Raspoutine: le Moine Fou
En Russie, à la fin du XIX ème siècle et au début du XX ème, l'existence tumultueuse et troublante du moine fou Raspoutine.
En 1966, la Hammer décide de s'attaquer au biopic de l'un des personnages les plus mystérieux et fascinants de l'Histoire, à qui l'on octroyait moults pouvoirs dans la Russie des tzars.
Bonne idée, le nom de Raspoutine (signifiant débauché en russe) évoquant des moeurs et des doctrines que ne renieraient pas les principaux héros tourmentés de la firme britannique. Néanmoins, à la seule condition que le rôle principal soit tenu par un acteur charismatique, ce genre d'adaptation ne pouvant se permettre des choix de second ordre.
Auréolé de quelques rôles déjà captivants (du comte Dracula au monstre de Frankenstein, en passant par la momie et Fu Manchu), Christopher Lee endosse donc ce rôle sur mesure.
Le film débute dans la campagne russe. Un aubergiste pense que sa femme est sur le point de succomber lorsque un étranger assoiffé la sauve en retirant son mal par simple apposition des mains.
Premier miracle de Raspoutine, qui s'ensuivra d'une nuit de fête et d'une bagarre sanglante, bien dans l'esprit de cet aventurier qui s'était en quelque sorte autoproclamé moine dans la réalité.
Décidant de prendre la direction de la capitale, Saint-Petersbourg, son charisme, son opporturnisme et sa malice lui permettront de séduire l'une des dames de confiance de la tsarine, et d'entrer dans les hautes sphères du pouvoir.
La Hammer prendra quelques libertés avec les faits historiques durant le film. Ainsi, la capacité hypnotique du moine fou sera mis en avant par le jeu époustouflant d'un Lee au sommet de son art, qui livre probablement ici sa meilleure prestation. Les mains guérisseuses de Raspoutine sont l'autre détail fort du métrage, alors que les connaissances occultes du personnage sont laissées de côté.
Pêle-mêle aventurier, amateur de bonne chair (dans tous les sens du terme) et de bon vin, danseur et bagarreur, le Raspoutine de la Hammer est un personnage haut en couleurs, tour à tour captivant et odieux, qui finira par attirer les rivalités et les jalousies dans une Russie joliment reconstituée, tant au niveau des costumes et des décors, les quelques séquences dansées apportant un aspect typique indéniable à l'ensemble du métrage, très esthétique donc.
La prestation de Lee reste toutefois l'atout majeur de ce film. La scène des acides, avec une caméra joueuse alternant les zones d'ombres et les yeux hallucinés de Raspoutine, est d'une incroyable force, la cruauté du héros traversant l'écran.
A mesure que son personnage s'isole, l'interprétation de Christopher Lee s'intensifie, portant à lui seul un métrage bien dans l'esprit de la Hammer, associant baroque, terreur psychologique et charme rétro.
Le soin apporté pour chaque scène fait désormais école devant le nombre incalculable de bandes fauchées inondant le marché de la vidéo.
L'épilogue peut se diviser en deux séquences bien distinctes. La première, presque à prendre au second degré, dévoile un Raspoutine gourmand et primitif, Lee s'en donnant à coeur joie dans cette composition à la limite de la parodie, à contre-courant du reste du film.
La seconde partie, effroyable, marque une rupture totale avec la séquence précédente. Raspoutine, résistant à un empoisonnement, livrera un duel final épique et violent, le métrage se clôturant de manière subite et brutale, à l'instar de sa figure centrale, dont la mort suscita bon nombre d'interrogations et de légendes.
Selon les faits, Raspoutine aurait résisté à un poison et aurait été abattu de trois balles avant d'être castré puis noyé dans un lac alors qu'il était encore en vie.
Sa disparition engendrera ensuite celle de la famille impériale, amplifiant l'aspect légendaire de ce personnage hors du commun, incarné avec brio par l'immense Christopher Lee.
Un film de Don Sharp
Avec : Christopher Lee, Barbara Shelley, Richard Pasco, Francis Matthews