Voir la fiche complète du film : Another Earth (Mike Cahill - 2011)

Another Earth - Critique

Même s'il pâtit de quelques maladresses (personnages secondaires, déroulement assez prévisible...), Another earth est une fable onirique qui demande l'effort de la comprendre par l'intangible et non par le démonstratif. Les images disposent d'un cachet envoûtant. Elles se veulent propres et épurées, les protagonistes sont attachants, mais le voyage se déroulera également dans votre esprit. Un film séduisant et singulier qui aurait gagné à être peaufiné sur certains détails pour devenir incontournable. Une belle expérience.

Publié le 8 Mai 2012 par Dante_1984
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Alors que l'on vient découvrir l'existence d'une planète jumelle à la Terre, Rhoda sort de prison après avoir causé la mort d'une mère et de son fils en état d'ébriété. Elle décide de participer à un concours pour se rendre sur cette nouvelle Terre, mais aussi de rencontrer le père des victimes.

Pour son premier long-métrage, Mike Cahill se penche sur un concept pour le moins original et intrigant. Pourtant, nous ne sommes pas en présence d'un film catastrophe de Roland Emmerich qui aurait laissé place à un tremblement de terre apocalyptique ou même une approche décalée du mythe de Nibiru. Ici, il s'agit simplement d'un drame intimiste où des personnes écorchées par une tragédie sont les témoins d'un événement extraordinaire.


La victime et le coupable.

Dès lors, l'on se rend compte que l'histoire s'appuiera sur le drame plutôt que sur la science-fiction. Le contexte servant de fil rouge aux destins tortueux de nos protagonistes. Narration philosophique, arrière-plan somptueux où l'on aperçoit la « Terre 2 » (mais ne serait-ce pas l'inverse ?), l'atmosphère contemplative n'est pas propice à un voyage dans l'espace, mais à une introspection profonde de notre existence et, par la même, de notre civilisation. Quel chemin prenons-nous ? Nos choix sont-ils le reflet de nos aspirations ? L'autre Terre fonctionne comme un miroir. On la scrute, en se demandant si notre double sur cette planète est en tout point identique à nous-mêmes. Quelles conversations pourrions-nous avoir avec nous même ? Que pourrions-nous en apprendre ou lui apprendre ?

Loin des frasques lénifiantes de certains auteurs, Mike Cahill se contente de décrire une tranche de vie de personnages hantés par leurs erreurs, leur passé. À ce titre, les acteurs font preuve d'une sobriété qui sied à merveille une mise en scène tout en retenue. Brit Marling est troublante de vérité. Tour à tour tiraillée par son existence qui part à vau-l'eau, ses rêves oubliés et sa quête de rédemption. Une femme aux multiples contradictions qui accapare notre attention. Quant à William Mapother, il campe ce père détruit avec une force insoupçonnée. Deux individus aux antipodes amenés à se rencontrer dans un destin entremêlé de peurs, de doutes et d'incompréhension. Pour ce qui est des rôles secondaires, il faut reconnaître qu'ils peinent à s'imposer. Le duo Marling/Mapother monopolisant l’écran.


Une nuit de pleine Terre.

Vous l'aurez saisi, Another earth se targue d'une atmosphère mélancolique où la contemplation prend le pas sur l'action et, à certains égards, sur l'histoire elle-même. Ce qui importe avant tout ce sont ces personnages qui évoluent dans un contexte jonché d'interrogations plutôt que l'intrigue. Celle-ci se veut même prévisible dans son déroulement. Le drame, la rencontre improbable, un mensonge, une idylle et... la suite se laissent aisément deviner. Pourtant, l'ensemble fonctionne. Appelons cela l'aura ou l'ambiance, il s'en dégage une impalpable sensation difficile à définir. Les silences parfois pesants précèdent à des compositions musicales du plus bel effet.

On attend ; tantôt curieux, tantôt décontenancé. Le rythme ne décollera jamais, mais ce n'est pas le propos avancé. La réalisation dépouillée offre des allures de faux documentaire, surtout en intérieur. Mise au point chaotique, plan rapproché et excentré, cet amateurisme de façade accentue l'impression d'être un témoin impliqué et non un simple spectateur passif. À cela, il faut compter également sur une photographie aux nuances hypnotiques. Les prédominances de teintes froides renforcent l'aspect morne de notre existence tout en étant synonymes d'un espoir nouveau (l'autre planète bleue). À l'instar de Rhoda, l'ambiguïté nous tiraille entre ces deux constats.


Là-haut. Loin. Très loin.

En revanche, Another earth risque d'en décevoir plus d'un si vous souhaitez voir pousser plus loin l'exploration de la « Terre 2 ». Il n'y aura aucune explication avancée (on ressent tout de même la fin d'une ère) sur sa présence et elle restera hors de portée d'une vision fantasmagorique. Budget limité oblige, le choix se révèle en définitive judicieux. Le réalisateur préfère la prose métaphorique au lieu d'une aventure spatiale bon marché aux effets spéciaux ratés. Il en découle une volonté à faire travailler notre imaginaire en l'observant et non pas en en l'explorant au sens propre. Cela ne plaira pas au plus grand nombre, mais le résultat fonctionne.

Film indépendant original, Another earth séduit grâce à sa singulière atmosphère. Loin des sentiers battus, Mike Cahill nous offre un drame intimiste teinté de science-fiction qui nous emporte sur des pistes philosophiques aussi profondes que fascinantes. Certes, les thématiques ne sont pas nouvelles (la quête de rédemption, la culpabilité ou le destin...), mais elles sont traitées avec sobriété dans un cadre empreint d'une certaine monotonie. Même si l'on a parfois l'impression d'effleurer les concepts suscités, notamment la « Terre 2 » qui n'est autre que le déclencheur de nos réflexions, Another earth est une odyssée dans notre esprit, et non dans l'espace, qui mérite le détour.

Portrait de Dante_1984

A propos de l'auteur : Dante_1984

J'ai découvert le site en 2008 et j'ai été immédiatement séduit par l'opportunité de participer à la vie d'un site qui a pour objectif de faire vivre le cinéma de genre. J'ai commencé par ajouter des fiches. Puis, j'ai souhaité faire partager mes dernières découvertes en laissant des avis sur les films que je voyais.

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