres termes : Soyez productifs sur tous les aspects de votre vie en prenant pour argent comptant tout ce qu'on vous dit. Ne réfléchissez pas. Laissez cela au gouvernement et aux personnes « compétentes ».

Dès lors, les zombies marquent un contraste flagrant avec cet univers tout droit sorti de La mélodie du bonheur. C'est comme une tache d'encre sur votre nouveau costume sur-mesure. Le mort-vivant est considéré comme un vulgaire morceau de viande tout juste bon à effectuer les corvées quotidiennes. Certes, l'on ne parlera pas de déshumanisation du défunt (par essence même le zombie n'a pas de conscience propre, encore que...), mais plutôt de l'exploitation outrancière de l'individu au profit de la communauté et de son bien-être. Une nouvelle forme d'esclavagisme qui ressasse de douloureux souvenirs.


Rien de tel qu'une petite clope pour se détendre !

Le mort-vivant agit comme un filigrane sur notre perception. Il ne faut pas le voir comme un être exsangue ou se fier au paradoxe de sa non-existence, mais comme le reflet de ce que nous sommes réellement au sein de notre société et de notre époque. Prenons la population de Willard pour illustrer ce propos. Gestes calculés, paroles mesurées, sourires de circonstance, vêtements étriqués dans un cadre finalement bien morne en comparaison des couleurs vivifiantes qui le jonchent. Tous se préoccupent des apparences pour ne pas froisser ses semblables, quitte à renoncer à sa personnalité et son individualité. Les êtres formatés ne sont pas forcément ce que l'on croit.

Parallèle étonnant et néanmoins inquiétant, cette description cynique enferme (au sens propre comme au figuré) la petite ville de Willard dans une spirale de peur. Au-delà de cette insouciance de façade dépeinte plus en amont, Zomcon tient ses ouailles sous la menace permanente des zombies en dehors de la zone de sécurité. Un matraquage constant d'images et de discours alarmants pour déléguer les responsabilités à la société. En soi, ce ne serait pas dérangeant si l'on n'avait pas l'impression de se retrouver face à une communauté sectaire, car les méthodes sont exactement les mêmes. Productivité, consommation et abrutissement des masses par des messages aux demi-vérités vraisemblables, mais détournées au profit de l'élite.


De vraies têtes d'enterrement !

Pour ceux qui attendraient de Fido, un film de zombies dans la grande tradition du genre, la déception risque d’être au rendez-vous. En effet, au-delà de cette dénonciation prégnante, nos chers cadavres ambulants sont le catalyseur des thèmes abordés, mais ils se révèlent peu agressifs étant donné leur domestication. Toujours est-il que les maquillages font illusion. On nous offre du zombie frais, du « prêt-à-l’emploi », du vieux aigri et même une charmante jeune femme à la plastique bien conservée. C'est bien simple, les physiques différents se multiplient pour montrer qu'un bon zombie n'est pas un zombie mort, mais un cadavre serviable prêt à tout pour satisfaire les caprices de son maître.

De l'autre côté de la frontière (les vivants donc), le casting n'est pas en reste. Les acteurs rivalisent de talents pour offrir des personnages tantôt attachants, tantôt détestables. Les caricatures ne sont pas de rigueur et, en dépit de ce qu'engendrent le contexte et leurs moeurs, possèdent des caractères aussi dissemblables qu'intéressants. Sur ce plan, on propose également d'avancer les problèmes de parité homme/femme avec un machisme ambiant qui sort tout droit du Moyen-Age ou de la place de l'enfant et son rôle au sein de la famille. L'homme se complaît dans ses acquis en attendant une seule chose de ses proches : « Soyez gentils, écoutez-moi et ne discutez pas. »


Cara mia.

Bref, Fido est une comédie horrifique de très bon aloi. Tout en étant drôle et original, Andrew Currie dépeint avec verve une société et une époque qui n'a rien appris des erreurs du passé. Les propos sont masqués, pas toujours évidents à décrypter, mais il ne fait aucun doute qu'ils apportent une véritable consistance à un scénario à la fois inventif (dans un genre où il très difficile d'innover) et intelligent. Servis par une distribution talentueuse (morts et vivants), une réalisation sobre (peut-être un peu trop lorsque l'on réclame du sang et des tripes dans les circonstances adéquates) et un humour omniprésent, Fido réussit là où bon nombre de productions se sont cassé les dents : amuser tout en interpellant le spectateur.

Portrait de Dante_1984

A propos de l'auteur : Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

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