Warm Bodies : Renaissance
R est un zombie parmi tant d'autres dans un monde qui n'a plus rien à offrir que de longues journées d'errance entrecoupées de petits casse-croûtes cannibales. Enfin, c'était jusqu'à ce qu'il rencontre Julie.
Après s'être fait remarquer avec le slasher Tous les garçons aiment Mandy Lane (un peu trop surestimé à mon goût), Jonathan Levine semblait avoir déserté le cinéma de genre au profit de comédie romantique et dramatique. Cinq ans plus tard, le réalisateur revient avec l'adaptation du best-seller signé Isaac Marion. À première vue, le pitch de départ pourrait faire penser à de l'opportunisme mal placé. On songe notamment à l'occasion de décliner une nouvelle histoire d'amour à la manière de Twilight en remplaçant les vampires par des zombies et le tour est joué ! Enfin presque, car les préjugés volent rapidement en éclats.
Zombie au volant, mort au tournant.
En effet, Warm bodies n'a rien à voir avec la célèbre saga bit-lit. Cette comédie horrifique dispose d'un beau potentiel en tournant au second degré ce qui pouvait paraître d'un ennui mortel (pour les vivants). On découvre donc R, zombie malgré lui. La voix off n'est autre que la sienne et dévoile ses états d'âme de cadavre ambulant, son quotidien et son absence d'envie (hormis celle de manger de la chair humaine). Les monologues sont à la fois bien sentis et réfléchis dans la signification des phrases. On connaît foultitude de films de morts-vivants, mais peu sont capables de susciter notre curiosité, encore moins de trouver une approche un tant soit peu originale.
On s'amuse des situations qui, en des circonstances différentes, auraient rapidement ennuyé. Inutile de préciser qu'un traitement plus sérieux du sujet aurait miné le potentiel de départ. Les passages les plus convenus prennent une tournure décomplexée lorsqu'on les voit sous l'angle des zombies. Toute la force de Warm bodies provient de sa légèreté, son autodérision. On ressent la volonté évidente de casser les codes du genre et les préjugés que l'on s’était forgés. Certes, l'histoire erre dans des détours parfois maladroits. On regrette les longueurs qui amènent les deux tourtereaux pour se connaître.
Plutôt ressemblant, non ?
Les échanges laconiques dans l'avion, l'apprentissage de la conduite à R ou même le refuge provisoire dans une maison lambda contribuent à baisser le niveau d'un cran. Le bon déroulement du récit s'en fait ressentir. Malgré cela, l'ensemble demeure très plaisant à suivre, même si l'on aurait souhaité plus en amont continuer à entendre les états d'âme de R. Ainsi, le scénario se révèle à la fois distrayant de par son côté décalé et néanmoins attendu dans l'exposition des événements. En somme, les inconditionnels de morts-vivants trouveront leur compte, mais l'aspect survivaliste est relégué au second plan au profit du point de vue desdits cadavres pour développer l'interaction entre le duo principal.
Pour ceux qui craignent que la romance prenne le pas sur l'intrigue, leurs peurs seront à moitié balayées. En effet, elle fait partie du concept initial et donc, il paraît nécessaire de s'y atteler. Toutefois, son traitement est, là encore, loin des idées préconçues. Cet aspect tranche avec la bonne humeur ambiante. D'abord, point de départ de l'incompréhension, peut-être du dégoût, entre les vivants et les morts, les différences rapprochent les deux héros. Warm bodies joue parfois sur le fil du rasoir et n'évite pas quelques écueils, mais tient la route et dévoile de savoureuses trouvailles telles que manger la cervelle du petit copain (du coup, il n'y a pas de rivalité) pour s'approprier ses souvenirs et contempler Julie sous un autre jour.
L'amour, ça rend toqué du cerveau.
Pour cela, le casting a été savamment choisi. Loin des modèles prémâchés, les acteurs parviennent à jouer de leur personne pour mettre en avant des individus pas vraiment exceptionnels, mais qui ne sombrent pas pour autant dans la caricature. Ainsi, le duo de tête se révèle attachant et progresse à leur rythme pour se découvrir l'un l'autre. On sent une nette évolution dans leur sentiment, tout comme l'aspect physique de R change graduellement pour se radoucir. Les rôles secondaires ne sont pas lésés, notamment avec la présence bienvenue de John Malkovich et Rob Corddry qui dispose de belles réparties au comptoir d'un bar.
Il nous reste à décrire ce monde post-apocalyptique. Les moyens financiers étant confortables, les effets spéciaux s'avèrent plus que satisfaisant. Les maquillages des zombies sont convaincants et mettent en valeur des teints blafards, des yeux hagards et l'on distingue également les veines violettes sur certaines parties du corps. En ce qui concerne le décor, il est bien exploité même s'il ne recèle pas grand-chose de novateur : des rues jonchées de débris, un aéroport, les parkings en sous-sol ou l'entrepôt. Il reste à notifier la présence des osseux, sorte d'évolution de l'état de morts-vivants dans un aspect plus extrêmes, sauvages et désespérés. Des créatures bienvenues pour appuyer la singularité générale.
Au fast-food du coin, cervelles d'humains et membres amputés au menu. A l'assaut !
Warm bodies est une petite surprise. Là où l'on aurait pu s'attendre à un contenu mièvre et naïf, l'on trouve une sympathique comédie horrifique qui détourne les codes du genre et des clichés à son avantage. Non satisfait de ce second degré parfaitement assumé et délectable, le film de Jonathan Levine évite les poncifs et les caricatures (à quelques exceptions prêtes) dues à la romance entre les deux personnages principaux. Il en ressort un moment plaisant à plus d'un titre qui, sans révolutionner le genre ou atteindre le degré d'excellence de ses références, parvient à se faire une petite place dans le paysage déjà très fourni des productions zombiesques.
Un film de Jonathan Levine
Avec : Nicholas Hoult, Teresa Palmer, John Malkovich, Rob Corddry