Les Rues de l'Enfer
Dans une banlieue difficile de Los Angeles, Brenda, une jeune femme forte et indépendante, décide de venger sa jeune soeur, sourde et muette, violée par un gang.
Dès la fin des années 70, pour évoquer la montée en flèche de la violence et de la délinquance dans son pays, le Septième Art américain se lance dans les films d'auto-défense (cf la sage culte du Justicier, avec Charles Bronson), dont font partie les films de rape and revenge, prenant pour base narrative un viol et la punition de celui-ci par des voies non balisées.
Restant à tout jamais, pour beaucoup de cinéphiles, la petite Regan de L'Exorciste, Linda Blair a en effet souffert pour enlever l'étiquette de ce rôle culte. Néanmoins, entre quelques apparitions à la télévision, cette comédienne peut se vanter d'avoir cassé son image de fillette possédée tout au long d'une carrière plutôt honorable.
Dans Savage Streets, elle trouve probablement son meilleur rôle : celui de chef de file d'une bande de filles d'une banlieue pauvre de L-A, dont l'apparente force est mise à rude épreuve le jour où sa jeune soeur, handicapée, est victime d'un viol.
Sorti en 1984, Les Rues de l'Enfer sort un peu du lot en grande partie parce qu'il donne la part belle à des personnages féminins.
Certes, la plupart de ces héroïnes n'apportent pas grand chose à l'intrigue et n'évitent pas les stéréotypes (la blonde, chef des majorettes, mignonne mais très cruche, notamment). Elles servent aussi souvent de simples playmates exposées à des vues purement machistes (cf la séquence sous les douches), mais le réalisateur en fait néanmoins ses figures de proue, mettant en avant des personnes écartelées entre leurs désirs de femmes (l'une d'entre elles souhaite se marier et fonder un foyer sécurisé, à l'écart de cette ville dangereuse) et leurs obligations face à un quotidien difficile (paraître dure et indépendante face aux gangs locaux tout en s'occupant de sa soeur et de sa mère dépressive pour Brenda).
En cela, le jeu de Linda Blair est tout à fait convaincant, malgré quelques mimiques finales. Dans un rôle haut en couleurs, elle s'en tire plutôt bien, tout comme Linnea Quigley (Le Retour des Morts Vivants, Kolobos), touchante dans le rôle de sa jeune soeur.
Face à elles, le gang a fière allure également, emmené par Robert Dryer, acteur de série télé excellent en vermine dénué de remords.
A sa sortie, ce métrage fût classé X aux Etats-Unis et censuré dans de nombreux pays. Avec le recul, on peut s'en demander la raison.
En effet, la scène du viol est moins marquante que celle du premier Death Wish (1974). La nudité y est présente, mais sans tomber dans le graveleux, mais le fait que la vengeance soit orchestrée par une femme, le pessimisme du scénario et l'âpreté de certaines séquences (cf le meurtre de l'amie de Brenda) y sont sans doute pour beaucoup dans cette interdiction.
Distribué en France par Uncut Movies, en édition limitée à mille exemplaires, Savage Streets, à l'instar des Rues de Feu, est un film qui ne fait pas dans le consensuel. Le cinéaste, qui avait signé le cinquième chapitre des Vendredi 13, n'y vas pas avec le dos de la cuillière lorsqu'il dépeint la violence ordinaire.
Même si le propos est parfois dilué dans des scènes quelque peu insipides (l'éternelle bagarre entre Brenda et la blonde, les séquences dans le club sonnant très eighties, comme les tenues de sport des héroïnes), Danny Steinmann livre un film sec et incisif, efficace dans son traitement, livrant un épilogue sans fioritures, un peu facile mais résumant assez bien l'esprit de ce métrage, qui sonne vrai, ce qui est déjà un fait remarquable dans ce sous-genre qui parfois accumule les surenchères.
Sans égaler les références en la matière, ces Rues de l'Enfer se laissent traverser sans ennui aucun, les personnages sonnant juste et le réalisme de la mise en scène permettant de se laisser pénétrer par l'esprit de ce long-métrage, typique des bonnes séries B des années 80.
Un film de Danny Steinmann
Avec : Linda Blair, Robert Dryer, John Vernon, Johnny Venocur