Deep Water
Qu’il soit géant ou d’une taille tout à fait normale, le scorpion est un arachnide peu exploité dans le domaine du survival animalier. Hormis de timides (et très dispensables) incursions telles que Stinger, Deadly Stingers ou Scorpius Gigantus, la préférence va clairement du côté des araignées. Sur la base d’une histoire de l’écrivain thaïlandais S. P. Somtow, Deep Water possède quelques éléments intéressants, notamment ce qui a trait au folklore asiatique. Associé à la bestiole, l’occultisme peut éventuellement permettre de se démarquer face aux nanars assumés d’Asylum ou de SyFy. Qui plus est, Brian Yuzna est à la barre de cette production qui aura connu pas mal de heurts avant de se concrétiser.
Une sirène en perdition ?
Il faudra deux ou trois entames bien distinctes avant que le film ne démarre. Malgré leur côté succinct, ce début laborieux est un peu fourre-tout. Une légende antédiluvienne, des pouvoirs paranormaux, un found footage vite expédié et passablement inutile. Puis l’on introduit les véritables protagonistes comme le ferait tout mauvais survival animalier. Divergences de point de vue, caricatures ambulantes, antagonistes sans scrupules, un élément perturbateur de taille... Rien ne manque à l’appel, mais l’ensemble demeure constamment dans une certaine confusion. À trop vouloir susciter le mystère et la tension (intention tout à fait louable), le cinéaste en oublie de faire progresser son récit.
Dès lors, on se retrouve dans une évolution cyclique qui ressasse encore et toujours les mêmes événements. Hormis quelques séquences sur la terre ferme, la majeure partie de l’intrigue se déroule au large des côtes sur une plate-forme de pêche. L’endroit ne paie pas de mine, mais à l’instar de la créature, reconnaissons là un certain effort pour changer de décors fades et sans intérêt. De plus, les eaux turquoise indonésiennes offrent un côté exotique qui n’est pas pour déplaire. Malgré une exploitation correcte d’un espace restreint, le huis clos à moitié avoué se heurte à un manque d’idées flagrant pour introduire les attaques du scorpion.
Un problème de gorge encombrée ?
La plate-forme a beau proposer différents niveaux, ainsi que des environnements intérieurs et extérieurs, on en revient toujours à des assauts basiques. Ces attaques hautement prévisibles sont suggérées par des subterfuges grossiers qui tendent à mettre le spectateur en condition au lieu de l’étonner. Or, celles-ci surviennent de manière trop sporadique. Malgré la courte durée, l’on privilégie des échanges creux et des dialogues trop longs qui s’étendent au détriment de l’action, si répétitive soit cette dernière. Il en ressort un ennui presque constant qui débouche sur d’anecdotiques retournements de situation. Ceux-ci concernent surtout l’esprit lovecraftien qui émane de la créature et de sa légende. Guère surprenant quand on connaît la filmographie du cinéaste, cela dit.
Toujours est-il que le scorpion tarde également à se montrer. La plupart du temps, on a droit à l’émergence de sa queue et son dard pour empaler ses victimes. Si les effets numériques sont sommaires, force est de reconnaître que le design de l’arachnide (pris dans son entièreté) n’est pas si immonde que cela, bien au contraire. On notera un certain travail pour concilier les caractéristiques d’un scorpion classique à ses homologues préhistoriques. Les incrustations de la bête, elles, alternent entre le bon et le moins bon. Il en ressort une apparence massive relativement convaincante que l’on ne voit pourtant qu’en fin de parcours. L’une des rares qualités du film se fait ici trop discrète!
Baoht Z'uqqa-Mogg !
Au final, Deep Water aurait pu créer la surprise. En délaissant le côté nanar de certaines productions et en proposant quelques concepts sympathiques (le scorpion géant, la plate-forme de pêche...), le film de Brian Yuzna était en passe de flotter au-dessus des habituelles séries B fauchées par le budget et les idées. Cependant, la trame principale ne possède que peu d’intérêt, même en mélangeant les codes du survival animalier, l’occultisme asiatique et des références lovecraftiennes. La faute à un rythme redondant et passablement ennuyeux qui ne véhicule aucune tension. Une production médiocre dont les prétentions auraient pu déboucher sur un métrage modeste et néanmoins divertissant.
Un film de Brian Yuzna
Avec : Michael Paré, Janna Fassaert, Francis Magee, Francis Bosco