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Les Vampires - Critique

En 1956, à Paris, plusieurs femmes sont retrouvées mortes, vidées de leur sang. Film à part dans la carrière de Bava, Les Vampires est un film foisonnant d'idées, de style et de rebondissements...

Publié le 7 Septembre 2009 par GORE MANIAC
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8

*Attention, cette critique contient des spoilers*

En 1956, à Paris, plusieurs femmes sont retrouvées mortes, vidées de leur sang. Lantin, journaliste, tente de percer le mystère autour de ce tueur surnommé Le Vampire.

A une époque encore troublée par l'après-guerre, les films de veine fantastique se font rares en Europe. Se rapprochant également de l'esprit du roman-photo, du film policier et du feuilleton (Les Vampires, de Louis Feuillade, ou bien encore Judex, de Georges Franju), Les Vampires est un mélange de genres qui permettra par la suite une renaissance du film fantastique, qui inspirera notamment la naissance de la Hammer outre-Manche.

Dans un premier temps, la mise en scène est confiée à Riccardo Freda. Mais, ce dernier, au combien caractériel, quittera le plateau au bout d'une quinzaine de jours. Les producteurs laissent donc le soin au chef opérateur Mario Bava de boucler le film...en moins de trois jours.


Un défi en principe hautement improbable pour un Bava jusqu'ici uniquement réputé pour la qualité de sa photographie, et qui n'a encore jamais mis en scène. Qui plus est, le film n'a été tourné qu'à moitié lorsque Freda abandonne sa casquette de metteur en scène.
Toutefois, avec à ses côtés une équipe technique qu'il connait bien, et un nouveau scénariste appelé en renfort, Bava réussit l'exploit d'achever le tournage dans les délais impartis, en effaçant toute trace des péripéties survenues, tout en y apportant déjà sa patte artistique.

En effet, de la froideur gothique des décors (le château, notamment, avec sa crypte et ses passages secrets) aux effets spéciaux, réduits mais captivants (le visage de l'héroïne), en passant par une convaincante photographie en noir et blanc, les prémices du Masque du Démon rôdent déjà dans ce métrage. Sans oublier l'humilité de cet artisan, qui préfère laisser à Freda les honneurs du générique.

Tourné en Italie, ce film se situe néanmoins à Paris (peut être pour appuyer davantage l'aspect feuilletonesque du film). Les temps morts sont absents de ce long-métrage assez court et trépidant.

Le héros, journaliste quelque peu taciturne rappellant légèrement le Fandor des Fantômas, par son métier et sa fascination grandissante pour celui qu'il traque sans répit, nous conduit dans les rues d'un Paris de carte postale, nostalgique, romanesque et mystérieux, à la poursuite d'un vampire qui n'a qu'un rapport lointain avec les Dracula et Nosferatu d'avant-guerre.
Le bourreau dévoile en effet ici très rapidement son visage, comme pour démontrer son humanité, en décalage avec son surnom et le fait que ses victimes sont saignées.

Ce film revisite en fait les codes du genre à mesure qu'il brouille aussi les pistes concernant l'assassin. Au final, cet homme ne s'avère être que l'instrument d'un couple bien plus effroyable encore, que Bava cache durant leurs premières apparitions.
Le médecin, plus dans l'esprit de Frankenstein que d'une créature de la nuit (il oeuvre d'ailleurs dans un grenier que n'aurait par renié le héros de Mary Shelley, baigné lui aussi par des orages étourdissants), dévoile dans une première scène des mains gantées typiques du futur giallo. Sa soeur apparait voilée dans une robe noire la faisant ressembler à une sorcière.

Ces apparats étranges seront ensuite supprimés pour laisser place aux vrais visages de ces monstres modernes, derniers fantômes d'une classe sociale que raille le scénario, bourgeois vieillissants et sans le sou, vivant encore dans un faste passé (la scène du bal) qui n'a pas plus d'existence aujourd'hui que la jeunesse et la beauté de l'héroïne.

Là ou Franju donnera, quelques années plus tard, une certaine humanité à son tueur dans Les Yeux sans Visage, Bava préfère ici accentuer la folie égoïste de ses bourreaux, sublimée dans un épilogue sarcastique, bien dans l'esprit de son cinéaste.

Film à part dans la carrière de Bava (il finira de la même manière Caltiki, du même Freda, trois ans plus tard), Les Vampires est un film foisonnant d'idées, de style et de rebondissements, préparation idéale au futur premier long-métrage solo de Bava : Le Masque du Démon.
Une oeuvre marquante, désormais facile à découvrir depuis sa sortie en DVD aux éditions Carlotta (avec le très rare Duel au Couteau, et La Baie Sanglante). Une preuve supplémentaire du talent et de l'ingéniosité d'un cinéaste vraiment peu commun.

Portrait de GORE MANIAC

A propos de l'auteur : GORE MANIAC

J'essaie de partager ma passion pour un cinéma méconnu, mais qui mérite incontestablement qu'on s'y arrête !

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