Clownhouse
Alors que les années 1980 touchent à leur fin, le cinéma d’horreur est particulièrement hanté par les boogeymans et autres psychopathes issus des slashers. Sous-genre en perte de vitesse à l’époque, ce dernier reste la principale base de travail de Clownhouse, même s’il n’officie pas vraiment dans ce style. Comme son titre l’indique, le premier métrage de Victor Salva s’attache à détourner une figure avenante du cirque, du moins aux yeux de certains, pour en faire les antagonistes de l’histoire. Aujourd’hui, le procédé peut paraître éculé. Pourtant, Clownhouse est l’un des premiers essais en la matière, si l’on excepte Blood Harvest et l’incursion aussi délurée qu’improbable de Killer Klowns From Outer Space.
Une invitation pour le moins cordiale
L’initiative a sans doute été marquée par le roman Ça de Stephen King, sortie quelques années plus tôt. Ouvrage qui, soit dit en passant, donnera une excellente adaptation en téléfilm en 1990. Le terrain semble assez dégagé pour investir une nouvelle forme de terreur en s’appuyant sur la coulrophobie. Pourtant, l’image du clown maléfique ne s’attarde pas sur une peur irrationnelle et inexpliquée, mais plutôt sur une crainte avérée propre à l’identité de ceux qui se dissimulent sous les couches de maquillage. En l’occurrence, il s’agit de trois malades mentaux, psychopathes de leur état, échappés d’un hôpital psychiatrique.
Bien décidés à semer la terreur dans une petite bourgade, ils entrent dans le cadre assez familier du slasher où le prétexte justifie le propos d’une manière assez sommaire. Seulement, le film de Victor Salva s’éloigne sensiblement d’une structure classique. À commencer par une trame narrative qui se scinde en deux grands axes. La première partie prend place au sein d’une fête foraine. L’ambiance est assez décalée, mais permet de planter le décor juste après la célébration d’Halloween. Progressivement, on s’écarte de ce cadre pour se tourner vers un «Home Invasion» assez prévisible et pas forcément maîtrisé dans ce qu’il sous-tend.
Et le trio de malades mentaux gagnant est...
Malgré la taille de l’habitation, le procédé devrait évoquer une claustrophobie inhérente à la sensation d’être pris au piège, a fortiori dans un environnement domestique. Or, les irruptions clownesques sont tout aussi sporadiques qu’infructueuses. Même si l’on peut arguer la débilité profonde desdits malades mentaux, ils se contentent d’occuper les lieux sans revêtir une menace réelle. Certes, leur présence n’a rien de suggestif dans ce qu’elle implique, mais la construction est trop chaotique pour proposer un rythme constant. Donnée essentielle pour insuffler une montée progressive du danger et une tension croissante au métrage.
Dans ce contexte, les agressions et les meurtres se font plutôt rares. On occulte ainsi tout effet gore et une violence graphique de circonstances pour se contenter de hors-champ faciles et de séquences vite expédiées. Une manière comme une autre de masquer les limites d’un budget assez pauvre. De même, on notera quelques plans et passages assez tendancieux pour le moins douteux lorsqu’on prend connaissance des inclinations du cinéaste et des problèmes judiciaires qui sont survenus pendant la post-production du film. Procédure qui a entraîné son emprisonnement pour abus sexuels. Une connotation scabreuse assez dérangeante.
Quelles drôles de clowneries dissimule t-il ?
Au final, Clownhouse est un film d’horreur assez mineur. On apprécie les relations qui unissent la fratrie et la volonté de s’affranchir des codes du slasher, sans pour autant s’en éloigner. Toutefois, la progression souffre de nombreuses maladresses dans un traitement trop timoré et peu convaincant dans la suite des événements. Il n’y a aucune exploitation du cadre domestique pour mettre en avant un quelconque avantage sur la connaissance des lieux. De même, le rapport de force entre adultes et enfants n’est guère crédible. Quant aux visages blafards des clowns, leur «objetisation» par l’absence de paroles et de mimiques assez grotesques ne suscite guère l’effroi, même dans une telle situation.
Un film de Victor Salva
Avec : Nathan Forrest Winters, Brian McHugh, Sam Rockwell, Michael Jerome West