The Crucifixion
Tout comme Alexandre Aja, Xavier Gens s’est détourné des productions françaises pour des raisons évidentes. En matière de cinéma de genre, l’hexagone n’a jamais été aussi frileux à concrétiser des projets d’envergure. Bien que modeste dans ses moyens, The Divide parvenait à tirer parti d’un huis clos âpre et angoissant sur fond d’apocalypse nucléaire. Depuis, le réalisateur s’est fait plutôt rare. Avec The Crucifixion, il se penche sur un sujet ô combien éculé: la possession démoniaque. Et ce n’est pas l’inspiration d’un fait divers réel qui est susceptible d’inverser la tendance. Par ailleurs, l’adage «inspiré d’une histoire vraie» est tellement usité qu’il en est devenu une appellation marketing.
Au nom de Jésus ! (encore...)
Toujours est-il que le scénario n’a rien de foncièrement novateur à offrir. L’exorcisme qui tourne au drame, les poursuites judiciaires, une journaliste d’investigation dépêchée sur place et une enquête qui sombre progressivement dans le paranormal (ou la folie?). La trame est convenue au possible avec une évolution aussi prévisible que maladroite. Les tenants sont trop précipités et évasifs, tandis que la suite souffle le chaud et le froid sans que l’ensemble trouve un véritable équilibre entre les différents points clefs de l’intrigue. On pense notamment à ses flashbacks récurrents présentés dans une chronologie désordonnée et confuse.
Au lieu de monter crescendo dans la tension, les moments les plus «percutants» surviennent inopinément et sont beaucoup trop furtifs pour développer une aura malsaine. Si le fait de remonter le fil des événements permet de mieux apprécier l’origine du mal, les révélations restent décevantes. Quant aux manifestations du démon, on se cantonne aux yeux renversés, à la voix d’outre-tombe, à la «lévitation»... Tous ces éléments accusent un retard de près de deux décennies! Il en va de même des jump-scares ô combien agaçants et prévisibles. Non seulement la mise en scène ne se cache pas de leur irruption immédiate, mais l’habituelle intonation censée les accompagner pour effrayer n’arrive même pas à faire sursauter.
La main du diable ?
Le cadre de la Roumanie démontre un potentiel évident pour une telle histoire et débroussaille le terrain un an avant La Nonne. La sensation d’isolement est bien retranscrite, tout comme les croyances et les superstitions qui paraissent scléroser les mentalités depuis le Moyen-Age. Les symboles christiques s’amalgament plutôt bien à un folklore où les traditions et les légendes ne sont jamais très éloignées des Saintes Écritures. On regrette néanmoins que le clivage entre possession avérée et schizophrénie ne soit pas plus appuyé. Il ne suffit pas d’une visite dans un hôpital psychiatrique et un diagnostic dogmatique pour brouiller les pistes. Soit dit en passant, la présence du démon est confirmée dès le départ sans ambiguïté aucune.
On peut toutefois saluer l’idée de la «pluie intérieure» qui offre un bel effet graphique, notamment lors du dénouement. Ce qui tend à inverser la perspective que l’on se fait de l’environnement, un peu comme la croix renversée. Par ailleurs, la conclusion est tout aussi bâclée que l’entame. Là encore, la transition pour l’amener se perd dans une multitude d’invraisemblances. Pire que cela, l’ultime révélation se heurte à une dernière manifestation en totale contradiction avec ce qu’elle suggère. Entre l’exorcisme improvisé, la possession réalisée en un temps record et la manière de se débarrasser du démon, tout amène à une fin poussive et bouclée dans la débâcle.
Faudrait peut-être faire une réclamation auprès du décorateur...
Au final, The Crucifixion reste une déception dans le sens où l’intrigue recycle des éléments surexploités sans jamais trouver une approche novatrice, à tout le moins différente. Le film de Xavier Gens n’apporte strictement rien au sujet et se permet quelques errances narratives aussi flagrantes que navrantes. Une progression chaotique, des investigations sans relief, une évolution percluse de temps mort où la linéarité est ici synonyme de prévisibilité... Il ne faut malheureusement pas compter sur une atmosphère digne des Carpates ou de productions similaires pour changer la donne. En dépit de modestes bonnes idées, on demeure ancré dans un produit stéréotypé auquel il manque un semblant d’âme pour se distinguer. Un comble quand on parle de possession démoniaque!
Un film de Xavier Gens
Avec : Sophie Cookson, Corneliu Ulici, Brittany Ashworth, Matthew Zajac